On espérait que 2021 serait plus clémente mais force est de constater qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Cèdre. Quelque chose de pourri qui coule dans les veines des Libanais. Après avoir très bien géré la première vague du Covid-19 en mars dernier, presque un an plus tard, c’est la débandade. Une catastrophe sanitaire sans précédent. Et malgré toutes les mesures de prévention, l’information disponible, les conseils du corps médical et des scientifiques, les Libanais ont gravement déconné. Gravement. Sachant que les hôpitaux sont surbondés, que certains médicaments ont disparu des pharmacies, que le Covid se répand comme une traînée de poudre, un grand nombre de nos concitoyens ont dépassé les limites de tout entendement.
Au début, on ne connaissait pas grand monde qui avait contracté le virus. 5-6 cas par jour. Des chiffres abstraits qu’on vérifiait quotidiennement sur nos applications. Puis le confinement s’est fait plus léger. Et le Liban s’est scindé en deux : les responsables, inquiets pour leur santé et celle de leurs proches, et les irresponsables, insouciants, pensant que ça n’arrive qu’aux autres. Et là, le pays a commencé à dégringoler. L’été est arrivé, les fêtes ont suivi, les regroupements se sont faits plus nombreux. Et malgré la double explosion du 4 août, lorsque les gens ont été jetés en masse dans les rues, la pandémie était encore contenue. Et puis les Libanais n’en pouvaient plus. Une fois que les autorités ont lâché du lest, enchaînant les erreurs comme le pair/impair des plaques d’immatriculation, la fermeture partiale de régions ou de villes et pas d’autres, un couvre-feu sans aucun sens, l’autorisation donnée enfin aux bars et restaurants de rouvrir leurs portes, falat l’mla’ comme on dit. Les gens ont recommencé à sortir, sans réaliser l’ampleur de la catastrophe à venir et les fêtes de fin d’année ont sonné le glas de l’intelligence d’un peuple censé être instruit. Parce qu’aujourd’hui, plus personne ne peut dire que c’est le manque d’éducation qui a fait que les Libanais sont partis en vrille. Faisant la fête, célébrant le Nouvel An entourés de 200 personnes, ils se sont agglutinés dans leurs endroits favoris, riant au nez d’une des plus grandes catastrophes sanitaires de l’histoire de l’humanité. Et voilà le résultat. Un chaos immense dans lequel le Liban se trouve plongé.
Évidemment qu’avec une économie à terre et une dépression collective, on a invoqué toutes les bonnes raisons du monde pour faire fi de la situation, arguant, par exemple, qu’on venait de faire un PCR. Évidemment que les Libanais sont à bout. Qu’ils n’en peuvent plus. Qu’ils ont besoin de respirer, de se relever. Que le secteur de la restauration, que les commerces et autres entreprises sont dans la nécessité de joindre les deux bouts, surtout face à un État qui n’apporte aucune aide et qui va très prochainement suspendre les subventions.
À qui la faute, peut-on se demander. Les autorités et un ministre de la Santé à l’incompétence notoire ? Le peuple, totalement insouciant ? Le peuple qui a fait n’importe quoi, se disant « maximum on l’attrape ».
Et les gens à risque dans tout ça ? Les personnes de plus de 65 ans, les personnes ayant des problèmes de santé, des problèmes respiratoires? C’est bien beau d’aller faire la fête, pensant qu’on a pris nos précautions et rentrer à la maison pour le refiler à sa famille. C’est très intelligent de ne pas prendre en compte la période d’incubation et de contaminer son entourage, pensant, faute de symptômes apparents, qu’on est clean. Que nous arrive-t-il ? Et surtout, que va-t-il nous arriver ? Nous sommes en train de nous noyer et de plein gré. Et qu’on le veuille ou pas, nous sommes autant responsables que le pouvoir à qui on a tendance à tout reprocher. Notre situation ressemble malheureusement à celle de l’Italie aux premières heures de la pandémie. Nous ne sommes plus aux portes d’un désastre, nous y sommes. Et le corps médical et infirmier est à bout. Mal payés, épuisés, les médecins et infirmiers qui risquent leur vie chaque jour sont dépités. Dieu aussi probablement.
Un peuple avec l’indiscipline et le manque de civisme chevillé à son ADN
21 h 07, le 08 janvier 2021