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Société - Drame

Un crime effroyable secoue le village de Kahalé

Joe Bejjani, 36 ans, a été assassiné devant son domicile au moyen d’une arme équipée d’un silencieux, par deux inconnus qui ont pris la fuite après s’être emparés de son téléphone.

Un crime effroyable secoue le village de Kahalé

Les marques des balles qui ont transpercé la vitre de la voiture de la victime. Photo Lyana Alameddine

Le village de Kahalé paraissait aussi paisible que par n’importe quel lundi ordinaire. Mais les apparences étaient trompeuses : tôt le matin, un crime effroyable avait coûté la vie à un jeune père de famille, laissant ses proches et le village entier sous le choc. Il était 7h quand Joe Bejjani a été abattu dans sa voiture par deux inconnus masqués munis d’une arme avec silencieux, qui se sont emparés de son téléphone. La victime se préparait à déposer ses deux petites filles à l’école. « Ce matin, Joe se préparait tout juste à démarrer sa voiture en attendant sa famille quand deux hommes ont dévalé les marches de son immeuble jusqu’à son véhicule et ont tiré sur lui », raconte Jean Bejjani, président de la municipalité de Kahalé.

À la suite de ce meurtre, les habitants du village ont décidé de bloquer la route principale de Kahalé durant plus d’une heure, pour exprimer leur colère et exiger une enquête rapide. « Ce n’est pas acceptable. Nous avons le droit de connaître la vérité. C’est ce qui se passe quand il y a des armes illicites entre les mains de malfaiteurs », s’indigne Mireille, une voisine de la victime. « La fermeture des routes était un message : nous voulons une enquête rapide pour savoir qui sont les auteurs du crime et pour quelles raisons ce jeune homme a été assassiné », explique le président de la municipalité.

Le meurtre a été entièrement filmé par une caméra de surveillance, une séquence à laquelle L’Orient-Le Jour a pu assister : on peut y voir les deux hommes en train de descendre les marches qui mènent à la résidence du défunt. Ils étaient habillés en civil et portaient des masques sanitaires, munis d’un casque de moto pour l’un et d’une capuche pour l’autre. Quelques secondes plus tard, ils abattaient de sang-froid le père de famille.

Absence de cordons de sécurité

« Même moi quand je viens chez ma sœur, je ne prends pas autant mes aises autour de la maison », s’indigne Nazih Khoury, le beau-frère de la victime, mettant l’accent sur l’assurance des criminels qui semblaient bien connaître le périmètre. Le premier arrivé sur les lieux est un voisin, alerté par les cris de l’épouse du défunt. Pour le président de la municipalité, « il ne fait pas de doute que le crime a été préparé. Ils ont dû l’observer pendant un long moment pour repérer son adresse et se familiariser avec sa routine quotidienne comme, à titre d’exemple, l’heure à laquelle il quitte sa maison. Ce n’est pas une décision qui a été prise hâtivement. Le mode opératoire reflète une organisation méticuleuse ».

Suivant les différentes versions des témoins, il y aurait eu un troisième complice qui aurait facilité l’évasion des deux tueurs par une route autre que celle qu’ils auraient empruntée pour gagner la maison de la victime.

La voiture de couleur bleue de la victime, elle, est toujours garée dans une ruelle en face de l’immeuble. Sa vitre porte encore les marques de balles et des traces de sang sont visibles près d’un siège pour enfant, là où devait s’asseoir l’une de ses fillettes qu’il s’apprêtait à emmener à l’école. Il est 14h, le crime a eu lieu depuis déjà plusieurs heures, et pourtant, il n’y a pas de cordons de sécurité, la voiture est entourée de badauds ainsi que des agents des Forces de sécurité intérieure (FSI).

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« Nous ne constatons aucune analyse criminalistique, pas de périmètre de sécurité, tout le monde peut s’approcher de la voiture. Ils vont négliger l’enquête, et même s’ils tirent des conclusions, je ne vais pas les croire », lance Kahil Bejjani, un cousin de la victime. Charbel Bejjani, 19 ans, a été l’un des premiers témoins présents sur la scène de crime. « Je suis descendu après avoir entendu des cris, raconte-t-il. On était deux à trois personnes sur place, on l’a sorti de la voiture et on lui a fait un massage cardiaque en attendant les secours, qui sont arrivés trente minutes plus tard. Deux balles l’ont atteint, l’une à la tête, l’autre à la poitrine. »

Un jeune homme sans histoire

« C’est un acte purement criminel, ça ne peut pas être personnel, ajoute Jean Bejjani. Joe était gentil et apprécié de tous. Il faisait du volontariat. Dernièrement, il distribuait des donations aux personnes dans le besoin. » Selon les divers témoignages, le jeune homme menait une vie simple entre sa famille et son travail. Employé à la compagnie de téléphonie mobile Alfa, il se chargeait de la formation du personnel, explique son beau-frère, Élie Matta. Durant son temps libre, il prenait des photos. « La photographie était sa passion », raconte Jean Bejjani. Le jeune homme était surtout spécialisé dans la photographie militaire, mais une source de l’armée confirme à L’OLJ qu’il n’était pas à proprement parler rattaché à l’institution militaire.

Les habitants du quartier sont en colère, mais également abasourdis. Qui aurait dit que dans un village aussi calme et vert, un crime pareil aurait pu être perpétré ? « Ce village est habituellement très sûr. La police municipale est présente du matin au soir et nous sommes près du palais présidentiel et du ministère de la Défense », explique le président de la municipalité. « Normalement, on se sent en sécurité ici, il se passe très peu de choses. Maintenant, nous sommes gagnés par un sentiment d’insécurité », déplore Charbel Bejjani, un voisin.

