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Politique - Décryptage

Après le discours du 14 février, le fossé s’est approfondi entre Aoun et Hariri

Le discours du président du Conseil désigné a créé l’événement dimanche après-midi. Les milieux proches du courant du Futur avaient déjà indiqué que la tendance générale était à l’escalade, mais nul ne croyait que Saad Hariri irait si loin dans les attaques contre le chef de l’État et son camp, surtout en une occasion aussi spéciale pour les Libanais que la commémoration de l’assassinat de son père, Rafic Hariri.

La première constatation après avoir écouté ce discours, c’est qu’à aucun moment le Hezbollah n’est mentionné. Même pas via une allusion. Il semble que le Premier ministre désigné cherche à ménager cette formation et ne souhaite pas l’impliquer dans ce qu’il appelle les entraves à la formation du gouvernement. Un fait qui mérite d’être relevé, car beaucoup d’analystes estiment que l’un des obstacles à la naissance d’un cabinet réside justement dans la participation (ou non) du Hezbollah...

Seconde constatation, qui découle de la première, c’est que Saad Hariri fait assumer toute la responsabilité du blocage au chef de l’État, Michel Aoun, et à son camp, sans nommer précisément le chef du CPL, Gebran Bassil. Indépendamment de la véracité des faits évoqués et des arguments développés, les attaques contre le président et son camp montrent que le fossé ne cesse de se creuser entre les deux responsables impliqués dans la formation du gouvernement. Ce qui laisse supposer que la naissance du prochain cabinet est reportée aux calendes grecques, à moins d’un miracle ou d’une intervention étrangère suffisamment efficace pour pousser Aoun et Hariri à s’entendre. Jusqu’à présent, rien n’indique que cela soit le cas. La seule initiative encore sur le tapis actuellement est celle de la France. Or elle semble faire du surplace, faute de moyens de pression réels sur les protagonistes.

Sur le plan des arguments développés par Saad Hariri, la grande nouveauté est qu’il est revenu sur le contenu des seize entretiens avec le chef de l’État depuis sa désignation pour former le gouvernement, le 22 octobre 2020. Il a ainsi révélé que lors du second entretien, le chef de l’État lui a remis une liste de noms – qu’il a appelée « la liste colorée » en la brandissant devant les caméras – susceptibles de faire partie du gouvernement. Il a ensuite assuré avoir puisé dans ces propositions lorsqu’il a présenté son fameux projet au chef de l’État qui l’avait refusé. Saad Hariri a sans doute voulu renvoyer, en quelque sorte, au chef de l’État l’accusation de mensonge que ce dernier avait lancée dans la fameuse vidéo fuitée de sa conversation avec le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, en montrant que Michel Aoun lui avait bel et bien remis une liste.

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Selon les sources proches de Baabda, l’argument avancé par M. Hariri confirme au contraire la thèse du chef de l’État. Ce dernier avait en effet déclaré à ceux qui l’avaient interrogé que sur l’insistance du Premier ministre désigné, il avait fini par lui soumettre une liste non officielle de noms susceptibles de pouvoir participer au gouvernement. De fait, la liste brandie par le Premier ministre désigné ne porte aucune mention officielle, aucun en-tête et pas de signature. Il s’agit d’un tableau sur lequel figurent des noms de personnes avec leurs confessions respectives et le portefeuille dont elles pourraient être chargées. La liste comporte au total 60 noms issus de toutes les communautés et pour tous les portefeuilles, chacun ayant une spécialité précise sans être membre d’un parti. C’est un peu dans l’esprit de ce qu’on a appelé par la suite l’initiative du président de la Chambre qui stipulait que chaque partie choisisse des ministres « ni avec elle ni contre elle ». Pour les sources proches de Baabda, cela signifie que le chef de l’État a accepté depuis le début que les ministres soient choisis parmi des spécialistes et qu’il n’a même posé aucune condition particulière au Premier ministre désigné, ni sur le plan des portefeuilles qu’il voudrait ni sur le plan du nombre.

