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La crise chronique d’EDL : erreurs et suggestions

La crise chronique d’EDL : erreurs et suggestions

Smoke billows from Zouk Mosbeh power plant north of the capital Beirut on April 10, 2019. The Lebanese government approved a plan to reform its electricity sector, vowing to provide power 24 hours a day from a grid notorious for blackouts. / AFP / JOSEPH EID

La station électrique de Zouk est le cœur électrique du Liban.

Malheureusement, ce cœur émet des tonnes de gaz dangereux dans l’atmosphère (direction principale nord) et ne peut rester une solution à long terme sans des mesures draconiennes.

Les chaudières des turbines à vapeur lâchent à travers les cheminées un jet continu cancéreux de gaz et de fumées noires visibles à des kilomètres, tandis que les groupes au fuel lourd des bateaux Karadeniz en location (à titre donc provisoire), en sus des groupes en installation fixe d’EDL, fonctionnent au fuel lourd et émettent aussi des gaz moins visibles, mais tout aussi nocifs.

Le Liban a besoin de la station électrique de Zouk, mais le pays a autant besoin de la santé de ses habitants. On ne peut en aucun cas arrêter cette station, mais on peut en revanche essayer de trouver des solutions pour protéger la population.

Les groupes thermiques fixes d’EDL peuvent être modifiés pour fonctionner au gaz beaucoup moins polluant. L’équipement a, paraît-il, été acheté et payé par EDL, mais se trouve toujours en stock chez le fournisseur. Il est possible de louer ou d’acheter des stations de gazéification flottantes pour alimenter ces groupes. Les brûleurs des chaudières doivent être reconditionnés.

L’emplacement choisi pour installer ces groupes électrogènes fixes a été mal choisi dès le départ, car il a privé les extensions futures de Zouk de surfaces utilisables pour des équipements propres et beaucoup plus puissants.

La zone de Zouk est densément peuplée et donc, à ce jour, une zone à haut risque, car le traitement des cancers représente un gros budget, partiellement supporté par l’État.

Aux ingénieurs d’EDL donc de trouver des réponses.

Quelques timides solutions aux problèmes financiers

1. Les tarifs Aujourd’hui, EDL manque de moyens financiers et il en est de même pour les abonnés.

La distribution d’argent est maintenant terminée faute de moyens. EDL ne peut se permettre d’alimenter de façon plus ou moins régulière que les régions qui payent le courant, alors que les régions moins munies sont privées de courant sur de longues périodes. Cette vérité est certainement pénible à accepter.

L’alimentation anarchique actuelle de la majorité des régions porte atteinte à l’économie du pays, les industriels sont déstabilisés à cause de coupures trop fréquentes, tantôt courtes et tantôt longues, les petits commerces sont désorientés, alors que les ménages doivent accepter de perdre des produits dans leurs réfrigérateurs s’ils ne disposent pas d’une alimentation de secours.

Les coupures de courant doivent donc être organisées de façon technique, structurées et gérées par un organisme de contrôle consciencieux, et les heures de coupure doivent être publiées pour toutes les régions. Celles-ci doivent être scrupuleusement respectées pour permettre au public de mieux s’organiser. Cette diminution du désordre permettra d’accroître un peu la confiance des citoyens.

La solution à court terme au problème financier d’EDL est d’augmenter les tarifs. Or, la population peut difficilement payer plus, car le niveau de pauvreté est devenu dramatique. Cette augmentation des tarifs doit donc être modérée pour les petits consommateurs.

Elle doit être accompagnée d’une augmentation des heures d’alimentation. Couplée à une orchestration médiatique mettant en évidence les efforts d’EDL en cours, cette augmentation risque de « passer ».

Un problème vital et très important est la collecte des factures, actuellement tardive. L’impact négatif d’une collecte tardive peut être réduit en utilisant des compteurs intelligents et donc télécommandés, ce qui éliminerait les « mauvais payeurs » confrontés à un arrêt de l’alimentation électrique en cas de retard de payement.