Le tweet troublant écrit par Joe Bejjani moins d’un mois après le drame du port de Beyrouth, et dans lequel il affirme avoir abandonné la photographie militaire. Capture d’écran

Un meurtre qui surprend

Dans l’immeuble jaune où habitait la victime, on peut apercevoir des personnes vêtues de noir venues présenter leurs condoléances. Joe Bejjani menait une vie tranquille, il était apprécié de tous, son meurtre surprend. Les personnes qui sont accourues à son domicile pour soutenir ses proches sont abasourdies. Certains se demandent même si les assassins ne se sont pas trompés de victime. « C’était un homme bien, il aimait tout le monde… Peut-être que c’était une erreur. Plusieurs ont les mêmes prénom et nom de famille ici », raconte Élie Matta, son beau-frère. « C’est un homme respectable, créatif et serviable. Il n’y avait rien de mauvais en lui. Il ne ferait pas de mal à une fourmi. Pourquoi et comment il a été tué, je ne sais pas », ajoute Mireille.

La victime menait apparemment une vie tranquille, mais son activité de photographe lui aurait-elle attiré des ennuis ? Toutes les sources de sécurité interrogées hier ont refusé de s’étendre sur l’enquête qui n’en est qu’à ses débuts. Deux théories, non confirmées ont été émises quant aux raisons du meurtre. Serait-il possible que des photos compromettantes aient été prises par Joe Bejjani lors de ses virées à la frontière sud du Liban ? Ou seraient-ce des photos prises du port de Beyrouth juste après le drame du 4 août qui lui auraient coûté la vie ? Encore plus troublante est l’une de ses publications sur son compte Twitter datant du 31 août, moins d’un mois après l’explosion : « Après 15 ans de photographie militaire au Liban et à l’étranger, notamment pour mettre en avant l’image de progrès, de force et de civilisation dont fait preuve l’armée libanaise, j’ai décidé aujourd’hui d’arrêter la photographie militaire au Liban. Il faut en effet les supplier pour les prendre en photo et quand on le fait, on se sent terroriste… Je préfère photographier ce qui m’est accessible. » La chaîne panarabe al-Hadath a rapporté que Joe Bejjani aurait envoyé des photos du port aux enquêteurs français et américains.

En attendant quelques éclaircissements sur l’affaire, le président de la municipalité de Kahalé a donné aux autorités 48 heures pour avoir des réponses avant de recourir à des mesures d’escalade. « Les FSI sont en train de visionner toutes les caméras de la zone et rassemblent les vidéos, explique-t-il. Nous leur donnons 48 heures, sinon nous recommencerons à manifester pacifiquement. Nous allons suivre méticuleusement l’avancée de l’enquête avec toutes les parties prenantes. »

Il ajoute enfin : « Il faut mettre un terme à ce chaos sécuritaire, ce crime était organisé et a été l’œuvre de professionnels. » Mireille, la voisine, renchérit : « C’est le Liban, on vit dans une ferme. »

Le village de Kahalé paraissait aussi paisible que par n’importe quel lundi ordinaire. Mais les apparences étaient trompeuses : tôt le matin, un crime effroyable avait coûté la vie à un jeune père de famille, laissant ses proches et le village entier sous le choc. Il était 7h quand Joe Bejjani a été abattu dans sa voiture par deux inconnus masqués munis d’une arme avec...

commentaires (6)

Hezbollah ?

Eleni Caridopoulou

19 h 09, le 22 décembre 2020

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Commentaires (6)

  • Hezbollah ?

    Eleni Caridopoulou

    19 h 09, le 22 décembre 2020

  • Tout crime non élucidé pointe le doigt vers les mafieux miliciens que l’on connaît. On se rappelle de l’enlèvement d’un employé de l’aéroport il y a 10ans ,sous le nez de l’armée... et puis rien ! “ Le défunt était spécialisé dans les photos militaires “. Ceci explique tout. Les employés du port aussi qui avaient alerté tous les responsables sur le caractère dangereux du nitrate d’ammonium ont également été liquidé... Voilà. Ensuite les enquêtes du bout des doigts, c’st du vent à éoliennes..

    LeRougeEtLeNoir

    13 h 43, le 22 décembre 2020

  • Que dieu ait son âme. On ne connaîtra jamais la vérité. Une liquidation en bonne et due forme dans un pays qui est devenu une plaque tournante de violence et de crimes non élucidés. Espérons que ces photos compromettantes aient pu être envoyées à qui de droit.

    Sissi zayyat

    13 h 06, le 22 décembre 2020

  • Ca ressemble fortement à une liquidation commanditée. Personne ne saura la vérité malheureusement. Une explosion semi atomique et un stock de produits explosifs? et à ce jour , y a un black out (volontaire sans aucun doute) sur le propriétaire réel de ces produits. Aucune avancée notable sur l'enquête. Si une avancée survient? Un blocage administratif est trouvé pour contrer l'avancée du juge d'instruction. Donc faut pas espérer grand chose de ceux qui dirigent ce dit pays. Foutage de gueule et insulte à l'intelligence des libanais. Mais ils s'en tapent au final. Ils font ce qu'ils veulent. Macron et ses menaces? Ils s'en fichent. Vous croyez qu'un citoyen lambda assasiné , va leur tourmenter leur conscience inexsitante?

    LE FRANCOPHONE

    12 h 00, le 22 décembre 2020

  • Le "Liban fort" dans toute sa splendeur en crimes jamais élucidés, désordres et corruption généralisée.... M E R C I nos D I R I G E A N T S !!! - Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 49, le 22 décembre 2020

  • Liban unique ferme de cancrelats au monde !

    PROFIL BAS

    01 h 10, le 22 décembre 2020

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