Nous sommes déprimés, c’est un fait. Nous sommes tristes. Nous le sommes où que l’on soit, ici ou ailleurs. Qu’on soit resté bon gré ou mal gré. Qu’on ait décidé de partir vers des horizons plus lumineux ou qu’on soit resté dans les ténèbres. Aucun Libanais ne va vraiment bien.
Le fait de voir son pays se désintégrer et mourir à petit feu nous consume nous aussi. Même si on est parti depuis longtemps et que notre vie est plus douce que celle des personnes qui vivent au Liban. Même si on a tiré un trait sur le Liban et qu’on n’y est pas venu depuis des années. Au fond de nous, au fin fond de nous, il y a cette petite douleur de voir ses origines voler en éclats. Même si on ne s’en rend pas compte. On ne peut pas effacer cette terre qui coule dans nos veines, même si on est tombé en désamour avec le pays du Cèdre, comme on aime à l’appeler.
Cette tristesse n’est pas la même pour chacun, bien évidemment. À l’instar du traumatisme qu’on nous a infligé lors de la mise à terre de Beyrouth. Chacun porte en lui son fardeau. Il y a la souffrance des intrépides du Liban qui se sentent impuissants. Il y a les tourments de ceux qui se battent, tombant parfois dans la désillusion et qui se disent parfois que ça ne vaut pas la peine de continuer cette longue et interminable guerre contre le système. Il y a la peine des résignés. Ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas partir quelles que soient leurs raisons. Leur âge, leur situation financière. Il y a l’angoisse des jeunes qui voient leur avenir sombre. Il y a les préoccupations de ceux qui ont tout perdu et qui ne savent plus comment nourrir leur famille et comptent leurs livres libanaises qui n’ont plus de valeur, ne sachant pas de quoi demain sera fait. Il y a l’affliction de ceux qui n’ont plus de choix que de partir, laissant derrière eux leurs parents, leurs proches et portant en eux ce goût amer de croire qu’ils ont trahi leur pays. Même si leurs arguments sont légitimes, même s’ils disent que le Liban leur a tout pris, qu’ils ont assez donné. Ils ont l’impression d’abandonner les rives de cette contrée qui ne leur a rien fait de mal finalement. Il y a le calvaire de ceux qui ont le mal du pays. Qui se sentent apatrides. Qui ne savent pas s’ils pourront y venir. Parce qu’ils n’en ont pas les moyens, parce qu’ils partent à l’autre bout du monde, ou parce qu’ils n’en ont pas la force.
Mais la souffrance comme la tristesse ne sont pas éternelles. Elles ont une fin. Et même si le Liban, tel qu’on l’a connu, tel qu’on l’a aimé, n’existe plus, il ne mourra pas. Il ne s’éteindra pas. Pas comme ce fichu Phénix qui soi-disant renaît de ses cendres. Il a passé l’arme à gauche depuis longtemps. Le Liban n’est pas un Phénix. Il n’est pas (ou plus) résilient. Le Liban n’est pas jeune et il a connu les pires souffrances tout au long de son histoire. Son peuple a résisté, ici ou ailleurs. Il a tenu tête aux envahisseurs, aux occupants, à la famine, aux tremblements de terre, aux incendies et surtout à la monstruosité de ses dirigeants. Et il le fera une fois de plus. Il tient tête face à ces quelque 5 000 personnes qui ont bu jusqu’à la lie le sang d’un pays à qui ils ont tout pris. Et la fin de ces quelque 5 000 personnes, ces politiques, ces banquiers, ces voleurs, ces voyous, ces criminels surtout, est proche. Tout a une fin.
Et pendant ce temps, dans ce cauchemar que nous vivons, ce tunnel sans lumière dont on ne voit pas le bout, ce marasme dans lequel nous nous noyons jour après jour, et où la patience nous abandonne peu à peu, le Liban restera vivant. Il restera vivant dans l’action des hommes et des femmes sur le terrain ; dans celle des expatriés qui se mobilisent comme jamais ; dans l’accomplissement de ceux qui ont réussi ici ou ailleurs. Dans ses ambassadeurs. Et surtout, il restera vivant à travers son histoire millénaire, il restera vivant dans les colonnes de Baalbeck, dans la plaine de la Békaa, sur les rivages de Batroun, dans les souks de Tripoli et de Saïda, dans les rues de Hamra, dans la voix de Feyrouz, dans sa musique, dans sa gastronomie. Dans sa man’ouché, sa taboulé, son arak, son hommos, dans ces mets appréciés dans le monde entier. Dans cette langue chantonnante. Dans son hospitalité, sa générosité. Et une fois ce désespoir terminé, il se relèvera. Que ce soit demain ou dans des années, il se relèvera.
Le fait de voir son pays se désintégrer et mourir à petit feu nous consume nous aussi. Même...
It is true that members of the diaspora, myself included, are suffering too, however much less than those who cannot leave. I know I will do my utmost to support Lebanon and the Lebanese people. We will work with those who have remained and continue the true resistance, to help rebuild our society and for regime change. We will donate to non-governmental organizations, new and emerging progressive political parties, schools and universities to boost their programs and increase the number of scholarships for those who cannot afford it. We, the diaspora, are 14 million strong. We shall help Lebanon rise again.
23 h 15, le 02 avril 2021