Comparée à la situation anarchique actuelle, une approche stricte et sévère dans ce dossier aurait l’avantage de brider la consommation, car les Libanais, une fois informés que leur facture devra inéluctablement être payée à temps, feront donc attention de moins consommer.

Cette mesure compléterait l’augmentation des tarifs et contribuerait aussi aux mêmes effets de réduction de la consommation. On devrait constater un bond des recettes, car les compteurs intelligents empêchent tout manipulation frauduleuse des compteurs et limiteront la corruption au niveau de la collection.

Par ailleurs, il faudrait demander aux Nations unies de payer l’électricité distribuée aux camps de réfugiés syriens et palestiniens, la communauté internationale étant responsable d’eux.

2. Les concessions EDL peut recourir à la vente de concessions de production et de distribution dans des zones bien définies comme c’est le cas à Jbeil ou à Zahlé. Il s’agit d’un fast cash qui pourrait contribuer à refinancer partiellement EDL.

L’existence de nombreux producteurs sur le réseau général d’EDL pourrait favoriser l’émergence d’un marché spot de l’électricité permettant à EDL d’acheter du courant à prix compétitif, même à des prix parfois inférieurs à son propre prix de revient, et éventuellement de casser sa pointe en cas d’indisponibilité, etc.

Cette option future ne peut en aucun cas être écartée car elle doit être partie intégrante d’un programme pour les dix ans à venir, destiné à remettre le Liban sur les rails.

Suggestions rapides aux problèmes de production

1. La station de Hreicheh Cette station prévue pour délivrer 100 MW n’en produit que 25 à ce jour, alors qu’EDL s’en désintéresse.

La remise en état de cette station n’a besoin que de douze mois, mais demande un effort certain d’EDL. La consommation de carburant est importante, mais un effort de modernisation pourrait la réduire. Cette source d’appoint peut rendre service, le temps de mettre au point les futures centrales qui risquent de tarder.

2. Les stations hydrauliques Les stations de production hydrauliques existantes semblent ne pas intéresser EDL alors que les barrages avec leurs futures stations semblent beaucoup plus attirer leur attention.

Or, le concept des barrages avec des retenues importantes d’eau fait peur dans un pays comme le Liban, dont le sous-sol fracturé laisse présager des déboires futurs. Dans ce cas, et contre le concept développé par EDL, il est préférable de créer une dérivation des fleuves pour alimenter de nouvelles stations hydro- électriques sans retenue d’eau importantes. Cette solution, moins performante certainement sur le plan énergétique, a l’avantage d’éviter le poids énorme de grandes masses d’eau et de limiter les mouvements de terrain, avec tous les risques inhérents à ces phénomènes.

Un autre facteur très important qui pourrait booster la production électrique serait de moderniser plusieurs centrales hydrauliques existantes, ce qui veut dire produire plus de kWh avec la même quantité d’eau. Cette manne qui nous vient du ciel ne devrait pas être négligée.

Rien que sur Nahr Ibrahim, on peut, avec un investissement modéré, obtenir en quelques mois 18 MW supplémentaires pendant 6 mois de l’année et donc une énergie bon marché à partir de stations démodées vieilles de plus de 70 ans, mais encore opérationnelles.

Sur Nahr el-Bared et le Litani, une optimisation de la production est possible après un effort de nettoyage des retenues d’eau, et une remise en forme des conduites forcées et des turbines.

3. Alimentation privée Certains utilisateurs peuvent s’équiper de capteurs solaires pour réduire leur consommation électrique. De même, la possibilité pour chaque individu d’équiper son domicile, son usine ou son bureau de petites éoliennes existe, mais ce sont des solutions exigeant des investissements dans un pays où l’argent fait cruellement défaut. Cette solution verra certainement le jour après le redémarrage de l’économie.

La demande sur le réseau EDL pourrait donc ainsi diminuer, sans toutefois réduire abruptement la demande annuelle croissante sur l’électricité.

4. Les équipements électriques Nous sommes obligés de suivre la tendance mondiale qui met tout en œuvre pour limiter l’impact de l’énergie sur l’environnement, et donc sur la consommation, pour protéger notre planète.

