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Nos Lecteurs ont la Parole

Notre citoyenneté prisonnière de nos identités confessionnelles

À l’heure de porter Lokman Slim dans sa terre, dans le jardin de sa maison qu’il a tant aimée, comme pour sceller éternellement son lien à Haret Hreik, sa famille a voulu envoyer un message œcuménique, transcommunautaire. L’image du prêtre et du cheikh priant côte à côte pour la paix de son âme signait un beau moment d’union et donnait un surcroît de sens à sa vie, malgré la tristesse, la sauvagerie, la barbarie. On y entendait l’écho de l’Ave Maria islamo-chrétien de Tania Kassis.

Lokman Slim, de père chiite et de mère protestante, personnifiait le Liban-message cher à Jean-Paul II. Le père de Lokman Slim était compagnon de route de Raymond Eddé au Bloc national, parti transcommunautaire s’il en est. La mère de Lokman Slim, Égyptienne d’origine, s’est érigée, à la mort de son fils, en mère de la nation. Sa sœur et sa femme ont personnifié la dignité.

D’aucuns, des esprits malades, ont cherché à souiller ce moment de respect qu’on doit aux morts.

Depuis l’enterrement de Lokman Slim, les réseaux sociaux bruissent de billevesées. Le cheikh, sous la pression de sa « bi2a 7adina », son environnement propice (à qui, à quoi ?), a regretté d’avoir récité le Coran sur la tombe de « je ne savais pas qui c’était », et l’évêché de Beyrouth a publié un communiqué déclarant qu’il n’avait pas dépêché lui-même le prêtre. Bêtise, peur et lâcheté comme réponses à l’œcuménisme ?

Un des fondements de la psychanalyse de Freud est le « complexe d’Œdipe » qui dit en substance que pour grandir, chacun de nous « tue symboliquement le père ». Un jour, pas si lointain, j’ai demandé à ma collègue et amie psychanalyste : Comment répondre à cette injonction freudienne de « tuer symboliquement le père » sur un plan sociétal ? Comment les Libanais pourraient « tuer symboliquement les chefs-pères des partis confessionnels qui ont pourri la vie du pays et le pays lui-même » ? Mon amie m’a répondu que « le père symbolique », ce ne sont pas les chefs-pères politico-religieux, mais « la religion elle-même ». Ouf !

L’entreprise se corse, sachant que les chefs-pères politiques s’adossent ultimement sur les chefs-pères religieux. Quand la colère populaire gronde, chaque chef de communauté défend « son » président, présidents du Conseil ou de l’Assemblée nationale, derrière une « ligne rouge » qui n’empêche pas le citoyen d’être chair à « silencieux ».

Nous sommes les champions de la résilience, de l’indignation puis de la résignation. Nous acceptons d’égrener les noms des martyrs comme une fatalité. Non, ce n’est pas une fatalité. On grandira, on se libérera de la poigne des chefs-pères qui nous méprisent, nous pillent, nous humilient, le jour où nous cesserons de mettre en avant la composante religieuse, mortifère de notre identité au détriment de la composante citoyenne. Le chantier est titanesque, mais si nous en restons au seuil, le Liban continuera ad vitam æternam à « manger ses enfants ».

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

À l’heure de porter Lokman Slim dans sa terre, dans le jardin de sa maison qu’il a tant aimée, comme pour sceller éternellement son lien à Haret Hreik, sa famille a voulu envoyer un message œcuménique, transcommunautaire. L’image du prêtre et du cheikh priant côte à côte pour la paix de son âme signait un beau moment d’union et donnait un surcroît de sens à sa vie, malgré la...

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