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Moyen-Orient - Reportage

Quand les ombres de Dahlan et de Barghouti planent sur la Palestine

Alors que les Palestiniens se préparent pour leur premier scrutin en 15 ans, les deux acteurs se démarquent mais à distance.

Quand les ombres de Dahlan et de Barghouti planent sur la Palestine

Un membre de la famille Dahlan affiche des photos du politicien palestinien exilé Mohammad Dahlan, à leur domicile familial dans le camp de Khan Younes dans le sud de la bande de Gaza, le 24 février 2021. Saïd Khatib/AFP

L’un vit en exil aux Émirats et livre des vaccins par milliers à Gaza, l’autre est en prison en Israël mais fait figure de héros en Cisjordanie. À l’approche des élections, les « fantômes » de Mohammad Dahlan et de Marwan Barghouti planent sur la Palestine. Dans sa ville natale de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, Mohammad Dahlan, ex-chef des forces palestiniennes de l’enclave devenu conseiller du puissant prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, reste populaire malgré une décennie à l’étranger. Dans la maison familiale, immeuble blanc jurant avec le gris cru des autres édifices, des proches sortent des albums souvenirs d’un Dahlan jeune et maigrelet, exhibent ses bulletins scolaires témoignant de plus d’acuité en histoire qu’en théologie musulmane, et se félicitent de son dernier coup : la livraison de 20 000 vaccins orchestrée depuis les Émirats, via l’Égypte. À lui seul, Dahlan a fourni plus de vaccins anti-Covid à Gaza que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, une donnée qui ne passe pas inaperçue à près de deux mois des législatives de mai, les premières en 15 ans dans les territoires palestiniens. Et à quelques semaines du dépôt des listes électorales, le 20 mars. Depuis que Mohammad Dahlan, un rival de M. Abbas au sein du parti Fateh, a été poussé à l’exil en 2011 après avoir été reconnu coupable de corruption, ses réseaux continuent d’opérer sur place. À Khan Younès, les pro-Dahlan distribuent de la nourriture aux plus démunis, de l’argent aux sans-emploi, des bourses aux étudiants. Omrane, chômeur de 36 ans, dit avoir touché 80 shekels (20 euros) récemment et a appelé des proches pour les encourager à joindre le « courant réformiste ». Malgré le fait que Gaza soit contrôlée par le Hamas, plusieurs ne se gênent pas pour critiquer le mouvement islamiste. « Nous attendons les élections pour voter Fateh ! Qu’est-ce que le Hamas a fait pour nous ? Aux élections, il pourrait y avoir des résultats nous permettant de manger, de boire, de trouver du travail », lance Amna al-Demaisy, jeune mère au visage rond ceint d’un châle tombant aux chevilles. « L’aide vient soit d’une association liée au Hamas, soit d’une autre proche de Dahlan », résume pour sa part Nisreen Zoroub, 32 ans. L’aide est « sans condition », assure un proche de M. Dahlan, Emad Mohsen, un francophile qui fait état de « 100 000 membres » au sein du courant réformiste et promet « d’autres livraisons de vaccin » dans les prochaines semaines.

Gaza vs Cisjordanie

À Gaza, mince territoire de deux millions d’habitants, les proches de Dahlan mènent leurs activités sans s’écharper avec le Hamas. « Nous bénéficions d’une coopération humanitaire avec le Hamas (...), alors qu’en Cisjordanie, les choses sont beaucoup plus difficiles », dit Osama al-Farra, un ténor du camp Dahlan.

Ces derniers mois, les pro-Dahlan et les forces de sécurité qui relèvent de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas se sont au contraire lourdement affrontées dans les camps de Cisjordanie, notamment à Balata, où des militants ont été tués. Malgré ces tensions, le Fateh tente d’unir ses forces pour les élections, un objectif que partage le camp Dahlan, argue M. Al-Farra. « Mais si c’est impossible, il faudra un autre plan, c’est pourquoi nous négocions aussi avec Marwan Barghouti et d’autres leaders. » Écroué en Israël depuis près de 20 ans pour son rôle dans une série d’attaques au début de la seconde intifada, M. Barghouti, qualifié par ses partisans de « Mandela de Palestine », reste la personnalité politique la plus populaire dans les Territoires, selon des sondages locaux.

« Crainte » au Fateh

Il y a quelques semaines, un homme de confiance de Mahmoud Abbas, Hussein al-Cheikh, s’est rendu en prison discuter élections avec M. Barghouti, engendrant un million de rumeurs sur les réseaux sociaux. « Marwan ne participera pas aux législatives, mais il soutiendra de l’extérieur une liste », assure un cousin proche, Raed Barghouti, lors d’un entretien dans le village familial de Kober, en Cisjordanie. « Marwan veut avoir son mot à dire sur les candidats » de la liste qu’il soutiendra, souligne-t-il depuis une terrasse donnant sur une vallée clairsemée d’oliviers. Outre M. Dahlan, le neveu de Yasser Arafat, Nasser al-Kidwa, a affiché sa volonté de présenter sa propre liste, ce qui lui a valu hier son exclusion du Fateh. Pour l’analyste Ghassan Khatib, une chose est certaine : Mahmoud Abbas « est préoccupé par Barghouti, Kidwa et Dahlan car chaque vote qu’ils pourraient obtenir se ferait aux dépens du courant central du Fateh et bénéficierait donc au final au Hamas ». Après les législatives viendra le tour d’une présidentielle en juillet. Si ce scrutin n’est pas annulé, M. Barghouti sera candidat, avance son frère Mouqbil. « Nous aurons alors un président en prison, cela montrera au reste du monde comment vivent les Palestiniens. »

Source : Guillaume

LAVALLÉE/AFP

L’un vit en exil aux Émirats et livre des vaccins par milliers à Gaza, l’autre est en prison en Israël mais fait figure de héros en Cisjordanie. À l’approche des élections, les « fantômes » de Mohammad Dahlan et de Marwan Barghouti planent sur la Palestine. Dans sa ville natale de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, Mohammad Dahlan, ex-chef des forces palestiniennes...

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