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Lifestyle - Un peu plus

J’aurais aimé (vous) pardonner

J’aurais aimé (vous) pardonner

Photo Carla Henoud

J’aurais aimé vous absoudre de vos péchés. Me dire que finalement, au vu de ce que vous faites subir à votre peuple, vous aviez réalisé qu’était venu le temps de tirer votre révérence. De libérer le pouvoir de votre présence, de libérer votre peuple que vous prenez en otage depuis si longtemps. J’aurais aimé voir cette lueur d’empathie vous traverser et illuminer votre cœur. J’aurais aimé vous voir enfin reconnaître la responsabilité de vos actes. Assumer votre rôle dans la chute du pays, la double explosion du port, la mauvaise gestion de la catastrophe sanitaire que nous traversons, l’effondrement économique, la crise sociale, l’écroulement du système éducatif, la flambée des prix, la dévaluation de la livre. Admettre ses erreurs est le premier pas vers le pardon.

Malheureusement, il semblerait que vous ne voulez absolument pas voir les transgressions que vous avez commises. Comme si tout ce qui arrivait était on ne peut plus normal. Et le peuple se demande sempiternellement : comment faites-vous pour dormir le soir ? Comment faites-vous pour avoir la conscience si tranquille ? Comment pouvez-vous n’avoir aucune empathie pour ce peuple qui vous a permis d’être là où vous êtes ? Pendant longtemps, c’est ma haine envers vous qui m’animait. Aujourd’hui, ce sentiment a étrangement disparu. Aujourd’hui, j’ai pitié de vous. J’ai de la peine pour vous. Et j’ai surtout énormément de mépris. Vous incarnez ce qu’il y a de pire dans la race humaine. Vous êtes la représentation exacte du mal. L’essence même de l’abject. Je suis désolée pour vous. Parce que, coincés dans votre mesquinerie, votre gloutonnerie, votre désir de toujours plus, vous ne réalisez pas ce qu’est la vraie vie. Vous ne voyez pas la beauté de l’être humain en général et celle du peuple libanais en particulier. En ignorant sa souffrance, vous êtes passés du côté obscur de la force : celui de la faiblesse. Parce que contrairement à vos croyances, vous êtes faibles. Faibles face à la tentation. Vous ne savez pas ce que c’est de construire, parce que vous êtes dans la destruction. Vous ne savez pas ce que c’est qu’aimer, parce que vous êtes dans la malveillance. Vous ne savez pas ce qu’est la générosité, parce que vous êtes dans le narcissisme. Vous ne connaissez pas ces sentiments purs et magnifiques qui peuvent habiter les êtres humains, parce que vous ne savez qu’entretenir le ressentiment. Votre politique est fondée sur la haine de l’autre, la division et la mort.

Vous séparez les gens qui s’aiment. Vous les privez d’avenir et d’espoir. Vous les asphyxiez. Et votre conscience demeure paisible. Ou plutôt dans l’illusion d’une quelconque quiétude. L’illusion est votre monde. Celui dans lequel vous gravitez. L’illusion d’une grandeur que vous vous êtes attribuée. Mais la grandeur n’est pas la vôtre. Elle est celle du peuple libanais. Ce peuple que l’on aime détester. Ce peuple qui prend à la fois des sens interdits et un balai pour nettoyer sa capitale meurtrie. Ce peuple qui se nourrit de pots-de-vin et qui nourrit ses concitoyens. Ce peuple qui tombe et se relève inlassablement. Ce peuple qui tour à tour se révolte et capitule. Ce peuple qui en cette nouvelle année se demande ce qu’il va faire. Se demande comment il pourra tenir. Comment il pourra joindre les deux bouts. Comment il continuera à rêver son avenir et celui de ses enfants. Ce peuple que l’on croit endormi, mais qui se réveillera très prochainement. Parce que ce peuple, on l’a déjà vu se lever contre ses bourreaux. On l’a déjà vu porter haut le drapeau du cèdre blessé. On l’a déjà vu surmonter les épreuves et faire trembler des montagnes. Montagnes que vous n’êtes pas. Loin de là. Vous êtes de petits monticules de légumes en putréfaction. Et rien ni personne n’est immuable. L’histoire l’a prouvé à maintes reprises. Vous avez la mémoire courte, nous avons le souffle long. Encore aujourd’hui, malgré tout ce que l’on a enduré l’année dernière. Malgré le désespoir et la colère, l’affaiblissement et la peur. Nous avons le souffle long, parce que la témérité est dans notre sang. Que sous cette apparence de vulnérabilité dont nous faisons preuve aujourd’hui, se terre une soif de vie plus forte que n’importe quel discours mortifère, une armée de David plus forte que n’importe quel Goliath.

J’aurais aimé vous absoudre de vos péchés. Me dire que finalement, au vu de ce que vous faites subir à votre peuple, vous aviez réalisé qu’était venu le temps de tirer votre révérence. De libérer le pouvoir de votre présence, de libérer votre peuple que vous prenez en otage depuis si longtemps. J’aurais aimé voir cette lueur d’empathie vous traverser et illuminer votre cœur....

commentaires (6)

magnifique témoignage!! tellement triste et tellement vrai...

Rasha Tabbara

23 h 13, le 15 janvier 2021

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • magnifique témoignage!! tellement triste et tellement vrai...

    Rasha Tabbara

    23 h 13, le 15 janvier 2021

  • J'ai partagé sur Facebook. Superbement exprimé. Vous dites , ce que "chacun d'entre nous pense". Merci Médéa. ( Mme AZOURI )

    LE FRANCOPHONE

    13 h 58, le 15 janvier 2021

  • On peut devenir apathique et dormir à l'aide de sédatifs hypnotiques. Ce n'est pas drôle.

    Esber

    13 h 09, le 15 janvier 2021

  • En espérant que nous élisions des personnes compétentes et intègres peu importe leurs religions

    Khoury-Haddad Viviane

    13 h 07, le 15 janvier 2021

  • Je rappelle que c’est le peuple qui a élu les députés actuels. Et si des élections législatives anticipées devaient avoir lieu demain, nous aurions à 99% les mêmes députés Druzes et chiites, à 90% les mêmes députés sunnites et à 50% les mêmes députés chrétiens. Donc le parlement varierait au mieux de 25% des élus actuels.

    Lecteur excédé par la censure

    12 h 16, le 15 janvier 2021

  • Merci Médéa d'avoir si bien exprimé tous nos sentiments. Oui, le peuple libanais se relèvera parce que, contrairement aux monstres qui nous gouvernent, il a une humanité indestructible et une conscience.

    Jocelyne Hayeck

    09 h 50, le 15 janvier 2021

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