L’entreprise turque Karpowership, filiale de l’opérateur Karadeniz, à qui l’Etat libanais loue deux navires-centrales, a annoncé vendredi matin qu'elle cessait d'alimenter le Liban en courant, mettant ainsi à exécution une menace lancée il y a quelques jours afin de protester contre des impayés de la part de l'Etat et contester des poursuites en justice dont elle fait l'objet.
"Environnement plein de risques"
Dans un communiqué vendredi matin, Karpowership se dit "désolée de mettre à l'arrêt les moteurs de ses navires-centrales après avoir déployé tous ses efforts pour éviter cela". "Nous avons fait preuve de flexibilité durant 18 mois avec l'Etat libanais, et nous avons assuré le courant électrique sans obtenir les montants qui nous sont dus et sans aucun plan de paiement, car le Liban traverse une période très difficile. Toutefois, aucune compagnie ne peut travailler dans un tel environnement plein de risques directs et injustifiables", a expliqué la société.
Réagissant à la décision de Karpowership, Electricité du Liban (EDL), qui gère le réseau électrique du pays, a confirmé que la société turque a mis ses moteurs à l'arrêt à 8h vendredi matin à Zouk et Jiyé, entraînant une perte de 240 MW d'alimentation en courant. EDL explique ensuite qu'elle a activé plusieurs groupes électrogènes dans les centrales à moteurs inversés de Zouk et Jiyé et dans une centrale à Tyr, ce qui devrait assurer une production supplémentaire de 130 MW "afin de compenser partiellement le déficit entraîné par la suspension des moteurs des navires-centrales".
Dès mardi, le président de la commission parlementaire des Travaux publics, des Transports, de l'Energie et de l'Eau, Nazih Najm, avait prévenu que le Liban pourrait être plongé dans l'obscurité dès la fin de cette semaine si Karpowership mettait sa menace à exécution.
L’État loue à la filiale de Karadeniz deux navires-centrales, l’Orhan Bey et le Fatmagül Sultan, depuis 2013, amarrés à Jiyé (Chouf) et Zouk Mosbeh (Kesrouan), respectivement au sud et au nord de Beyrouth, qui déploient une capacité de 370 mégawatts (MW), soit près d’un quart des capacités totales disponibles dans le pays. Le gouvernement libanais a des arriérés de paiements de dix-huit mois vis-à-vis de l'entreprise turque, pour un montant de 180 millions de dollars.
En outre, Karpowership est dans le collimateur de la justice depuis mars dernier après le déclenchement d’enquêtes par le juge d’instruction de Beyrouth pour faits de "corruption" et de "blanchiment d’argent". Le procureur général financier Ali Ibrahim a interdit, en fin de semaine dernière, à la société turque de faire sortir du territoire ses deux navires-centrales, afin de garantir que la filiale de l’opérateur turc Karadeniz ne se déroberait pas à son obligation de payer 25 millions de dollars à l’État au cas où la justice confirmerait sa participation à des "transactions financières et opérations de courtage litigieuses". Le directeur de Karpowership, Ralf Faysal, qui faisait partie des personnes aux arrêts depuis plusieurs semaines dans le cadre de cette affaire, a récemment été libéré sous caution. Les sources proches du dossier contactées évoquent une affaire "totalement politique", le secteur de l’électricité en général, et celui de la location des navires-centrales en particulier, ayant régulièrement alimenté des tensions entre les partis au pouvoir.
La location de ces barges avait été présentée comme une solution temporaire pour combler le déficit de production d’EDL, le temps que le pays construise des centrales permanentes. Un chantier qui n’a finalement jamais été mené en raison des conflits d’intérêts des différents partis au pouvoir, ne laissant d’autre choix au pays que de continuer à compter sur Karpowership.
240 MW en moins
Une suspension de l’activité de l’Orhan Bey et du Fatmagül Sultan risque donc d’entraîner encore plus le Liban vers le blackout. Etant déjà en sous-régime, les deux barges fournissaient 240 MW de courant à l'Etat, au lieu de 370 prévus.
EDL a déjà mis en garde en fin de semaine dernière contre un rationnement généralisé et sévère du courant, après la suspension d’une avance pour payer son approvisionnement en carburant. Elle enregistre une baisse de 200 MW de sa production de courant, de 1 250 à 1 050 MW, à la suite de la suspension par le Conseil constitutionnel des effets de la loi n° 215/2021 qui devait permettre de débloquer une avance de 300 milliards de livres libanaises (200 millions de dollars au taux officiel de 1 507,5 livres le dollar) pour payer une partie des tankers commandés par le fournisseur de courant. Une suspension décidée à la suite d'un recours présenté par des députés des Forces libanaises, qui s'opposaient à l'octroi de cette avance. En conséquence, et faute de solution, l’approvisionnement en courant dans l’ensemble du pays sera réduit jusqu’à l’arrêt total des centrales électriques d’ici au 22 juin prochain, a averti EDL la semaine dernière.
Pour ceux qui se demandent encore pourquoi le Aoun bloque la formation d’un nouveau gouvernement ils ont la réponse qui ne souffre d’aucun doute. Il ne veut pas qu’on aille fouiller les dossiers de l’EDL et des autres ministères qui les mettent en porte à faux et les déclarent responsables principaux de la destruction du pays après l’avoir pillé. Leur juge attitrée devrait commencer par enfoncer les portes de ce ministère scrupuleusement gardé pour rétablir la vérité que tous les libanais attendent à savoir ont sont passés les milliards injectés dans ce ministère et qui n’ont servi qu’à les rendre riches et puants mais continuent à accuser tout le monde de leurs crimes impardonnables en multipliant les discours fallacieux qui les enfoncent encore plus dans l’opprobre et le déshonneur. A ce jour aucun magistrat n’a osé évoquer le problème de l’EDL et on se demande pourquoi cet écran de fumée qui les aveugles et les empêche de faire leur boulot. Vendus aussi les justiciers de ce pays sont aussi coupables par leur silence et leur inaction que les autres vendus politiques qui les ont nommé pour assurer leur immunité.
12 h 35, le 16 mai 2021