Depuis le début, Michel Aoun a donc brandi la même revendication, celle du critère unifié pour le choix des ministres, ni plus ni moins, martèlent les sources proches de Baabda. Pour lui, le problème n’a jamais été dans les noms choisis, mais dans la façon dont ils l’ont été. Même le tiers de blocage que Hariri et ses proches ne cessent d’évoquer pour critiquer le chef de l’État ne constitue pas une revendication de sa part, poursuivent les sources précitées. D’ailleurs, Saad Hariri lui-même l’a indirectement reconnu lorsqu’il a affirmé, dans son discours, avoir laissé au chef de l’État le choix des six ministres chrétiens, dans un gouvernement de 18. Ce qui signifie qu’il ne lui a pas donné le tiers de blocage et que le président Aoun ne s’y est pas opposé. Mais là où, selon les milieux proches de Baabda, le Premier ministre désigné s’est lui-même contredit, c’est lorsqu’il a précisé que dans les six ministres chrétiens, un est choisi par le parti Tachnag (arménien) et un autre est choisi par lui, parmi les personnes qui ont la confiance du chef de l’État (il ne l’a pas précisé, mais il s’agit du ministre de l’Intérieur). Ce qui signifie qu’en réalité, il lui a laissé le choix de 4 ministres et non de 6. Ces détails peuvent paraître secondaires et finalement inintéressants pour un peuple écrasé sous le poids des crises sociale, économique et sanitaire, mais ils montrent, selon les milieux proches de Baabda, que le Premier ministre désigné a joué sur les mots, mettant l’accent sur des conflits qui n’existent pas. Michel Aoun a en effet accepté le principe des ministres spécialisés et c’est pourquoi il voulait au départ une équipe de 22 ministres pour les 22 portefeuilles. Il a ensuite accepté l’équipe de 18 selon le principe des trois « 6 », donc sans tiers de blocage. Pourquoi, dans ce cas, Saad Hariri revient-il toujours sur ces questions qui ont été dépassées dès la cinquième rencontre ? Toujours selon les milieux proches de Baabda, cela signifie que le problème est ailleurs et que le Premier ministre désigné l’occulte sciemment. Il réside notamment dans la distribution des portefeuilles, en particulier régaliens. Hariri voudrait ainsi le ministère de la Justice et choisir en même temps le ministre de l’Intérieur avec l’accord du chef de l’État. Ce qui laisse supposer qu’il voudrait avoir la haute main sur la Justice et l’Intérieur au moment où il est question de lutter contre la corruption et de procéder à un audit juricomptable. À moins qu’il n’y ait d’autres mobiles cachés...

Le discours du président du Conseil désigné a créé l’événement dimanche après-midi. Les milieux proches du courant du Futur avaient déjà indiqué que la tendance générale était à l’escalade, mais nul ne croyait que Saad Hariri irait si loin dans les attaques contre le chef de l’État et son camp, surtout en une occasion aussi spéciale pour les Libanais que la commémoration...

commentaires (12)

Mme Haddad s'étonne "que Saad Hariri irait si loin dans les attaques contre le chef de l’État et son camp," Ha bon, traiter Hariri publiquement comme menteur par aoun suivis par des tweets condescendants successifs de son "moustachar", induisent une déclaration d'amour par Hariri ???

DJACK

16 h 20, le 16 février 2021

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Mme Haddad s'étonne "que Saad Hariri irait si loin dans les attaques contre le chef de l’État et son camp," Ha bon, traiter Hariri publiquement comme menteur par aoun suivis par des tweets condescendants successifs de son "moustachar", induisent une déclaration d'amour par Hariri ???

    DJACK

    16 h 20, le 16 février 2021

  • menager le Hizb, c'est comme menager Dracula avant le coucher du soleil. Soyez serieuse, chere Madame.

    SATURNE

    16 h 02, le 16 février 2021

  • Je m'excuse de n'avoir lu que le titre de ce décryptage...... mais je viens de découvrir une épisode de Tom et Jerry que je n'ai jamais vu...et je vais la voir maintenant...sorry... priorité...

    Wlek Sanferlou

    13 h 35, le 16 février 2021

  • On était à deux doigts de prendre les accusations pour de l’argent comptant si Scarlette n’avait pas dérapé en prétextant que le blocage venait du seul Hariri. Un passage le confirme. -Pour les sources proches de Baabda, cela signifie que le chef de l’État a accepté depuis le début que les ministres soient choisis parmi des spécialistes et qu’il n’a même posé aucune condition particulière au Premier ministre désigné, ni sur le plan des portefeuilles qu’il voudrait ni sur le plan du nombre-. Ok alors pourquoi Aoun continue t-il à réclamer haut et fort son opposition au PM désigné et à bloquer la formation du gouvernement? Si ça n’est pas lui c’est qui alors? Vous avez omis d’éclairer notre lanterne la dessus en vous focalisant sur ce blocage qui d’après vous n’a pas lieu puisque Aoun a donné son accord puis a glissé un papier sans en-tête et sans signature donc officieux pour que ne lui soit reproché son geste à l’heure des comptes. Il conserve ses méthode lâches jusqu’au bout sachant que ce qu’il fait du pays est condamnable et se cache derrière de faux prétextes pour diviser le pays. Voilà tout.

