Autant le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, s’est félicité du changement qualitatif induit selon lui par le soulèvement populaire du 17 octobre 2019, autant il a conspué la classe politique lui faisant assumer la responsabilité de la situation lamentable dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays.
C’est une homélie dominicale au ton singulier que le chef de l’Église maronite a prononcée hier à Bkerké, reprenant à son compte l’idée d’une responsabilité collective des dirigeants politiques en encourageant les protestataires à aller de l’avant dans leur mouvement, mais en se dotant d’un objectif, d’un programme et d’un commandement. « Un an après le soulèvement populaire, nous constatons avec une peine immense que la classe politique ignore toujours, voire méprise les revendications des manifestants et du peuple. Rien ne l’émeut : ni la révolution, ni l’explosion au port, ni la destruction de la capitale, ni l’effondrement économique et financier, ni la pandémie, ni la pauvreté, ni la mort d’innocents », a-t-il martelé d’emblée, en reprochant vivement aux dirigeants libanais de « n’avoir pas formé de gouvernement, réalisé des réformes et engagé des négociations sérieuses avec les institutions financières internationales ». Selon lui, les responsables libanais « n’ont plus aucune honte ». « Ils ont perdu le respect du peuple et de la communauté internationale », a-t-il poursuivi, en accusant « ceux qui tiennent les rênes du pouvoir d’avoir neutralisé l’État en tant qu’entité institutionnelle au service du peuple ». « Personne n’est innocent du sang du Liban qui coule. La responsabilité est collective, les comptes qui doivent être rendus aussi. Responsables et politiques, qui d’entre vous est-il habilité à s’offrir le luxe de retarder les consultations parlementaires et la formation du cabinet ? Qui d’entre vous a-t-il la prérogative de manipuler la Constitution, le pacte national, l’accord de Taëf, le système, la vie de la nation et du peuple ? Libérez le gouvernement. Vous êtes responsables d’un crime, celui de placer le pays dans un état de paralysie totale, en plus des conséquences de la pandémie du coronavirus », a lancé Mgr Raï.
« Une occasion de changement »
S’adressant ensuite aux contestataires, non seulement il leur a rendu un vibrant hommage, mais les a encouragés à poursuivre leur mouvement, en insistant sur le fait que le soulèvement populaire a réussi à plus d’un niveau. « La thaoura a réussi à opérer un changement au niveau de la personnalité libanaise, à donner un nouveau souffle au peuple et à le mobiliser en faveur de l’édification d’un État libre, fort et moderne. Elle a réussi à unifier une génération de Libanais de multiples appartenances communautaires, culturelles et partisanes, à consolider le concept pacifique du changement. (…) Nous continuons de scruter la thaoura avec espoir. Nous voulons une thaoura renouvelée, éthique, indépendante et non affiliée à qui que ce soit, a souligné le patriarche. Nous voulons une révolution unitaire définissant des objectifs libanais avec audace et clarté, qui porte un programme social et national constructif, sans que les contestataires ne se disputent entre eux au sujet de leurs revendications. Nous voulons une révolution qui réémerge avec un nouveau leadership soudé, qui représente le peuple et qui soit l’interlocuteur de l’État et de la communauté internationale. » « Une révolution n’en est pas une sans objectif, sans programme et sans commandement. Ce serait un crime que le Liban perde sa révolution magnifique. La thaoura représente une occasion de changement à travers la démocratie, le patrimoine et les valeurs. Jeunes hommes et jeunes filles du Liban, lancez-vous vers le changement. Vous êtes l’avenir du Liban et c’est de vous que votre ami (le pape) Jean-Paul II parlait lorsqu’il vous a décrit comme étant la force renouvelée du Liban. Nous sommes avec vous », a-t-il martelé en conclusion.
commentaires (8)
Si le Pape reste infaillible, le Patriarche Maronite ne l'est pas . La révolutiin n'a pas réussi .
Chucri Abboud
14 h 29, le 19 octobre 2020