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Monde - ÉCLAIRAGE

Donald Trump et la stratégie du chaos

Menaces, théories du complot, intimidations : suite au scrutin présidentiel du 3 novembre, les États-Unis craignent une escalade des tensions.


Donald Trump et la stratégie du chaos

Le président américain Donald Trump prend la parole dans la salle de briefing Brady à la Maison-Blanche, à Washington DC, le 5 novembre. Brendan Smialowski/AFP

« Donald Trump est prêt pour la guerre. » Le ton est donné par le média d’extrême droite Breitbart, confirmant le scénario catastrophe que certains analystes craignent depuis des mois. Le président sortant, qui n’en est pas à sa première accusation de fraude, avait averti qu’il n’accepterait pas facilement sa défaite. Et qu’il l’imputerait, le cas échéant, à une manipulation électorale. Il y avait donc comme un air de déjà-vu lorsque Donald Trump a pris la parole depuis la Maison-Blanche, dans la nuit de mardi à mercredi, pour accuser les démocrates de lui « voler » la victoire, criant à la « fraude » électorale. « Nous ne les laisserons jamais faire », a-t-il lancé, enclenchant une contre-offensive avant même la fermeture des bureaux de vote et évoquant la possibilité d’un recours à la Cour suprême. De théories du complot en cris de victoire prématurés, le clan Trump semble prêt à tout pour enrayer la bascule démocrate et contrer la « vague bleue » qui a fait pencher plusieurs États-clés en faveur du démocrate Joe Biden.

Bataille juridique

Dans le cadre de cette stratégie, il est question d’exiger un arrêt du décompte des votes dans certains États où la question du vote par anticipation est contestée par Donald Trump, qui mène campagne depuis des mois pour dénoncer ce qu’il estime être un système facilitant la fraude à grande échelle. Or la particularité de l’élection 2020 est justement ce vote par anticipation, en raison de l’épidémie de Covid-19 et des mesures sanitaires qui ont entraîné des taux record de participation anticipée. Un peu moins de 100 millions d’Américains ont voté avant la date du 3 novembre, en se rendant sur place ou par correspondance, soit trois fois plus qu’en 2016. Les bulletins ont jusqu’au 12 novembre pour revenir par courrier, à condition d’avoir été postés au plus tard le 3 novembre. Donald Trump exploite la spécificité de cette année et l’arrivée tardive de certains votes pour décrédibiliser le scrutin et semer le doute parmi l’électorat. La proportion plus importante du vote par correspondance explique également le scénario électoral. Les premiers résultats dépouillés sont les votes physiques, en faveur de Donald Trump, puisque les électeurs démocrates ont préféré les directives partisanes recommandant le vote par anticipation. Donald Trump, qui connaît la teneur politique du vote anticipé, commence très tôt à l’assimiler à de la fraude : il prépare le terrain en cas de défaite.

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Pour mettre à exécution ces intentions de « protéger l’intégrité des élections », Donald Trump déploie une rhétorique légaliste et engage une bataille juridique. « Si vous comptez les votes légaux, j’ai facilement gagné, si vous comptez les votes illégaux, ils peuvent essayer de nous voler l’élection », déclare-t-il jeudi soir lors d’une seconde allocution télévisée au cours de laquelle il affirme détenir « beaucoup de preuves » qui devraient entraîner « beaucoup de litiges ». M. Trump n’a précisé aucune des preuves mentionnées et les observateurs et témoignages extérieurs s’accordent pour démentir l’existence de toute preuve démontrant un dysfonctionnement ou une fraude. Certains des cadres du parti républicain se sont désolidarisés de ces propos, Facebook a fermé un groupe en faveur de « l’arrêt du décompte » et Twitter a masqué des contenus du compte présidentiel. De plus en plus isolé, le camp Trump entame malgré tout une série de recours juridiques dans plusieurs États où les candidats rivaux ont moins d’un point d’écart. Dans une partie des cas présentés, les requêtes sont acceptées et un meilleur accès au processus de dépouillement (Pennsylvanie, Michigan, Géorgie) ou un recompte des votes (Wisconsin) sont autorisés. Ces procédures légales ont très peu de chance d’affecter l’issue finale de l’élection, si l’on s’en tient à la jurisprudence nationale, mais elles pourraient retarder une annonce officielle des résultats.

Intimidations

En parallèle de ces bras de fer juridiques, une campagne de désinformation est initiée par le président et ses soutiens dans un climat accusateur. « Les grands médias, les grands donateurs et les grands réseaux sociaux », semblent responsables de cette théorie du complot, estime le président, qui incrimine aussi les démocrates et les « sondages de suppression », « fabriqués pour dissuader nos électeurs de voter, créant l’illusion d’un élan en faveur de M. Biden et empêchant les républicains de lever des fonds ».

Un discours relayé par l’écosystème du président, comme le média Breitbart, des collaborateurs républicains, ou certaines personnalités ultraconservatrices. Vendredi matin, des partisans diffusent en ligne une carte mensongère qui donne le président quasiment gagnant, proche des 270 points nécessaires à une victoire. Sur Twitter, son fils Donald Jr. déclare qu’il y a « infiniment plus de preuves de fraude électorale aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu lors d’une “collusion russe”, mais bizarrement personne dans les médias ne veut en parler », en référence aux accusations pesant contre la campagne de 2016.

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Les partisans pro-Trump se mobilisent également dans la rue où ils relaient ces accusations autour de slogans comme « le vote est fini, le combat continue ». Dans le Michigan et en Pennsylvanie, ils réclament « l’arrêt du décompte » ou « la fin du vol ». En Arizona, où Joe Biden a été déclaré gagnant, des manifestants pour partie armés exigent, aux portes des centres de vote et dans une logique contradictoire, de « compter les votes ».

La multiplication d’offensives – en ligne, dans la rue, ou sur le terrain légal – mensongères et parfois violentes réveille certaines anxiétés. L’atmosphère explosive est marquée par une crise sanitaire inédite, la multiplication d’incidents violents et la vente massive d’armes à feu au cours des derniers mois. Un ensemble qui fait craindre à certains que la bataille ne se déplace sur le terrain physique. Alors lorsque le groupe Facebook « Stop The Steal », qui appelle à « protéger l’intégrité du scrutin sur le terrain », parfois de manière violente, atteint 360 000 membres en une journée, le spectre d’un conflit interne, comme le redoutent certains observateurs, semble plus palpable que jamais.

« Donald Trump est prêt pour la guerre. » Le ton est donné par le média d’extrême droite Breitbart, confirmant le scénario catastrophe que certains analystes craignent depuis des mois. Le président sortant, qui n’en est pas à sa première accusation de fraude, avait averti qu’il n’accepterait pas facilement sa défaite. Et qu’il l’imputerait, le cas échéant, à...

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