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Moyen-Orient - Éclairage

Riyad face au défi Biden

Alors que le changement d’approche de Washington dans la région était annoncé, le rythme effréné des décisions de la nouvelle administration prend de court les pays du Golfe.


Riyad face au défi Biden

Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, à La Mecque, le 31 mai 2019. Philippe Lopez/AFP

Si le réajustement de la politique américaine au Moyen-Orient par l’administration de Joe Biden était largement attendu, la vitesse avec laquelle une série de décisions défavorables aux pétromonarchies du Golfe a été prise suscite l’inquiétude à Riyad. Jusqu’où l’administration démocrate est-elle prête à aller dans sa volonté de se distancier de ses partenaires historiques dans la région ? À peine trois semaines depuis son accession à la présidence américaine, le nouveau locataire de la Maison-Blanche, et son équipe, n’a pas attendu pour joindre les actes à la parole : gel temporaire des ventes d’armes en cours à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, arrêt de l’appui américain à la coalition que les deux pays mènent au Yémen ou encore révocation prochaine de la désignation des rebelles houthis comme « groupe terroriste ». La coalition est activement engagée auprès du gouvernement yéménite depuis 2015 face aux houthis, soutenus par l’Iran. Des décisions qui interviennent simultanément au changement de ton de l’administration Biden à l’égard de Téhéran – bête noire du royaume saoudien et des EAU –, que Washington espère pouvoir ramener à la table des négociations de l’accord sur le nucléaire iranien – dont Donald Trump est sorti en 2018.

Les premières mesures prises par Joe Biden pour renverser la politique de son prédécesseur « ont certainement sonné l’alerte à Riyad sur la fiabilité des États-Unis en tant que garant de la sécurité (dans la région) », estime Elham Fakhro, analyste sur les pays du Golfe au sein de l’International Crisis Group, contactée par L’Orient-Le Jour.

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Si la suspension des ventes d’armes a suscité peu de réactions dans le Golfe, le quotidien à capitaux émiratis The National a publié un éditorial lundi dans lequel il estime que Joe Biden met de côté un levier précieux avec le retrait des houthis de la liste noire des États-Unis. « Alors que (l’ancien président Donald) Trump a laissé à M. Biden peu de plans sur la façon de gérer les crises intérieures majeures, il a laissé derrière lui un plan intelligent pour les relations américaines dans la péninsule Arabique », estime le journal.

Liens avec les démocrates

Signe du malaise du côté de Riyad, les médias saoudiens ont quant à eux préféré se concentrer sur les propos de Joe Biden appelant à mettre un terme à la guerre au Yémen et réaffirmant le soutien américain en vue de défendre la souveraineté saoudienne, à l’occasion de son premier discours de politique étrangère le 4 février. Si le président américain n’a pas hésité à fustiger les « opérations offensives » de la coalition au Yémen, Washington devrait cependant continuer à appuyer le royaume contre les attaques de missiles et de drones, régulièrement attribuées au houthis. « Nous sommes impatients de travailler avec nos amis aux États-Unis pour mettre fin aux conflits et relever les défis, comme nous le faisons depuis plus de sept décennies », a commenté à cette occasion le ministre d’État saoudien aux Affaires étrangères, Adel al-Jubeir. « Les EAU se sentent assez sûrs de leurs relations bilatérales avec Washington, notamment suite à l’accord de normalisation des relations avec Israël, alors que l’Arabie saoudite doit s’inquiéter de la nature de ses liens avec les démocrates qui sont désormais au pouvoir », remarque Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute.

Alors que l’administration Trump s’est évertuée à consolider le front anti-iranien dans la région avant de passer le relais, les EAU ont officiellement établi des relations diplomatiques avec l’État hébreu, amorçant un nouvel ordre régional. Le royaume saoudien reste cependant publiquement attaché à l’initiative de paix arabe de 2002, qui conditionne toute normalisation avec l’État hébreu à la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Main tendue

Le nouveau locataire de la Maison-Blanche se veut en outre plus regardant sur la question des droits de l’homme dans la région, dans le sillage de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul en 2018 et des violations des droits humains par la coalition au Yémen. Un point que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a réitéré samedi dernier au cours d’un entretien téléphonique avec le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhane. « Les Saoudiens ont pris plusieurs mesures pour essayer d’apaiser (leurs relations avec) la nouvelle administration Biden, mais la confiance est endommagée et les deux parties ont beaucoup de travail à faire pour la restaurer », note Hussein Ibish.

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Geste interprété comme une main tendue à Washington, les autorités saoudiennes ont notamment libéré sous caution deux activistes saoudiens qui disposent de la nationalité américaine la semaine dernière, en attendant leur procès. La militante des droits des femmes Loujaïn al-Hathloul, détenue depuis 2018, a quant à elle été relâchée sous caution hier – et interdite de voyager dans l’attente du verdict de son recours en appel –, selon des informations publiées par sa sœur, Lina al-Hathloul, sur son compte Twitter.

La marge de manœuvre de Washington demeure cependant limitée, alors que Riyad reste son allié principal dans le Golfe. Dans la foulée de la montée des tensions suite aux attaques attribuées aux houthis contre le royaume, l’armée américaine a notamment indiqué fin janvier qu’elle étudiait la possibilité d’utiliser le port de Yanbu, sur les rives de la mer Rouge, et les bases aériennes de Tabouk et Taëf. « Il s’agit de mesures de planification militaire prudentes qui permettent un accès temporaire à ces installations en cas d’urgence. Il ne s’agit en aucun cas de mesures provocatrices, et elles ne constituent pas non plus un développement de la présence militaire américaine dans la région ou dans le royaume d’Arabie saoudite », a toutefois nuancé le capitaine de la marine américaine Bill Urban.

Si le réajustement de la politique américaine au Moyen-Orient par l’administration de Joe Biden était largement attendu, la vitesse avec laquelle une série de décisions défavorables aux pétromonarchies du Golfe a été prise suscite l’inquiétude à Riyad. Jusqu’où l’administration démocrate est-elle prête à aller dans sa volonté de se distancier de ses partenaires historiques...

commentaires (2)

En réponse à la mansuétude des américains, les Houtis ont attaqué l’aéroport en Arabie Saoudite. Une réponse adéquate à la courbure d’échine qui pour ces gens est signe de permis de tuer. Espérons que le message envoyé soit bien interprété par M. Biden.

Sissi zayyat

13 h 00, le 11 février 2021

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Commentaires (2)

  • En réponse à la mansuétude des américains, les Houtis ont attaqué l’aéroport en Arabie Saoudite. Une réponse adéquate à la courbure d’échine qui pour ces gens est signe de permis de tuer. Espérons que le message envoyé soit bien interprété par M. Biden.

    Sissi zayyat

    13 h 00, le 11 février 2021

  • la "pseudo" nouvelle orientation de biden pr ce qui est sa politique au MO ? ca sent un peu beaucoup l'hesitation, la confusion et celle du principe du - trial and error- ou alors contrairement a ce qu'il a dit-ou ce que l'on a dit de lui, biden ne fait que poursuivre lles etapes de la doctrine barrack hussein obama de passer la main a khamenai pour regulariser-pas regler mais regulariser la politique moyen orientale.

    Gaby SIOUFI

    10 h 59, le 11 février 2021

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