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Culture - Documentaire

Quand la misère est pénible sous le soleil de Beyrouth

Réalisé par Sarah Kaskas et produit par Liliane Rahal, « Underdown » (Au-dessous du dessous) dresse le portrait de la misère humaine, conséquence de longues années de mauvaise politique sociale, de négligence et de corruption au Liban.

Quand la misère est pénible sous le soleil de Beyrouth

Les trois personnages de « Underdown » de Sarah Kaskas, Abou Houssam, Samia et Ali, représentent en quelque sorte le miroir d’un Beyrouth démuni et désemparé. Capture d’écran

Abou Houssam, Samia et Ali : trois personnages de communautés différentes, de nationalités différentes, aux activités diverses que rien, d’apparence, ne peut relier. Sauf que le chauffeur de taxi palestinien, la maîtresse de maison libanaise s’occupant de sa mère malade et le petit réfugié syrien sont liés par un lien indicible et invisible. Ils vivent tous les trois sous le seuil de la pauvreté à Beyrouth même. Prisonniers d’un système corrompu et tyrannique, ils sont les parias de la vie. La mère de Samia doit subir une opération à l’œil, mais n’en a pas les moyens. Le chauffeur de taxi possède à peine de quoi payer sa voiture de location, mais ne peut se passer de son verre d’arak, ingurgité tout en conduisant. Et enfin, le petit garçon qui s’amuse à amadouer les vagues possède un regard voilé de tristesse depuis la disparition de son ami. C’est un « voyage au bout de la nuit » où nous emmènent la réalisatrice Sarah Kaskas et la productrice Liliane Rahal dans le documentaire de 72 minutes Underdown qui vient d’être projeté au théâtre Tournesol pour la première fois au Liban dans le cadre d’un minifestival baptisé Sawa sous l’égide de Beirut DC et Metropolis. Un voyage à la fois sombre, mais émaillé d’humour et surtout d’amour. Une plongée dans les fragments de vie de la misère.

Les trois personnages de « Underdown » de Sarah Kaskas, Abou Houssam, Samia et Ali, représentent en quelque sorte le miroir d’un Beyrouth démuni et désemparé. Capture d’écran

En apnée dans la pauvreté

« Pourquoi ai-je voulu parler de ces gens-là ? s’interroge Sarah Kaskas. Parce que cette idée est née des frustrations de ma vie à Beyrouth. Au début de ce documentaire, on voit de loin les bâtiments de la capitale libanaise d’où fusent des voix qui se plaignent d’une manière cacophonique du manque d’électricité, d’eau… C’est une manière à nous de dire que nous sommes toutes et tous sous le même toit et que personne n’est à l’abri du besoin. »

Ce film à l’aspect prémonitoire (il a été enclenché il y a cinq ans) projette les difficultés sociales du Liban d’aujourdhui qui se débat dans une crise financière, sociale et politique sans précédent, et dessine le portrait d’un Beyrouth déchiré, blessé et distordu.

Sarah Kaskas et Liliane Rahal collaborent depuis longtemps ensemble tant au cinéma avec Bread and Tea en 2016 – qui a eu le prix du meilleur court documentaire au Cinéma Vérité en Iran – que dans la musique puisqu’elles jouent dans la même « band ». Elles décident de faire ce documentaire, persuadées que le cinéma est le meilleur outil pour porter un message. « Les attitudes discriminatoires du Libanais devraient être réajustées pour mieux comprendre l’autre, car qui sait ce que l’avenir réserve à chacun ? » confient-elles. Et de poursuivre : « Nous avons commencé par faire des recherches pour trouver les histoires qui pourraient représenter un large éventail de personnes. Nous en avons trouvé d’abord dix, mais il nous semblait plus judicieux de les restreindre au nombre de trois et de ne pas nous éparpiller. » En tant que productrice, Rahal aime s’impliquer dans l’exercice de la mise en scène. La production à ses yeux n’est pas simplement financière. « Si le projet ne me convainc pas, je ne le poursuis pas. Par ailleurs, comme nous faisons partie de la même bande de musique, Sarah et moi, elle a voulu faire elle-même la bande sonore du film. » À ce sujet, la réalisatrice précise qu’en général, on veille à ce que le tournage soit épuré des bruits de la ville pour mieux entendre le dialogue et la musique du film. Dans Underdown, « j’ai tenu à ce que les bruits de la ville (klaxons, cris) soient existants, car ils sont un acteur à part entière dans ce film qui parle de Beyrouth… la bruyante ».

