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Monde - Focus

Giscard-Chirac : une rivalité tenace

La relation entre les deux hommes a été ponctuée d’alliances et de contre-alliances tout au long de leurs parcours politiques.

Giscard-Chirac : une rivalité tenace

Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing à l’Assemblée nationale, le 2 octobre 1984, à Paris. Gabriel Duval et Philippe Wojazer/AFP

Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac se sont opposés pendant plus de trente ans, une rivalité qui a culminé avec la « trahison » de Chirac en 1981 ayant contribué à porter au pouvoir François Mitterrand. Une « honteuse et stupide manœuvre » que Valéry Giscard d’Estaing, qui avait brigué en vain sa réélection, n’a jamais pardonnée et qu’il relate dans ses mémoires, Le Pouvoir et la Vie. Jacques Chirac est éliminé au premier tour de l’élection présidentielle de 1981, au profit du président sortant Giscard d’Estaing et du candidat socialiste François Mitterrand. Il déclare qu’« à titre personnel », il votera Giscard au second tour.

Voulant vérifier une rumeur disant que l’état-major de campagne de Jacques Chirac conseille de voter Mitterrand, Giscard appelle une permanence de M. Chirac, un mouchoir sur le combiné pour déguiser sa voix. « Il ne faut pas voter Giscard », répond-on à celui qui se présente comme un militant. Et alors qu’il insiste : « Il faut voter Mitterrand. » Peu avant sa mort, ce dernier lui aurait d’ailleurs confié avoir été élu grâce aux voix apportées par Jacques Chirac, qui lui aurait dit en substance lors d’un dîner secret : « Il faut nous débarrasser de Giscard. »

Alliés en 1974

« Ce qui l’anime, c’est un désir fanatique d’accéder à la présidence de la République. Cette obsession efface pour lui tout le reste, les convictions aussi bien que le respect des règles », écrit Giscard au sujet de Chirac. En 2009, il accusera Jacques Chirac – qui démentira – d’avoir fait financer sa campagne de 1981 par le président du Gabon de l’époque, Omar Bongo.

À l’origine, les deux hommes avaient pourtant fait alliance. Pour la présidentielle de 1974, Jacques Chirac avait soutenu la candidature de Valéry Giscard d’Estaing avant le premier tour, au détriment du gaulliste Jacques Chaban-Delmas. Ce qui lui avait valu une réputation de traître, mais lui avait ouvert les portes de Matignon, jusqu’à sa démission fracassante le 26 août 1976. « Je ne dispose pas des moyens que j’estime nécessaires pour assurer efficacement mes fonctions, et dans ces conditions, j’ai décidé d’y mettre fin », déclare-t-il lorsqu’il claque la porte.

Une anecdote racontée par Giscard illustre le climat délétère qui régnait entre les deux têtes de l’exécutif. L’ancien président disait sa « surprise » de lire, à l’automne 1975 dans un hebdomadaire, qu’en recevant ses invités au fort de Brégançon, il « siégeait sur un trône ». Ses soupçons sur l’origine de cette « médisance » portèrent sur son Premier ministre, que ce dernier démentit.

Quelques mois après sa démission, Jacques Chirac crée le RPR (Rassemblement pour la République), fin 1976. L’année suivante, il se fait élire maire de Paris face au giscardien Michel d’Ornano, ce qui donne lieu à un conflit très dur entre Chirac et Giscard. En 1978, ce dernier fonde l’UDF (Union pour la démocratie française), avec l’ambition de contester la domination du parti gaulliste au sein de la droite. Les hostilités continuent lors des élections européennes de 1979. Jacques Chirac lance son « appel de Cochin », dans lequel il qualifie l’UDF, trop pro-européenne à ses yeux, de « parti de l’étranger ».

« Il ne m’intéresse pas »

En 1995, Giscard soutient pourtant la candidature de Chirac à la présidentielle, alors qu’une grande partie de l’UDF choisit Édouard Balladur. Échange de bons procédés, Chirac appuie en 2001 la candidature de Giscard pour présider la Convention chargée d’élaborer la Constitution de l’UE. Mais l’échec du référendum de 2005 attise les rancœurs de Valéry Giscard d’Estaing, persuadé que les Français ont voté contre le pouvoir en place – Jacques Chirac est alors président – et non contre son texte. Il se défend pourtant de tout ressentiment. « C’est quelqu’un qui ne m’intéresse pas. De Gaulle m’a fasciné. Helmut Schmidt, je l’ai aimé. Chirac, il n’a jamais occupé mon esprit. Je n’y pense pas », affirme-t-il en juin 2005 au journaliste Franz-Olivier Giesbert.

Entre 2007 et 2011, les deux anciens présidents siègent tous deux au Conseil constitutionnel, ce qui leur donne de nouvelles occasions de se chamailler. Le 30 septembre 2019, Valéry Giscard d’Estaing assiste à Paris, lors d’une de ces dernières apparitions publiques, à la messe en hommage à Jacques Chirac, quatre jours après le décès de ce dernier.

Pascale JUILLIARD/AFP

Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac se sont opposés pendant plus de trente ans, une rivalité qui a culminé avec la « trahison » de Chirac en 1981 ayant contribué à porter au pouvoir François Mitterrand. Une « honteuse et stupide manœuvre » que Valéry Giscard d’Estaing, qui avait brigué en vain sa réélection, n’a jamais pardonnée et qu’il relate...

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