Les convocations liées aux manifestations organisées à Tripoli fin janvier se poursuivent. Après une série d’arrestations, en début de mois, d’activistes issus de la ville mais aussi de militants originaires de la Békaa venus leur prêter main forte, c’était au tour d’un dentiste de la capitale du Liban-Nord d’être convoqué hier. En outre, une vingtaine de personnes seraient toujours arrêtées, dont un activiste atteint de coronavirus, selon le militant et journaliste Samir Skaff.
Tripoli avait été secouée fin janvier par des manifestations contre la situation socio-économique, aggravée par le confinement total, qui avaient dégénéré en affrontements entre contestataires et forces de l’ordre, faisant un mort, un jeune homme nommé Omar Tayba, et plusieurs centaines de blessés. Par la suite, les autorités ont procédé à une série d’arrestations parmi les militants qui ont pris part à ces manifestations. « Ils convoquent tout le monde, on ne comprend plus rien », s’insurge M. Skaff, qui ajoute que le dentiste tripolitain Ramy Fanj doit être entendu aujourd’hui à midi à la gendarmerie du Tall. On lui reproche d’avoir distribué de la nourriture aux protestataires...
« Le Dr Fanj n’est pas agressif, il manifestait pacifiquement. Il milite avec le groupe Nikabiyoun Ahrar (Syndicalistes libres) et offre souvent à manger aux gens », indique-t-il à L’Orient-Le Jour. Un sit-in de soutien au dentiste est prévu aujourd’hui à 10h30, place du Tall. À Beyrouth, une manifestation est également prévue à 11h devant le tribunal militaire pour demander la libération des militants qui sont toujours détenus par les autorités depuis presque deux semaines. Des dizaines de personnes manifestent presque tous les jours devant le tribunal militaire depuis le début du mois et des heurts ont éclaté plus d’une fois entre les manifestants et les forces de l’ordre. Hier, les manifestants se sont déplacés vers le port où ils ont brièvement bloqué la route, tandis qu’un militant issu de Tripoli était relâché à midi, selon des avocats proches du dossier.
« Fabrication d’accusations »
Selon Samir Skaff, une dizaine de prévenus pourraient être relâchés aujourd’hui. Le nombre total de protestataires arrêtés depuis le début du mois reste inconnu pour l’heure, mais de nombreux militants indiquent qu’au moins une trentaine de personnes ont été entendues par les services de sécurité jusque-là. Quelques manifestants avaient été arrêtés de façon musclée par les services de renseignements tandis que d’autres avaient disparu des radars pendant plusieurs jours. « Ces hommes ont été arrêtés car ils sont accusés d’avoir pris part à l’incendie de la municipalité de Tripoli (le 28 janvier). Mais, selon nos informations, ils sont plutôt interrogés sur des affaires à caractère personnel. Il y a fabrication d’accusations pour certains », déplore M. Skaff. Il explique en outre que les dossiers des protestataires originaires de la Békaa sont pris en charge par le comité des avocats ayant épaulé les manifestants lors du soulèvement d’octobre 2019, alors que le barreau de Tripoli s’occupe de défendre les activistes de la ville. « Les avocats sont présents lors des interrogatoires en ligne (par précaution pour le Covid-19), mais ils n’ont malheureusement pas été autorisés à accompagner les prévenus lors de l’enquête préliminaire », rappelle-t-il. « Les gens demandent à vivre décemment, mais les autorités ne veulent pas leur permettre de le faire et l’État n’aide personne. Et en interdisant aux gens de crier leur détresse dans des rassemblements pacifiques, ceux-ci sont tentés de recourir à la violence », analyse Samir Skaff. Il déplore en outre les accusations répétitives de vandalisme lancées contre les militants et qui sont souvent infondées.
commentaires (5)
"Ces hommes ont été arrêtés car ils sont accusés d’avoir pris part à l’incendie de la municipalité de Tripoli ". Des sandwiches incendiaires? Une moutarde trop épicée? Ou un fromage corse, peut-être?
Yves Prevost
14 h 20, le 18 février 2021