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Culture - Exposition

Les Lavandes de Stéphanie Bouchedid, plus fortes que l’explosion...

Ce sont une dizaine de délicates encres sur papier qui ont survécu à la destruction de l’appartement-atelier de l’artiste le 4 août dernier. À l’occasion de sa réouverture, The Slow Beirut* les accroche sur ses cimaises. Comme prévu avant le désastre.

Les Lavandes de Stéphanie Bouchedid, plus fortes que l’explosion...

Stéphanie Bouchedid, « The Lavender Edition », encre sur papier crème format A4. Photos DR

« Le 4 août, quand l’explosion s’est produite, j’étais sur la route à quelques encablures du port. Ma voiture a été totalement soufflée et pourtant j’en suis sortie miraculeusement indemne, sans la moindre blessure », raconte Stéphanie Bouchedid, encore stupéfaite de la chance qu’elle a eue. D’autant que de retour chez elle, dans son appartement-atelier, entièrement dévasté de la rue d’Arménie, elle retrouve, intacte sous les gravats, sa petite série de dessins de lavandes qu’elle venait juste de terminer en vue d’une exposition prévue pour la mi-août à The Slow Beirut à Mar Mikhaël. « J’ai senti que, quelque part, j’étais vraiment protégée. Car, parmi tout ce qui se trouvait chez moi, ces encres sur papier ainsi que des peintures de nus masculins que j’avais produites précédemment étaient ce à quoi je tenais le plus », confie-t-elle.

Pour cette jeune femme de 29 ans qui revendique une approche de la vie nimbée de spiritualité, cette protection divine, qu’elle préfère designer par « force d’amour », lui a donné un élan renouvelé. Une foi et un espoir dans la vie, qu’elle a aussitôt eu envie d’exprimer artistiquement. « Très vite, je me suis remise au dessin. Et j’ai ainsi complété ma série de lavandes. »

Contrer le drame…

Quand l’architecte Sari Kassouf, propriétaire de The Slow Beirut, lui annonce la réouverture, après réparations, de son café-galerie, c’est une Lavender Edition renouvelée qu’elle lui propose dès lors d’exposer. Un acte de « double résistance », dit-elle (On pourrait parler de résilience même si ce terme est désormais rejeté par beaucoup de Libanais). « Parce que, d’une part, en rouvrant, en exposant, en reprenant le cours des choses, on défie les forces de destruction. Et, d’autre part, parce qu’en ne reproduisant pas dans mes œuvres l’explosion, je marque mon refus que ce drame, qui a envahi mon quotidien, prenne aussi possession de mon imaginaire », affirme avec ferveur la jeune artiste. Avant de préciser : « Je voulais transformer cette douleur en quelque chose d’un peu plus léger, qui touche l’âme de manière plus poétique et qui diffuse quelque chose de l’ordre de la joie. »

Et c’est vrai qu’il se dégage comme un élan apaisant de ces délicats brins de lavande monochromes tracés d’un geste spontané, quasi automatique, à l’encre sur papier crème qui forment la petite série de The Lavender Edition. Quelque chose qui fait penser à un mouvement gracieux, comme une danse, un déploiement en apesanteur de ces tiges aux petits bulbes, qui évoquent l’idée que ces fleurs à l’apparence si gracile, s’envolent ou se cambrent mais ne se brisent pas…

Stéphanie Bouchedid refuse que l’explosion du port de beyrouth, qui a bouleversé son quotidien, prenne aussi possession de son imaginaire. Photo DR

Chagall dans la tête

Un art assurément réparateur que Stéphanie Bouchedid voudrait virevoltant comme ces personnages de Chagall qui dansent dans sa tête. « Si on ouvre mon cerveau, je crois qu’on y trouvera cet artiste », avance, dans une pirouette, cette touche-à-tout. Une curieuse de toutes les formes d’art qui, après une formation en Studio Arts à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), a suivi un an de littérature comparée à la Sorbonne avant de se diriger vers des études de cinéma et littérature à l’Université américaine de Paris (AUP). Un cursus interrompu en 2020 qu’elle compte reprendre l’année prochaine. Entre-temps, la jeune femme fourbit ses armes de « comédienne, peintre, poète et réalisatrice de courts métrages expérimentaux ». Outre « un recueil de poèmes en préparation », elle vient de cosigner avec Aneek Chaudhuri, un réalisateur indien, The Symphony of Pansies (La symphonie des pensées). « Le récit de la mort d’un chef d’orchestre qui entraîne le silence de ses instruments dont nous avons filmé les scènes durant le confinement, chacun de son côté. Un petit film silencieux qui est actuellement en postproduction, ses droits ayant été achetés par The Margarett Harrick Oscars Library et le British Council », indique la jeune artiste. Avant de conclure : « Je dessine, je réalise, j’écris toujours à partir de la vie. Je regarde autour de moi, j’observe et je traduis ensuite ce que je vois à partir de mon inconscient de manière toujours un peu poétique et abstraite. »

*The Lavender Edition au Slow Beirut, Mar Mikhaël, jusqu’au 8 novembre.

« Le 4 août, quand l’explosion s’est produite, j’étais sur la route à quelques encablures du port. Ma voiture a été totalement soufflée et pourtant j’en suis sortie miraculeusement indemne, sans la moindre blessure », raconte Stéphanie Bouchedid, encore stupéfaite de la chance qu’elle a eue. D’autant que de retour chez elle, dans son appartement-atelier,...

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