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Lifestyle - Rencontre

« La seule maladie que je souhaite contagieuse, c’est la joie »

Alors que Noha Baz sort son nouveau livre, « La grenade, dix façons de la préparer », aux éditions de l’Épure, celle qui semble mener plusieurs vies à la fois partage avec bonne humeur et générosité son engagement de pédiatre, de gastronome et d’écrivain, tout en œuvrant pour l’association qu’elle a fondée, Les Petits Soleils, qui assure une aide médicale aux enfants défavorisés au Liban.

« La seule maladie que je souhaite contagieuse, c’est la joie »

Noha Baz, action et optimisme. Photo DR

C’est en 2009 que Noha Baz entame un cursus de hautes études du goût et de la gastronomie, à l’université de Reims. Pour obtenir le diplôme final, il faut rédiger une thèse, et la pédiatre choisit un sujet cohérent avec ses consultations quotidiennes : la transmission du goût aux enfants. « Cet aspect est essentiel dans mes échanges avec les parents. Un enfant qui mange devant la télévision un poisson carré avec des légumes en boîte, ce n’est pas ma définition de la bonne nutrition. Très tôt, on peut l’emmener au marché, pour toucher ou sentir les légumes, et cette éducation est un moyen simple de lutter contre l’obésité et toutes les maladies métaboliques. Lorsque mon jury de thèse m’a incitée à publier ma thèse, je l’ai retravaillée, et c’est devenu Un petit soleil dans votre cuisine (2014), dont les droits d’auteur, comme ceux de mes ouvrages ultérieurs, ont été reversés à l’association Les Petits Soleils, que j’ai fondée il y a 23 ans. Lorsque j’ai vu que l’argent récolté avait permis d’appareiller deux enfants sourds de naissance, j’ai eu envie de continuer à écrire des livres », précise celle qui publie ensuite La recette d’où je viens (L’Orient des livres, 2016), qui obtient le prix des écrivains gastronomes.

Régulièrement, l’auteure, qui contribue à L’Orient littéraire, envisage l’écriture sous l’angle de la gastronomie. Dans ce cadre, elle a fondé le prix Zyriab, qui récompense chaque année un ouvrage gastronomique francophone, et considère la cuisine comme fondatrice d’une histoire personnelle et collective. « Les livres que nous sélectionnons ne sont pas uniquement composés de recettes, ils racontent une belle histoire de transmission ; ce qui m’intéresse, c’est d’envisager la nourriture comme le témoignage de l’histoire d’un pays. Prenez par exemple les kaak al-abbas, très populaires dans le sud du Liban : ils datent de l’époque ottomane et étaient confectionnés pour la Achoura. Ils reprennent le nom d’un moutassarif qui était très apprécié dans la région. Dans le Keserwan, ces gâteaux sont appelés kaak el-eid, et il y a 45 façons de les préparer, avec du mahlab à Ehden, avec du debs à Jbeil : l’essentiel est que la table est une fête, elle permet de réunir et de partager. Et en ce moment, en cette période de crise, il faut vraiment privilégier le bon et le beau, ils nous font du bien », ajoute l’auteure avec conviction.

La pistache, le zaatar, la grenade et leurs déclinaisons gustatives

La nuit de la pistache, qui paraît en 2018, reçoit le Gourmand World Cookbook en 2019. Il est traduit en anglais et en arabe, et en juin 2020, il fait partie des meilleurs livres gastronomiques de ces 25 dernières années, d’où son exposition au musée Alfred Nobel de Stockholm à partir de la fin octobre.

C’est ensuite Albin Michel qui propose à l’écrivain de relater son parcours, ce qu’elle fait dans Il n’y pas de honte à préférer le bonheur (Albin Michel, 2019), présenté sous la forme d’un abécédaire.

