L'Orient Littéraire Bande dessinée

Le Marsupilami selon Frank Pé

Le Marsupilami selon Frank Pé

La Bête de Frank Pé et Zidrou, Dupuis, 2020, 156 p.

Sur plus de cinquante ans, la joyeuse concurrence entre les journaux de bande dessinée Tintin et Spirou, tous deux apparus à l’entre-deux-guerres, a été le terrain fertile de la création des personnages les plus marquants de la bande dessinée classique. Alors que Spirou entretenait un esprit joueur et malicieux à l’image de Gaston Lagaffe, Tintin, fidèle à la grande aventure souvent plus réaliste, présentait à ses lecteurs les histoires de Blake et Mortimer, Alix ou Corentin.

Le bras de fer a pourtant pris fin lorsqu’il a fallu que l’un et l’autre conquièrent le cœur de la jeunesse des années 80. À la traine, Tintin a alors connu une lente agonie. Spirou, tout au contraire, a su raviver la flamme qui le fera vivre jusqu’aujourd’hui en mettant le pied a l’étrier à une nouvelle génération porteuse d’un souffle nouveau, incarnée par des séries telles que Théodore Poussin de Frank Legall, JKJ Bloche d’Alain Dodier, Jojo d’André Geerts ou Broussaille de Frank Pé et Bom.

Broussaille, récit d’un adolescent à la sensibilité écologiste, dévoile alors le talent hors norme de Frank Pé pour le dessin animalier, suivant les traces de ses prédécesseurs Raymond Macherot ou René Hausmann. Le troisième album de la série, « La Nuit du chat », fait figure aujourd’hui de madeleine de Proust pour de nombreux lecteurs. Cette double passion pour le dessin et le monde animalier, Frank Pé la transcendera ensuite le temps d’un triptyque réaliste, Zoo, dont les décors majestueux d’un parc zoologique fantasmé feront date.

Broussaille mis entre parenthèse et Zoo achevé, Frank Pé consacre depuis sa carrière à rendre hommage à ses maîtres. Comme un dialogue qu’il établirait avec eux, il reprend leurs personnages le temps d’albums qui revisitent leur univers. Ce sera le cas du Little Nemo de Winsor McCay puis des Spirou et Fantasio de Franquin, pour lesquels il dessine un récit, La Lumière de Borneo, dont il confie le scenario à Zidrou.

Heureux de cette collaboration avec un scénariste dont il loue le talent pour insuffler dans ses histoires des émotions fortes et fédératrices, il se lance aujourd’hui avec le même Zidrou dans une nouvelle aventure qui apparaît comme une évidence au regard de sa carrière : l’exploration de l’univers de l’animal le plus emblématique des classiques de la bande dessinée, le Marsupilami.

L’approche est audacieuse : livrer une version réaliste des origines de l’animal. Dans La Bête, le Marsupilami n’est donc plus ce personnage sympathique au gros nez que nous connaissons tous, mais un animal sauvage, tel qu’il existerait hors des cases. Contextualisé dans le Bruxelles de l’après-Seconde Guerre mondiale, le récit met en scène l’apparition du Marsupilami dans la vie d’un enfant né de l’amour éphémère et interdit d’une femme bruxelloise et d’un soldat allemand.

Frank Pé a pris soin de limiter le nombre de cases par planche pour donner l’espace à son dessin de se déployer dans des images à grand spectacle. Récit social, chargé, La Bête est ainsi également et avant tout un « beau livre ».


La Bête de Frank Pé et Zidrou, Dupuis, 2020, 156 p.Sur plus de cinquante ans, la joyeuse concurrence entre les journaux de bande dessinée Tintin et Spirou, tous deux apparus à l’entre-deux-guerres, a été le terrain fertile de la création des personnages les plus marquants de la bande dessinée classique. Alors que Spirou entretenait un esprit joueur et malicieux à l’image de Gaston...

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