Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a dénoncé dimanche comme "une grosse erreur" des propos du chef de la diplomatie, une semaine après la fuite d'un enregistrement dans lequel Mohammad Javad Zarif semble critiquer l'influence de l'armée dans la diplomatie.
Ces propos, formulés lors d'un entretien "confidentiel" de plusieurs heures, ont été relayés le 24 avril par des médias à l'étranger. Ils ont provoqué de vives critiques en Iran, les conservateurs reprochant à M. Zarif de mettre en cause les grandes lignes de la politique de la République islamique.
Ces fuites surviennent à moins de deux mois de l'élection présidentielle et alors que Téhéran négocie avec les grandes puissances pour relancer l'accord moribond de 2015 sur son programme nucléaire. Le gouvernement du président modéré Hassan Rohani a ordonné l'ouverture d'une enquête pour "complot", appelant à identifier le ou les auteurs du "vol" du fichier audio.
D'après un extrait publié par le New York Times, le ministre a déclaré : "en République islamique, le champ militaire règne. J'ai sacrifié la diplomatie au (profit) du champ militaire" alors que le "champ militaire" doit être "au service de la diplomatie".
M. Zarif faisait référence au rôle du feu général Kassem Soleimani dans la politique étrangère du pays, selon le journal américain. Il a regretté, après la révélation de cet enregistrement, que cette fuite se soit transformée en "querelles intestines", ajoutant que le "point principal" de ses observations était de souligner "la nécessité d'un ajustement intelligent de la relation entre ces deux ailes" du pouvoir iranien.
"Remarques hostiles"
Dans un discours télévisé, l'ayatollah Khamenei a affirmé dimanche que "la politique du pays comporte des volets économique, militaire, social, scientifique et culturel, outre les relations extérieures et la diplomatie". De ce fait, si "l'un nie ou contredit l'autre, cela n'a aucun sens", a-t-il expliqué. "C'est une grosse erreur qu'aucun responsable de la République islamique ne doit commettre", a jugé le guide suprême, sans mentionner le nom du ministre Zarif, à la tête de la diplomatie depuis 2013. L'appareil diplomatique n'est que "l'exécuteur" des décisions prises aux niveaux supérieurs, a-t-il ajouté, mettant en garde contre le fait de s'exprimer "d'une manière pouvant signifier que l'on n'accepte pas la politique du pays". Il a regretté que "certains des propos" du ministre Zarif "soient une répétition des remarques hostiles de nos ennemis."
Plus tôt dimanche, M. Zarif avait demandé "pardon" à la famille de Kassem Soleimani. "Les sentiments purs des amoureux du martyr éminent général Soleimani (...) et de sa famille, en particulier de sa fille Mme Zeinab, qui m'est aussi chère que mes propres enfants, ont été blessés", a regretté M. Zarif sur Instagram. "J'espère que la famille respectée de Soleimani me pardonnera", a ajouté le ministre.
Mardi, la fille de Kassem Soleimani avait tweeté: "voici le coût (payé par) le champ (de bataille) pour la diplomatie", avec une photo de la main en sang du général après son assassinat, sans évoquer explicitement les propos du ministre. "Si j'avais su qu'un seul mot (de ces déclarations) allait être rendu publique, je ne l'aurais certainement pas prononcé", a encore dit M. Zarif dimanche.
Surnommé "l'homme des champs de bataille", Soleimani était le chef de la Force Qods chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique d'Iran. Il a été tué dans une frappe américaine de drone à Bagdad en janvier 2020.
M. Khamenei a défendu "la Force Qods, (qui) a réalisé la politique d'indépendance de la République islamique en Asie occidentale", affirmant que "les Américains sont fortement mécontents de l'influence" régionale de Téhéran. M. Zarif a immédiatement réagi dimanche soir sur Instagram à l'allocution du guide suprême, affirmant que l'ayatollah Khamenei avait "le dernier mot" et disant "regretter que certains points de vue personnels (...) lui aient causé des préoccupations".
commentaires (4)
Grosse erreur!? Non, ce n'était simplement qu'une vérité de la Palice.
Wlek Sanferlou
20 h 23, le 03 mai 2021