Le point de vue de...

Angoisse et quête de sens

Par rapport à tous les penseurs, philosophes, auteurs, je considère que Jean-Paul Sartre, avec ce qu’on appelle l’existentialisme athée, est le témoin le plus éloquent de l’honnêteté intellectuelle.

Quand, à l’âge de 17-18 ans, j’ai lu La Nausée, Le Mûr…, à un âge où j’étais angoissé et dérouté, je me suis dit : c’est la description la plus authentique du monde dépourvu de sens, de foi, d’amour, sans Dieu. Plus tard, le Père Jean Pérouse s.j., en classe de Rhétorique (Première classique) au Collège Notre-Dame de Jamhour, nous expliquait, à travers l’œuvre de Pascal, l’idée centrale de Pascal : misère de l’homme sans Dieu et grandeur de l’homme avec Dieu !

Aujourd’hui c’est ce problème même que des penseurs, philosophes, auteurs et nouveaux scientistes cherchent à éviter avec des notions et termes édulcorés.

Un philosophe écrit sur la « spiritualité sans Dieu ». S’agit-il de spiritualité ou de bien-être psychique ? D’autres parlent et écrivent en abondance sur « l’empathie » qui remplace désormais les notions si riches et profondes d’amour et de charité. Des sociologues et juristes modernes et postmodernes écrivent sur la « solidarité » comme si la solidarité était réductible à la recherche d’un équilibre socio-économique et à une gouvernance rationalisée, et donc sans culture solidaire, sans altruisme, sans sacrifice de la part de tous et de chacun. Un philosophe que j’apprécie fortement crie au cours d’une intervention : « solidarité », en tant que solution miracle à tous les problèmes de notre temps, écologiques, socio-économiques… ! On s’attend à l’organisation de la solidarité avec des lois, au moyen de législations sur la sécurité sociale, la fiscalité, les salaires à l’échelle de la collectivité. Ce sera alors une solidarité sans âme que des profiteurs chercheront avec légalisme à contourner. La loi devient ainsi instrumentale aux dépens de sa fonction normative, c’est-à-dire valorielle.

Les valeurs ? Poser le problème des valeurs, c’est ce qu’on cherche justement – ou plutôt faussement – à éviter. Pourquoi ? Il y a là une dimension morale et religieuse. C’est traditionnel, conventionnel !

Pauvre René Descartes ! Son « Je pense donc je suis » est désormais appréhendé par la neuroscience. Science profonde et utile certes qui permettrait à l’avenir de guérir des maladies d’origine cérébrale. Mais ce n’est pas le je personnel, singulier, ni la conscience qui est le propre de l’homme. Le je pensant de Descartes n’est pas l’aptitude mécanique cérébrale à opérer des liaisons exclusivement mécaniques !

Le je, la conscience, la pensée…, presque tout l’apport de pères fondateurs se trouve ainsi banalisé avec un argumentaire d’une scientificité superficielle, sans horizon, et qui cherche à évacuer du débat toute réflexion morale, valorielle, spirituelle et, osons le dire, religieuse.

Je ne cherche pas à défendre aucun dogme, aucune religion, aucune foi, aucune transcendance… ! Mais, sincèrement, toute cette manière de soi-disant penser est mensonge. Penser, au sens étymologique (pensare), signifie peser. Empathie, solidarité, spiritualité sans Dieu et autres vocables devenus à la mode… est-ce vraiment peser !

La recherche du sens est au cœur de l’homme, le tragique de la condition humaine. C’est pourquoi on voudrait éviter le débat sur la recherche du sens, par confort intellectuel, pour éviter justement – ou plutôt faussement – le débat dans la société du bien-être.

On essaie même de gommer la notion même d’intelligence, avec la notion (ou plutôt slogan) d’intelligence artificielle. Le plus perfectionné des robots – ultra-programmé par l’homme – de l’intelligence dite artificielle (est-ce de l’intelligence ?) peut-il générer l’esprit des cathédrales, des cathédrales, une seule œuvre de Schubert, Chopin, Jean-Sébastien Bach… ?

Paul Valéry, mystique de la pensée, a passé toute sa vie à vouloir sonder le mystère de la pensée, surtout quand il écrit : « Il n’y a pas un art de penser, mais de repenser, de reprendre sa pensée. » L’angoisse existentielle, la quête de sens, est au cœur de toute son œuvre surtout quand il s’écrit dans le Cimetière marin, face à la beauté sublime du paysage et à la soif humaine de vérité et de croyance : « Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change ! »

C’est pourquoi à l’encontre d’épicuriens, agnostiques, athées, matérialistes, sceptiques, sociologues modernes et postmodernes, neuroscientistes, biologistes…, il faut revenir à Jean-Paul Sartre, à l’honnêteté intellectuelle de Jean-Paul Sartre qui nous décrit le monde, dégoûtant, comme il est, quand le regard est dépourvu de sens.

Ce monde dépourvu de sens, sans transcendance, est angoissant. C’est justement là le problème. Pour éviter l’angoisse existentielle, rien de mieux – ou plutôt pire – que la scientificité superficielle propagée par des auteurs, des intellectuels, des penseurs sans balance pour vraiment ré-fléchir, au sens optique, et peser.

Par rapport à tous les penseurs, philosophes, auteurs, je considère que Jean-Paul Sartre, avec ce qu’on appelle l’existentialisme athée, est le témoin le plus éloquent de l’honnêteté intellectuelle. Quand, à l’âge de 17-18 ans, j’ai lu La Nausée, Le Mûr…, à un âge où j’étais angoissé et dérouté, je me suis dit : c’est la description la plus authentique du monde...

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