Pour mémoire

Noha Baz préfère le bonheur et en donne les recettes

Le zaatar, 10 façons de le préparer (L’Épure, 2019) permet entre autres à un certain nombre de grands chefs de découvrir cet ingrédient et ses multiples visages. « Certains pensaient qu’il s’agissait d’une épice, d’autres le réduisaient à du thym. Or c’est un assemblage, et donc plutôt un condiment, fait de sésame, de sumac et d’origan orientalis, séché et moulu, auquel on ajoute ou non du sel. Mon père y ajoutait des pistaches écalées, des cacahuètes, des graines de tournesol ou de courge, selon son humeur. Au Liban, il y a plusieurs variétés de zaatar », poursuit-elle. « Du côté du Chouf, vous allez trouver un zaatar de montagne, où les feuilles sont plus grandes et où on y mélange des pignons noirs, conservés avec un peu d’huile d’olive. Il est différent de celui de la Békaa, qui est plus sec et symbolise notre patrimoine culturel, que nous pouvons emmener partout avec nous », explique celle qui s’intéresse à la grenade dans son nouvel ouvrage. « Ce fruit est très intéressant sur un plan nutritionnel. Il est riche en antioxydants, il booste le système immunitaire, le système vasculaire et les qualités cognitives. Il contient un groupe de vitamines rarement associées : la C, la B et la E. La grenade a une action antivieillissante, c’est aussi un anti-inflammatoire naturel et un bon préventif du cancer de la prostate. Elle permet d’agrémenter un certain nombre de mets, comme le khchef el-remmen : il s’agit de grenade égrenée, à laquelle on rajoute un peu d’eau de rose, de la vanille et des pignons. Il n’y a rien de plus frais ! Le riz rose à la grenade, que j’accompagne souvent d’un curry de légumes, est le préféré des enfants. Sans parler du poulet laqué au debs remmen ou de la kebbé remméniyé, très populaire dans le sud du Liban, où on ajoute des grenades dans la farce, avec les pignons, la viande d’agneau et les oignons. Et bien sûr, la snéniyyé, que l’on prépare pour la première dent d’un bébé et que l’on décore avec de la grenade et d’autres éléments : c’est un moyen d’inviter l’enfant à mordre la vie à pleines dents », ajoute l’auteure, dont les recettes sont précédées de textes poétiques. Pour l’illustration de la première de couverture, Noha Baz a fait appel à une jeune graphiste libanaise installée à Aix-en-Provence, Mira Mortada.


Le dernier ouvrage de Noha Baz : « La grenade, 10 façons de la préparer ».


Lire en Méditerranée : le Liban, pays à l’honneur

Noha Baz a présenté La grenade, 10 façons de la préparer lors des deux journées de l’événement Lire en Méditerranée, à Perpignan, auquel elle a participé les 2 et 3 octobre. Le vendredi était consacré au Liban. Différentes tables rondes ont été organisées sur les thèmes « La tragédie de Beyrouth » et « Le Liban en livres ». Plusieurs auteurs et personnalités libanais étaient présentes, dont Wissam Zaarour, maire de Byblos, Alexandre Najjar, Hind Darwish, François Boustani, Carole Ziadé Ajami… Le lendemain, fut remis le prix Méditerranée 2020 ; l’événement était organisé par le CML (Centre méditerranéen de littérature) et vivement soutenu par l’adjoint au maire délégué à la culture, André Bonet.

Tout en préparant sa participation à cet événement, Noha Baz pensait déjà au prochain prix Zyriab, qui aura lieu l’année prochaine au Liban et qui englobera les années 2020 et 2021 : les participants sont déjà nombreux. Quand on lui demande quelle est la source de sa bonne humeur inébranlable, l’auteure n’est pas surprise : la question est récurrente. « Je crois que je suis née comme ça, et puis en frôlant le malheur, en voyant des faits horribles, j’ai choisi le bonheur. J’insiste sur le fait que c’est un choix : dans le discours de Macron de l’autre jour, j’ai choisi par exemple de retenir la phrase “le Liban est un pays extraordinaire” ! Et puis je préfère être dans l’action, c’est plus porteur. Avant-hier, j’ai vu une petite fille asthmatique qui a besoin d’un nébuliseur. Or son coût équivaut à deux ans de salaire de son père. Alors j’agis, j’ai déjà fait huit allers-retours entre Paris et Beyrouth depuis le 4 août, et je transporte avec moi plus d’une centaine de kilos de médicaments, de lait... » Noha Baz, qui dit aimer les belles histoires, trouve que « le monde d’aujourd’hui manque terriblement de joie ». « La seule maladie que je souhaite contagieuse, c’est la joie », conclut-elle de sa voix chantante, qui refuse de céder aux sirènes du découragement.

C’est en 2009 que Noha Baz entame un cursus de hautes études du goût et de la gastronomie, à l’université de Reims. Pour obtenir le diplôme final, il faut rédiger une thèse, et la pédiatre choisit un sujet cohérent avec ses consultations quotidiennes : la transmission du goût aux enfants. « Cet aspect est essentiel dans mes échanges avec les parents. Un enfant qui mange...

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Bravo Noha ! Tu es formidable.

Brunet Odile

08 h 39, le 06 octobre 2020

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Commentaires (1)

  • Bravo Noha ! Tu es formidable.

    Brunet Odile

    08 h 39, le 06 octobre 2020

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