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Politique - Décryptage

Démission collective du Parlement : pourquoi cela n’arriverait pas

Le parti de Samir Geagea souhaite que le mandat des députés soit écourté afin d’organiser des élections anticipées. Mais aucun de ses ex- alliés ne le soutient dans cette démarche.

Démission collective du Parlement : pourquoi cela n’arriverait pas

Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, et des députés observant une minute de silence en hommage aux élus disparus Michel Murr et Jean Obeid, le 12 mars 2021 lors d’une séance parlementaire au palais de l’Unesco à Beyrouth. Photo Parlement libanais/Hassan Ibrahim

Le « sauvetage ou le naufrage ». C’est ainsi que les Forces libanaises présentent la situation actuelle plaidant avec insistance pour l’organisation d’élections anticipées. Celles-ci pourraient être envisageables, selon eux, à l’issue d’une démission semi-collective du Parlement à laquelle se rallieraient, outre les FL, les blocs du Futur et du bloc démocratique joumblattiste. Mais cette manœuvre, que le parti de Samir Geagea défend bec et ongles, espérant convaincre ses ex-alliés, reste pour l’heure très hypothétique et suscite un certain nombre d’interrogations aussi bien sur sa finalité que sur les risques qu’elle entraîne. Dans l’optique des FL, une démission de cette envergure est destinée à générer un nouvel équilibre des forces et mettre un terme à l’impasse gouvernementale. Ce cas de figure a d’ailleurs été évoqué par plusieurs ambassades qui étudient les scénarios possibles en cas de récusation du Premier ministre désigné, Saad Hariri. Pour les chancelleries étrangères, il s’agit de passer en revue les conséquences d’une telle mesure et sa viabilité dans un contexte aussi complexe, précise notre chroniqueur politique, Mounir Rabih.

Le billet de Gaby NASR

D’un cloaque l’autre

À ce jour, le parti de Samir Geagea a refusé de se joindre au groupe de députés, huit en tout, qui ont claqué la porte de l’hémicycle dans la foulée de l’explosion du 4 août au port. Le leader chrétien estime que cette mesure reste, dans sa portée, un acte isolé et sans effet, contrairement à une démission de plus grande envergure qui pourrait redistribuer les cartes et les alliances politiques par le biais d’élections anticipées. Pour les FL, cette option constitue l’unique voie de salut dans le bras de fer qui oppose depuis des mois Saad Hariri au président de la République Michel Aoun autour de la formation du gouvernement. Pas plus tard que lundi dernier, le chef de la formation chrétienne a précisé qu’il était « en contact avec les alliés des FL pour parvenir à des résultats ». Conscient des écueils que pose une démission collective, Samir Geagea a toutefois mesuré ses propos, soulignant qu’il se mettrait d’accord avec Saad Hariri avant de prendre une telle décision. Mais les FL savent pertinemment que M. Hariri n’est pas prêt à renverser la table pour le moment. « Pour nous, ce cas de figure n’est pas envisagé pour le moment tant que Saad Hariri n’a pas jeté l’éponge et qu’il poursuit ses efforts pour former un gouvernement. Cette option n’est pas non plus considérée par Walid Joumblatt (le chef du PSP) qui prône depuis une dizaine de jours le compromis », commente Charles Jabbour, le conseiller en communication des FL. Le Premier ministre désigné estime probablement qu’il est encore trop tôt pour rendre son tablier. Une position que l’on confirme dans les milieux haririens où l’on avance le fait que M. Hariri mise encore sur le soutien que lui apporte la France, les Émirats arabes unis et l’Égypte, des pays où il s’est récemment rendu.