L’importation de produits gros consommateurs d’électricité devrait être limitée, sinon interdite, comme par exemple les lampes à incandescence, les moteurs électriques à mauvais rendement, les réfrigérateurs et les machines domestiques trop gourmandes en énergie. La compensation de l’énergie réactive devrait être imposée à tous les grands consommateurs. Un travail de fond est nécessaire à ce niveau.

Le chauffage électrique de l’eau très répandu au Liban devrait être limité par l’utilisation de capteurs solaires performants, Chypre étant un parfait exemple sur ce plan.

5. L’exemple de Zahlé Le cas de Zahlé est un exemple de bonne gestion. La société de distribution de Zahlé, qui dispose d’un droit de production du courant, a réussi à mettre au point, pour pallier aux défaillances d’EDL, un système d’alimentation en courant de secours, et donc assurer le courant électrique, presque sans coupure à sa concession, soit 24h/24. Les utilisateurs qui payent deux factures, une pour le courant EDL et une pour le courant de secours, ont accepté cette situation sans grands mouvements de protestation.

Cela prouve que la population est parfois prête à des sacrifices en contrepartie d’un service de meilleure qualité.

Les solutions pour l’avenir EDL a en projet plusieurs stations d’énergie. Depuis le temps que nous entendons cette promesse, les études devraient être terminées et les cahiers des charges prêts. Ces stations d’énergie au gaz, peu polluantes et économes en carburant, promettent donc une énergie électrique à prix plus économique.

Les études de ces projets devraient impérativement être accessibles dans les moindres détails, plans à l’appui, sur internet, cela incluant toutes les conditions administratives et techniques.

Le grand public devrait être appelé à exprimer son opinion pendant une période de trois mois après la publication de ces documents. Il est évident qu’il faudra s’attendre à beaucoup de commentaires peu utiles, mais on pourrait aussi recevoir beaucoup de conseils pertinents dans ce débat public.

Une commission d’experts devra analyser ces remarques et les filtrer pour en faire le meilleur usage.

Les hommes

Le ministre Ghajar, excellent ingénieur, mais sans moyens financiers et sans personnel qualifié, affublé en plus d’un héritage très lourd, sera vite dépassé. Sans les réformes nécessaires, il en sera de même pour tous ses successeurs. Son ministère appauvri et désarticulé navigue déjà, comme un bateau ivre, à la recherche d’un puits de pétrole.

Aucun homme, avec les moyens actuels, ne peut à lui seul s’attaquer avec succès à la gestion du formidable problème du redressement d’EDL, devenu le principal et le plus lourd fardeau de l’État. Le pétrole flotte sur la mer, mais encore beaucoup trop loin.

Une assistance technique et financière étrangère est absolument nécessaire pour retrouver l’horizon.

Nos partenaires étrangers, France, Allemagne, Danemark, Suisse, disposent de spécialistes, et les ministères de l’Éducation et de l’Énergie devraient demander l’envoi de missions techniques permanentes, financièrement soutenues par ces pays, car nous manquons de moyens pour nous aider dans ce domaine. À nous de leur assurer les moyens de remplir cette mission.

De notre côté, nos universités sont invitées à rechercher des instructeurs compétents dans le domaine de l’énergie électrique pour former des spécialistes et préparer l’avenir.

Aujourd’hui, notre grande misère et la pitié qu’elle inspire sont un atout face aux grands bailleurs de fonds. À nous d’utiliser cet avantage de toute urgence avant que d’autres problèmes au niveau de la planète ne viennent faire oublier les nôtres.

Sami TÉHINI

Ingénieur

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

La station électrique de Zouk est le cœur électrique du Liban.Malheureusement, ce cœur émet des tonnes de gaz dangereux dans l’atmosphère (direction principale nord) et ne peut rester une solution à long terme sans des mesures draconiennes.Les chaudières des turbines à vapeur lâchent à travers les cheminées un jet continu cancéreux de gaz et de fumées noires visibles à des...

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