Le rire malgré tout

Le film puise dans la triste et dure réalité des gens pour s’élever et atteindre une dimension plus spirituelle. Ces trois personnages, en effet, et malgré tous leurs malheurs, se nourrissent d’espoir et de foi. Jamais la réalisatrice ne porte sur eux un regard empreint de pitié. L’espace d’évasion du petit garçon à Aïn el-Mrayssé brise les lieux claustrophobes – voiture ou maison délabrée – dans lesquels évoluent les deux autres personnages. Et même si les trois ne se connaissent pas et ne se sont jamais vus, il ont l’air de se parler et de dialoguer grâce au montage de Simon el-Habre et à la photo de Joe Saadé. Abou Houssam, Samia et sa mère, et le jeune Ali forment une famille décomposée, mais recomposée par l’exercice du 7e art.

Kaskas se sert aussi d’un dialogue truffé d’humour pour se défendre contre les affres de la vie. « Les histoires sont illimitées dans ce Beyrouth au-dessous du dessous, dit Rahal, mais il fallait mettre l’accent sur les problèmes des êtres humains qui ne peuvent avoir les soins nécessaires. Ils vivent en marge de tout, en gardant en eux cette flamme de vie qui les anime. » Le documentaire, qui a fait sa première internationale à IDFA (International Documentary Film Festival Amsterdam) en 2018, a été sélectionné au festival d’Édimbourg et au festival du film méditerranéen en Bosnie où il gagne le Grand Prix,, et a reçu le grand prix du jury à Malmö en 2019. Il sera bientôt projeté par des centres culturels ou universités au Liban.

Les trois personnages de « Underdown » de Sarah Kaskas, Abou Houssam, Samia et Ali, représentent en quelque sorte le miroir d’un Beyrouth démuni et désemparé. Capture d’écran

Sawa, ou tous ensemble devant le grand écran

Après plus d’un an de pause et de multiples essais pour programmer à nouveau des films dans les conditions surréalistes entre crises et Covid-19, Metropolis Cinema Association et Beirut DC sont de retour avec de nouveaux partenaires, Ishbilia Theatre et ArtHub à Saïda et Shams – théâtre Tournesol à Beyrouth. Sawa est un programme de 6 films mis en place collectivement dans le but de ramener des projections de cinéma physique de films indépendants dans ces deux villes.

Aux côtés de trois films du Liban reflétant les multiples luttes que traverse aujourd’hui le pays, le programme projettera des films de Tunisie, du Brésil et du Venezuela dans une volonté de se connecter avec des expériences de résistance et de révolte ailleurs.

Financé par le Fonds international de secours du ministère

fédéral allemand des Affaires étrangères, le Goethe-Institut

et d’autres partenaires

(www.goethe.de/relieffund), ce projet est également rendu possible grâce au soutien du Fonds de solidarité des arts et de la culture arabes (AFAC), et des ressources culturelles et du programme Cinapses 2 du Réseau des écrans alternatifs arabes (NAAS).

Ce vendredi 18 décembre au soir, destination Saïda où le film de Oualid Mouaness 1982 sera projeté au théâtre Ishbilia et ArtHub à Saïda à 18h.

Abou Houssam, Samia et Ali : trois personnages de communautés différentes, de nationalités différentes, aux activités diverses que rien, d’apparence, ne peut relier. Sauf que le chauffeur de taxi palestinien, la maîtresse de maison libanaise s’occupant de sa mère malade et le petit réfugié syrien sont liés par un lien indicible et invisible. Ils vivent tous les trois sous le...

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Où et quand peut-on le voir ?

Bersuder Jean-Louis

12 h 59, le 18 décembre 2020

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  • Où et quand peut-on le voir ?

    Bersuder Jean-Louis

    12 h 59, le 18 décembre 2020

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