« Une déclaration de guerre »

Le courant du Futur et le PSP sont également récalcitrants à prendre une mesure aussi extrême car ils ne souhaitent pas avoir des démêlés avec le Hezbollah, encore moins avec Amal, dont le chef n’admettra jamais que l’on touche à sa chasse gardée, l’Assemblée, dont il maîtrise tous les rouages. Le partenaire de Saad Hariri et de Walid Joumblatt, Nabih Berry, verrait d’un très mauvais œil ce défi et rallierait immanquablement son allié chiite, le Hezbollah, sur cette question. « Pour le Hezb, ce serait interprété comme une véritable déclaration de guerre », confie un analyste du 14 Mars. Un constat que confirme d’ailleurs un proche du parti de Dieu. Ce dernier estime en effet que le tandem chiite n’accepterait jamais ce scénario. « Hassan Nasrallah et Nabih Berry feront l’impossible pour éviter d’en arriver là », estime cette source. Le mot d’ordre donné, mercredi, par le secrétaire général du Hezb, va dans ce sens : il est temps de former un gouvernement, a-t-il dit, précisant qu’au cours des derniers jours, des efforts collectifs et sérieux ont été déployés et se poursuivront à cette fin. Pour les FL, qui veulent se positionner comme un parti proche des révolutionnaires tout en gardant un pied dans la sphère de l’establishment politique, l’intérêt de la démission collective est double : rallier la rue et reconquérir d’anciens alliés comme le PSP et le Futur. En lançant cette opération censée sortir le pays de l’ornière, elles espèrent ainsi redistribuer les cartes de sorte à isoler le Hezbollah et le CPL. « Cette dynamique nationale serait certainement relayée par une réaction dans la rue de sorte à raviver la flamme de la révolte du 17 octobre », assure M. Jabbour. Dans la logique défendue par Samir Geagea, lorsque la pression populaire se fera plus intense – donc avec l’appui ponctuel d’une soixantaine de députés – elle ne pourra que conduire au changement. « C’est, dit le conseiller en communication, un scénario similaire à celui qui a précédé le retrait des forces syriennes en 2005. »

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Une thèse qui fait sourire l’ancien député du courant du Futur, Ahmad Fatfat. Le jeu des majorités et des minorités n’a, selon lui, aucun aboutissement démocratique au Liban. « À quoi nous a servi la majorité que le 14 Mars avait obtenue à deux reprises, à l’issue des élections de 2005 puis celle de 2009 ? À rien, puisque nous avons été obligés de composer avec le pouvoir de facto du Hezbollah. C’est un problème de fond qui n’est aucunement lié à la question de l’alternance démocratique », dit-il. L’ancien député, considéré comme l’un des faucons du courant du Futur dont il boycotte les réunions depuis un certain temps, rappelle d’ailleurs que la question de la démission n’est pas du tout à l’ordre du jour du chef du courant du Futur.

Ce que l’ancien député haririen ne dit pas toutefois, c’est que ni le courant du Futur ni le PSP n’ont réellement intérêt à se prêter à ce jeu risqué. En cas d’élections, les deux blocs, tout comme l’ensemble des partis conventionnels d’ailleurs, ne peuvent plus espérer renouer avec leur popularité d’antan, sérieusement écorchée par le soulèvement du 17 octobre. Seules les FL, ainsi que les Kataëb, qui ont rejoint la rue plus ou moins à temps, peuvent a priori prétendre améliorer leur score électoral si des élections anticipées devaient avoir lieu aujourd’hui. « Pour les partis démissionnaires, l’objectif serait de refaire peau neuve, en se représentant sous le label de la révolte d’octobre et se redonner une bouffée d’oxygène », commente l’ancien député Saleh Honein.

Violation du pacte ?

