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Culture - Entretien

« Le beau visage de Beyrouth ne va jamais disparaître ! »

À la galerie Lemand (Paris), l’artiste syrien Khaled Takreti affiche deux de ses œuvres dans le cadre d’une exposition collective dédiée au Liban et intitulée « Hommage à Beyrouth ».

« Le beau visage de Beyrouth ne va jamais disparaître ! »

Autoportrait de Khaled Takreti, détail d’une œuvre réalisée en 2013.

Vous participez à cette exposition « Hommage à Beyrouth » organisée par France et Claude Lemand et qui comprend plusieurs artistes. Votre travail pictural témoigne d’un lien organique avec le Liban et notamment avec sa capitale, bien que vous soyez considéré comme le chef de file de la peinture arabe et syrienne contemporaine. Comment décrivez-vous ces rapports ?

Je suis né au Liban et le premier deuil dans ma vie s’inscrit à l’âge de 12 ans, quand j’ai dû quitter ma maison à Beyrouth, mon quartier et le Liban à cause de la guerre civile de 1975. J’avais le cœur déchiré ce jour-là, mais je savais qu’un jour j’allais retourner chez moi à Beyrouth. Mes parents se sont mariés au Liban, ma grand-mère et mon grand-père y sont enterrés et la maison de mon enfance est toujours la même à Beyrouth où ma mère (dont la mère biologique est libanaise) réside actuellement. Elle vit dans cette maison depuis son mariage et j’y ai grandi. J’ai toujours fait des allers-retours à Beyrouth, car la moitié de ma vie, avant mon émigration, était divisée entre les deux pays, le Liban et la Syrie. Quant à ma mère, elle représente mon lien le plus solide avec le Liban. J’y allais tous les deux mois (avant le confinement) et je résidais chez elle, dans la même chambre où j’ai grandi. Les Frères maristes de Beit Méry, les boutiques de Zahar pour acheter des vêtements, les boutiques de Donald Duck pour acheter les jouets, la pâtisserie Dandy pour les bonbons et les glaces, autant de souvenirs d’enfance qui m’ont toujours accompagné en grandissant. J’aime ce pays.

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Cette grande exposition-vente caritative a été lancée par Claude et France Lemand au lendemain de la catastrophe du 4 août 2020 qui a laissé une grande cicatrice dans votre cœur. Vous avez été invité à en faire partie. Cette déchirure se traduit-elle dans votre travail par de la noirceur ou par de l’espoir ?

Je suis originaire de deux pays qui ont eu leurs grandes blessures et leurs bouleversements : le Liban et la Syrie. Le 4 août a été un choc de plus dans ma vie. Comme il l’a été pour le reste de la planète. Certes, nous sommes encore en deuil car l’explosion a détruit notre ville et notre âme aussi. Les cœurs étaient brisés plus que les vitres de la ville. C’est un grand choc car tout ce qui est matériel peut être réparé sans laisser des marques, mais pas l’humain. Cette grande catastrophe a laissé des stigmates en nous. Mais j’ai appris à toujours me relever tout comme le Liban qui renaît toujours de ses blessures. Il y a donc un espoir qui circule dans l’âme des œuvres de cette exposition. Une sorte de prière par la peinture pour un Liban fort et beau.

Les monuments du Liban illustrés dans une toile de Khaled Takreti.

Racontez-nous cette exposition-vente caritative organisée pour le Liban : comment est-elle née ? Et comment va-t-elle se dérouler ?

Dès le lendemain des explosions du port de Beyrouth, les Lemand ont pensé organiser cette exposition. Ce couple franco-libanais a déjà donné 1 500 œuvres d’art au musée de l’Institut du monde arabe et créé le Fonds Claude et France Lemand pour continuer les acquisitions, organiser des expositions, encourager la recherche en histoire de l’art, les publications et les actions pédagogiques.

« Hommage à Beyrouth », où chaque artiste a eu la liberté totale dans la création de ses œuvres – le format, le nombre, le médium, le sujet, le style, etc. – est composée de deux étapes. Il y a d’abord une exposition virtuelle pendant 3 mois sur le site de la galerie www.claude-lemand.com, pour présenter un choix d’artistes avec les œuvres qu’ils ont créées pour Beyrouth. Cette annonce a commencé début janvier. La deuxième étape sera une exposition réelle étalée sur deux semaines, en mai 2021, dans les espaces de Christie’s Paris, qui présentera les œuvres de soixante artistes solidaires d’Orient et d’Occident, du Liban et de dix-sept autres pays, qui seront vendues aux enchères au cours d’une vente caritative en ligne.

