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Lifestyle - La Mode

Semaine de la mode parisienne : l’hiver 2021 portera les cicatrices de l’an 20

C’est une longue semaine de la mode parisienne automne/hiver 2021 qui s’achève aujourd’hui, au bout de dix jours de présentations virtuelles ou plutôt « phygitales », puisqu’il faut bien une présence charnelle pour donner corps au vêtement. En voici les temps forts.

Semaine de la mode parisienne : l’hiver 2021 portera les cicatrices de l’an 20

Marine Serre automne/hiver 2021. Photo Marine Serre

Pandémique, post-pandémique, traumatique, post-traumatique, apocalyptique, post-apocalyptique… c’est une mode à la fois coup de gueule et gueule de bois qui annonçait, à la semaine de la mode parisienne, habituellement carrousel fou du mois de mars, l’humeur de l’hiver prochain. Au premier jour des défilés virtuels et pour la première fois, ce sont les étudiants de l’Institut français de la mode qui ont ouvert le bal. Durement frappées par la pandémie, leur élan interrompu, inquiètes pour l’avenir, ces jeunes pousses ont vu leur inspiration imprégnée d’images cauchemardesques, comme la collection à la croisée de Shining et American Psycho de Clément Picot. Chez Meng Che Chiang, les pulls se superposent et la maille de sa Lettre d’amour à Paris a les accents chamaniques de sa quête de sécurité, de guérison et d’apaisement. Les allusions au féminisme dominateur et dominant ne sont pas en reste, comme on le voit dans la collection de Victor Weinsanto avec ses hybridations de bombers et de robes corsetées, entre ampleur impressionnante du haut et sensualité seconde peau des fourreaux.

Chez Balmain, Rousteing et l’autre invitation au voyage

Dans l’après-midi, place aux grandes pointures avec Balmain Above&Beyond, au-dessus et au-delà, mystérieux intitulé choisi par le directeur de la création Olivier Rousteing qui a choisi pour cette présentation un défilé sur les ailes d’un vol Air France. Une esthétique pilote de chasse domine la collection et les sangles des casques courent de pièce en pièce. Le voyage, quelle autre obsession cette année où toute la planète en est privée ?

Rousteing célèbre aussi, par anticipation optimiste, le retour du clubbing et des fêtes sans distanciation, avec les échos de notes disco tout droit tombées d’un autre âge qui n’en avait pas moins ses propres angoisses avec les prémices de l’épidémie de sida.

Chez Marine Serre, pied de nez à la pandémie et trésors des stocks

Le lendemain 2 mars était présenté, comme une transition entre la vision de la jeune couture et l’arrivée des marques plus institutionnelles, le film de la créatrice avant-gardiste Marine Serre dont le parcours, d’une chambre de bonne aux tapis rouges avec son très convoité (et viral) imprimé de croissants de lune, est à lui seul une autoroute d’espérance pour les stylistes en herbe. Grand air, paysages de campagne, gestes simples et nourriciers d’une pâte qu’on roule et découpe, sensuelle complicité d’un couple, des choses inhabituelles qu’on pourrait faire ou qu’on fait durant le confinement, danser au son d’un saxo amateur, improviser des théâtres en appartement, jouer à cache-cache avec des équipements insolites, comme des palmes de natation… Marine Serre célèbre tout simplement la vie possible dans nos vies arrêtées, et ses croissants de lune s’égrènent comme autant de cailloux pour retrouver le chemin de la normalité sur le mode ludique. S’ensuit sa quête de matériaux en déshérence, déclinaison de fins de stock comme autant de tableaux d’inspiration : le seul avenir possible est dans la reconversion de ce qui existe.

Christian Dior automne/hiver 2021. Photo Christian Dior

Chez Courrèges, l’ombre d’André en noir et blanc

Le 3 mars avait lieu la très attendue présentation du nouveau styliste de Courrèges, Nicolas Di Felice. À la Station-Gare des Mines à Aubervilliers, lieu de danse et épicentre de la contre-culture, le créateur annonçait la couleur par l’absence de couleur, dans un cube de ce blanc cher au maître, André Courrèges. La collection tout en noir et blanc multipliait les clins d’œil à l’esthétique particulière de la maison, mini-robes trapèzes, cercles et vinyle.

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Autre acquisition sur le prestigieux mercato de la mode, Gabriela Hearst présentait pour sa part sa première collection à la direction artistique de Chloé. La créatrice américaine d’origine uruguayenne, dans la droite ligne de son engagement inconditionnel pour l’environnement, a décidé d’éliminer de ses collections toute trace de viscose ou de polyester. Denim et cachemire recyclés, soie issue de l’agriculture biologique, mais aussi clin d’œil à la fondatrice de la maison, avec un défilé où l’on voit les mannequins sortir de la brasserie Lipp, à Paris, lieu de la première présentation de Gaby Aghion qui aurait eu 100 ans le jour de la présentation.

Les « nôtres »

Petit survol provisoire, on arrive au 6 mars où se projetaient notamment les vidéos des Libanais Maison Rabih Kayrouz et Élie Saab. Le premier, rescapé de la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, semblait, nous y reviendrons, célébrer le personnel soignant doublement ravagé par l’arrivée massive des blessés et la montée en flèche de la pandémie. Hermès, le même jour, s’est distingué par une présentation exceptionnelle jouant en temps réel sur les sortilèges des fuseaux horaires, de New York à Shanghai en passant par Paris.

Lanvin automne/hiver 2021. Photo Lanvin

Chez Lanvin, la tentation du bling-bling

Chez Lanvin, retour de la fille à papa et des grands effets de l’opulence, comme un pied de nez aux restrictions sociales de la pandémie. Les mannequins sortent de grosses limousines et défilent au Shangri-La, somptueux palace parisien du Trocadéro, lieu de frime par excellence de la jeunesse dorée. Robes cocktail, gros nœuds, épaules nues, soies, taffetas, satins et palette pastel. Marie-Antoinette regarde d’un œil suspicieux.

Chez Dior, le revers des contes de fées et la réalisation de soi

Pour sa collection prêt-à-porter automne/hiver 2021-2022 présentée à la Galerie des Glaces de Versailles, devant des glaces revisitées, sans tain, Maria Grazia Chiuri explore l’univers des contes de fées. Réseau de symboles, ces mondes fantastiques ne sont nullement un moyen d’évasion, ils servent à questionner, à contester, au-delà des stéréotypes. Telle une invitation à l’affirmation de soi, l’uniforme du soldat de plomb se transforme en une série de manteaux en cachemire bleu, rehaussé de rouge et de blanc. Le noir s’impose sur différentes pièces, de la jupe à la veste Bar ponctuée de cannage, code Dior iconique, ou munie d’une capuche, qui pourrait être portée par le Petit Chaperon rouge d’Angela Carter. Une magie féminine réinventée, subtil chemin vers une nouvelle conscience. La très féministe directrice artistique de Dior appelle à se méfier des miroirs, voire à les éviter pour parvenir à la plus pure expression de soi.

Pandémique, post-pandémique, traumatique, post-traumatique, apocalyptique, post-apocalyptique… c’est une mode à la fois coup de gueule et gueule de bois qui annonçait, à la semaine de la mode parisienne, habituellement carrousel fou du mois de mars, l’humeur de l’hiver prochain. Au premier jour des défilés virtuels et pour la première fois, ce sont les étudiants de l’Institut...

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