Le scénario paraît assez utopique. Mais même dans le cas où la démission collective deviendrait réelle, celle-ci impliquerait-elle nécessairement des élections anticipées ? Pour les FL, une démission de près d’une soixantaine de députés – on espère aussi que certains indépendants suivront – issus des principaux blocs sunnite et druze et de la seconde plus grande formation chrétienne (après le CPL ), poserait sérieusement la question de la légitimité de la Chambre qui serait dépourvue d’au moins deux composantes communautaires. Les FL donnent pour exemple ce qui s’est produit en novembre 2006 avec la démission des ministres chiites du gouvernement de Fouad Siniora, sur fond d’un bras de fer autour de la mise sur pied du Tribunal spécial pour le Liban pour juger les assassins de Rafic Hariri. Le tandem chiite avait dénoncé à l’époque le manquement au « pacte national », une charte non écrite faisant office de compromis communautaire entre les principales entités qui composent le peuple libanais. Mais l’ancien député Salah Honein rejette catégoriquement la référence au pacte national et rappelle en substance que l’on a tendance à brandir cet argument un peu trop facilement et à l’instrumentaliser quand cela arrange les politiques ou à le substituer au texte fondamental. « On oublie que notre Constitution est laïque et qu’à part la parité au Parlement et une représentation équitable des communautés au gouvernement, elle n’évoque ni quotes-parts confessionnelles ni violation du pacte », dit-il. Par conséquent, qu’il s’agisse d’une démission de 10, 20 ou 100 députés, c’est pareil. « On doit procéder à des élections partielles et non à des élections générales. »Un argument qu’avance également, sur un ton toutefois plus provocateur, le chef du Parlement, Nabih Berry. Dans le prolongement des premières démissions, le patron d’Amal avait dit que l’Assemblée ne serait pas considérée, constitutionnellement parlant, comme démissionnaire, même s’il ne devait rester plus que lui dans l’hémicycle. Une réponse coriace à tous ceux qui avancent l’argument du vide constitutionnel en cas de démission collective.

Car même avec une poignée de députés, le Parlement resterait opérationnel et fonctionnerait avec les présents, assure pour sa part Ahmad Fatfat. « Ce serait d’ailleurs une manière de renflouer la majorité actuelle (issue du 8 Mars) qui, quel que soit le nombre restant, pourrait prendre des décisions aussi dangereuses que l’amendement de la Constitution », dit-il.

Le « sauvetage ou le naufrage ». C’est ainsi que les Forces libanaises présentent la situation actuelle plaidant avec insistance pour l’organisation d’élections anticipées. Celles-ci pourraient être envisageables, selon eux, à l’issue d’une démission semi-collective du Parlement à laquelle se rallieraient, outre les FL, les blocs du Futur et du bloc démocratique...

commentaires (5)

Ça ne va pas de nous donner des frissons avec des débuts de titres pareils? J'ai eu chaud au coeur pendant une fraction de seconde, puis est venue la deuxième partie de la phrase :(

Gros Gnon

22 h 47, le 03 avril 2021

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Ça ne va pas de nous donner des frissons avec des débuts de titres pareils? J'ai eu chaud au coeur pendant une fraction de seconde, puis est venue la deuxième partie de la phrase :(

    Gros Gnon

    22 h 47, le 03 avril 2021

  • Parlement et députés? ... un accent de moins décrit mieux notre hémicycle...

    Wlek Sanferlou

    17 h 23, le 03 avril 2021

  • On est bien dans nos fauteuils pourquoi voulez vous qu'on démission ??

    Eleni Caridopoulou

    17 h 26, le 02 avril 2021

  • Ce scénario aura pu être évoqué dans une autre approche plus légale et constitutionnelle si on avait un président à la tête du pays soucieux de l’intérêt de la nation. Lui seul avec son PM aurait pu dissoudre ce parlement sans qu’aucun recours ne soit possible et annoncer dans la foulée sa démission de la fonction oh combien chère à son cœur. Mais ça n’est même pas envisageable compte tenu de son attachement au titre pompeux et aux privilèges qui vont avec qui même en rêve n’aurait pu les avoir sans l’appui des vendus et leurs armes. Il se cramponne au siège en espérant une relève à son image et se fiche, aussi Barbade soit il du destin de ce pays que lui réservent ses alliés tant qu’on l’appellera Monsieur le Président. Il se sait protégé et inébranlable par ceux qui l’ont promu président de paille.

    Sissi zayyat

    13 h 39, le 02 avril 2021

  • IL Y MANQUE L,AMOUR PROPRE ET LA DIGNITE. LORSQU,ON EST FAINEANT ET INCOMPETENT ET ON RECOIT UN SALAIRE RIEN QUE POUR SES FESSES CHAUFFENT LE BANC OU L,ON EST ASSIS L,AMOUR PROPRE ET LA DIGNITE SONT RELEGUES SOUS LES FESSES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 28, le 02 avril 2021

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