Quel est l’objectif de cette exposition ?

Le Fonds Claude et France Lemand-IMA reversera aux artistes et aux collectionneurs 50 % du prix marteau de leurs œuvres et utilisera les 50 % restants pour continuer à enrichir les collections du musée de l’Institut du monde arabe par l’acquisition de nouvelles œuvres d’artistes libanais et pour participer à l’organisation et au financement de la grande exposition « Lumières du Liban », qui sera déployée dans les espaces de l’IMA du 27 mai au 26 septembre 2021.

Vous êtes en confinement à Bruxelles où vous êtes établi. En profitez-vous pour travailler ? Et en quoi a consisté exactement votre participation à cet « Hommage à Beyrouth » ?

Malgré le confinement, je n’arrête pas de peindre. Je travaille huit heures par jour dans mon atelier. Le travail élimine l’angoisse bien que cet exercice me stresse mais j’avoue préférer le stress à l’angoisse. C’est un état constructif alors que l’angoisse est paralysante. La peinture a donc été mon exutoire. Ainsi j’ai réalisé plusieurs œuvres, mais j’en ai choisi deux au final. Une grande toile colorée, composée de 18 petites toiles, qui parle de l’atmosphère de la vie quotidienne à Beyrouth, comme un puzzle où le lien entre les petites toiles fait l’harmonie de l’ensemble. Elle rappelle un grand vitrail coloré et lumineux où un esprit positif domine la surface de la toile.

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Une autre peinture en noir et blanc, travaillée dans une technique et un style différents, donne un aperçu des monuments du pays. Elle est composée de scènes, comme des cartes postales, des endroits emblématiques de Beyrouth.

Un « puzzle de Beyrouth » réalisé par l’artiste Khaled Takreti.

Vous pensez que ce beau visage du Liban que vous avez voulu transmettre disparaîtra un jour ?

Jamais ! Ce beau visage de la ville de Beyrouth ne va jamais disparaître. Car la ville est faite par les Libanais, un peuple éduqué, cultivé, qui aime la vie et qui a le don de savoir vivre. Je suis sûr que comme à chaque fois, il est capable de survivre et de trouver la bonne solution pour se recréer encore une fois. Il ne faut surtout pas oublier que le monde entier aime le Liban et le soutiendra. C’est un pays qui a beaucoup de charme et ses admirateurs sont nombreux partout dans le monde. Je suis fier de dire que je viens du Liban. Certes, il a traversé des périodes difficiles mais malgré tout, il reste l’oxygène du Moyen-Orient.

À qui, selon vous, cette exposition s’adresse-t-elle ?

Je pense que cette exposition-vente s’adresse d’abord aux Libanais et aux millions de personnes à travers le monde qui aiment le Liban et admirent le courage de son peuple et la créativité de ses artistes et de ses écrivains. Dans son communiqué, Claude Lemand écrit : « Nous voulons exprimer la solidarité internationale des artistes et des collectionneurs avec le peuple libanais, avec le monde des arts et de la culture de ce cher Liban, profondément meurtri par une succession de malheurs et de crimes ; soutenir son admirable jeunesse et témoigner de la face lumineuse d’un autre Liban, creuset de civilisations et de cultures disséminées à travers tous les continents. »

Vous participez à cette exposition « Hommage à Beyrouth » organisée par France et Claude Lemand et qui comprend plusieurs artistes. Votre travail pictural témoigne d’un lien organique avec le Liban et notamment avec sa capitale, bien que vous soyez considéré comme le chef de file de la peinture arabe et syrienne contemporaine. Comment décrivez-vous ces rapports ? Je suis né...
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TOUT CHANGE DANS CE MONDE. ASPECTS, CORPS, AMES ET MATIERES.

LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

10 h 31, le 20 janvier 2021

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Commentaires (1)

  • TOUT CHANGE DANS CE MONDE. ASPECTS, CORPS, AMES ET MATIERES.

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    10 h 31, le 20 janvier 2021

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