    Sissi zayyat

    12 h 55, le 16 février 2021

  • Selon la Constitution, le rôle du Président de la République est strictement consultatif, or ce n'est pas ce que le Président Aoun est entrain de faire. Ce n'est pas lui qui désigne ou choisit le futur Premier Ministre, une majorité des députés ont désigné M. Hariri à ce poste. Aoun doit faciliter et non pas entraver la tâche de Hariri de composer un gouvernement qui recevrait la confiance du Parlement.

    Tony BASSILA

    11 h 54, le 16 février 2021

  • s'attaquer a hariri,defendre aoun, hezb et meme pti gendre je veux bien. mais de la a leur trouver legalite de leurs mensonges, admettre les constournades que raspoutine salim excelle a justifier, admettre malgre tout la honteuse fuite en avant c'est trop, beaucoup trop . a en degouter meme le plus ehonte, mais apparemment pas dame scarlet.

    Gaby SIOUFI

    10 h 32, le 16 février 2021

  • Mais qu'ils y descendent à toute vitesse...dans ce fossé, et s'y chamaillent à gogo...et nous laissent vivre tranquillement ! Nous trouverons facilement de vrais Libanais capables de diriger ce maheureux pays...qui est aussi NOTRE PAYS, à nous le peuple !!! - Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 17, le 16 février 2021

  • A ma connaissance, l’OLJ est un journal d’informations politiques, culturelles, scientifiques .... je ne savais pas qu’une partie du journal était exclusivement réservée à des articles destinés à défendre aveuglément le CPL et son allié le Hezbollah. Il me semble que ce soit le cas

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 53, le 16 février 2021

  • Votre première constatation est consternante! Vous chercher a disculper le Hezbollah alors que le retard de la formation du gouvernement est justement la condition du tandem Hezbollah-Amal de garder le ministère des finances a l'un de leur sbire. Pourquoi, eux, choisiraient ils et pas Aoun, Hariri, Joumblatt, etc...? Ce n'est pas parce que Hariri ne l'a pas mentionné que ce n'est pas le cas. Saad Hariri s'est attaqué a celui qui est en première ligne: Le CPL. Le Hezbollah se cache derrière Aoun afin que personne ne relève le sujet des ministères qu'ils ont décidé de s'octroyer. la pilule passera inaperçue le moment voulue. Si Aoun obtient le tiers de blocage indirectement ils l'auront de facto. Pour le reste, Aoun comme Hariri sont aussi corrompu l'un que l'autre et ils doivent laisser le champ libre a des gens plus compétant et moins pourris. Le Hezbollah ne doit en aucun cas faire parti de n'importe quel gouvernement tant qu'il détient des armes, sinon le pays n'avancera jamais que vers la guerre.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 38, le 16 février 2021

  • "... si loin dans les attaques contre le chef de l’État et son camp ..." - Un chef d’état ne devrait pas avoir de "camp" mais se consacrer au pays dans son ensemble...

    Gros Gnon

    08 h 55, le 16 février 2021

  • VOILA LA DESINFORMATION ET SES PIPEAUX QUI COURT A L,AIDE DE AOUN ET DE BASSIL ET QUI VEUT NOUS CONVAINCRE QUE LE BLANC EST NOIR ET LE NOIR EST BLANC COMME D,HABITUDE.

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    06 h 47, le 16 février 2021

  • Vous donnez l'impression d'être satisfaite de cette situation de blocage. Remarquez, comme ça arrange le Hezbollah, ça vous arrange aussi. Cela dit, vous voulez vraiment nous faire croire que le grabataire de Baabda et le barbu 6-feet-under sont des enfants de chœur et qu'il n'ont rien à voir dans tout ça ? Vous faites le procès de Hariri (qui le mérite sans aucun doute) mais en acquittant ceux qui sont à l'origine de tous nos maux de ces dernières années. Vous ne voulez pas admettre qu'ils veulent torpiller la formation d'un gouvernement de ministres indépendants dans le but de revenir à un gouvernement "à la libanaise" comme ils l'aiment pour conserver la mainmise sur la corruption et le pillage. Les Libanais n'en veulent plus, ils mettent tous ces voyous, tous et de tous bords, dans le même sac à m.... qu'ils souhaitent jeter à la mer définitivement (ça va polluer un max mais c'est pour la bonne cause). Vous et vos amis que vous encensez à longueur de journée n'avez pas l'air de comprendre.

    Robert Malek

    02 h 53, le 16 février 2021

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