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Sport - Interview

Lance Armstrong : Dans la vie, il faut rebondir face aux épreuves

Le célèbre cycliste américain était à Beyrouth pendant le week-end afin de lever des fonds en soutien à quatre ONG libanaises – Beit el-Baraka, Heart Beat, Offre-Joie et la Croix-Rouge libanaise –, dans le cadre de l’initiative « Bike for Beirut ». Il s’est gracieusement prêté au jeu des questions-réponses.

Lance Armstrong : Dans la vie, il faut rebondir face aux épreuves

Lance Armstrong et Tom Barrack au port de Beyrouth, samedi, devant les silos à grains démolis par l’explosion du 4 août. Photo fournie par Bouchra Boustany

À l’initiative de l’homme d’affaires américain d’origine libanaise Tom Barrack et en collaboration avec les Libanais Ziad Ghandour et Maxime Chaya – ce dernier n’étant plus à présenter –, le célèbre cycliste américain Lance Armstrong était pendant le week-end écoulé à Beyrouth afin de lever des fonds pour aider à la reconstruction et à la réhabilitation de la capitale du pays du Cèdre, dans le cadre d’une initiative baptisée « Bike for Beirut ».L’événement cycliste, qui a eu lieu hier dimanche dans les rues de Beyrouth, visait à soutenir quatre ONG parmi les nombreuses qui œuvrent à relever la capitale de ses cendres : Beit el-Baraka, Heart Beat, Offre-Joie et la Croix-Rouge libanaise. Le peloton, dont les participants ont tous fait une donation en soutien à ces quatre associations caritatives, a démarré à 15h du hangar n° 12 du port de Beyrouth – site de l’explosion dévastatrice du 4 août dernier – pour ensuite rouler dans les rues de la ville, avant une brève visite aux locaux des quatre ONG précitées et ensuite retourner au port aux environs de 18h. En ces temps de pandémie du coronavirus, les mesures de protection ont été strictement appliquées pour éviter sa propagation, alors que le Liban connaît une recrudescence des cas de contamination.

La veille, samedi, lors d’une rencontre avec les médias organisée à l’hôtel Albergo, rue Abdel Wahab el-Inglizi à Achrafieh (secteur Sodeco), L’Orient-Le Jour a eu l’occasion d’interviewer en tête-à-tête – mesures de protection sanitaires obligent – Lance Armstrong (qui a créé et préside plusieurs fondations et associations caritatives) et Tom Barrack. Les deux hommes se sont montrés d’un abord agréable, répondant à nos questions sans détour.

Lance Armstrong, vous êtes très versé dans les aides caritatives à travers vos diverses fondations et associations humanitaires. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au Liban particulièrement ?

C’est cet homme, c’est lui, répond Lance Armstrong en tournant le regard vers Tom Barrack. Il m’a proposé de venir ici et j’ai dit : oui, allons-y, sans hésiter.

Lance Armstrong est né Lance Edward Gunderson, le 18 septembre 1971, au Texas. Considéré comme une icône du cyclisme pour ses sept victoires consécutives au Tour de France (de 1999 à 2005 incluses), sa réputation fut par la suite entachée par un scandale de dopage. Toutefois, il s’est reconverti avec bonheur dans les œuvres caritatives. Photo Michel Sayegh

Mais connaissiez-vous le Liban avant, en aviez-vous déjà entendu parler ?

Comme tout le monde après les explosions au port de Beyrouth, dit Lance Armstrong. La nouvelle a fait le tour de la planète. J’ai trouvé l’idée de Tom stimulante, surtout qu’il s’agit de cyclisme. Cela m’a paru couler de source. Je suis toujours partant pour un tour à bicyclette, surtout si en plus cela permet d’aider les gens.

Intervenant pour sa part, Tom Barrack a dit être fier de ses racines libanaises – son père est originaire de Zahlé et sa mère de Broummana. La diaspora libanaise dans le monde est très attachée à ses racines et après les explosions au port, elle a voulu aider le Liban. Et c’est ce que nous nous sommes promis de faire avec l’aide de Lance, dont le nom est reconnu. Aujourd’hui matin (samedi), nous avons fait une tournée dans Beyrouth. Les dégâts sont tout simplement impressionnants. Inimaginables. Le monde doit savoir ce qui s’est passé ici, connaître l’ampleur de la dévastation.

Vous avez choisi d’aider quatre ONG libanaises, pourquoi celles-ci en particulier ?

Prenant la parole en premier, Tom Barrack assure que bien que la diaspora libanaise veuille aider son pays d’origine, elle ne veut pas toutefois se mouiller avec un gouvernement corrompu et honni. Le choix des ONG s’est alors imposé comme une évidence, reprend Lance Armstrong. Beit el-Baraka, Heart Beat, Offre-Joie et la Croix-Rouge libanaise offraient toutes les garanties de transparence et de bonne gestion. C’est pour cela que nous les avons sélectionnées, pour leur efficacité. Elles nous ont mis en confiance et nous sommes sûrs que les fonds seront utilisés à bon escient.

Lance Armstrong, y a-t-il une activité humanitaire qui vous tienne à cœur plus que toutes les autres ?

Évidemment, mon expérience avec le cancer (Lance Armstrong a vaincu en 1996-1997 un cancer des testicules qui s’était propagé au reste de ses organes, dont le cerveau) m’a rendu extrêmement sensible envers tout ce qui concerne cette maladie. Avec ma fondation Livestrong – anciennement Fondation Lance Armstrong – nous soutenons diverses petites associations caritatives de l’État du Colorado qui viennent en aide aux enfants malades du cancer, en organisant des camps de vacances d’été pour eux et leur fratrie. Oui, s’il y a une seule et unique action qui me tienne à cœur, c’est bien celle-ci.

Votre nom est désormais associé au dopage. Cela représente-t-il un handicap pour vos activités humanitaires et caritatives ? Recevez-vous tous les soutiens que vous souhaitez ?

Le temps a tendance à tout guérir, à faire oublier certaines choses. Et puis, l’histoire est ce qu’elle est. On n’y peut rien changer. Aussi malheureux que cela ait pu être pour toute ma génération, dans ma vie, j’ai choisi d’aller de l’avant. J’aurais pu rester chez moi, m’isoler et déprimer, mais au final, le plus important est que vous dessiniez une ligne rouge et que vous progressiez à partir de là. Et tout en rebondissant et allant de l’avant, si vous pouvez aider et soutenir les gens nécessiteux, alors c’est magnifique !

Dans une interview accordée en 2015 à la BBC News, vous aviez déclaré concernant le dopage : « Si nous étions encore en 1995, j’aurais probablement refait la même chose. » Aujourd’hui, le pensez-vous toujours ?

En réalité, la question de la BBC était : changeriez-vous quelque chose (dans vos actes) ? Répondre à cela est compliqué. Car si j’avais dit « non », les gens auraient interprété ma réflexion comme si je n’avais rien appris de cet épisode malheureux. La vraie réponse est que ces événements qui ont mené à ma déchéance, ce sont eux qui m’ont créé, qui ont fait de moi ce que je suis maintenant. Alors que j’ai commis des erreurs, qu’elles étaient effectivement regrettables… Vous savez, je suis aujourd’hui à Beyrouth avec Tom, au sein d’une famille et avec des amis merveilleux, à faire un travail merveilleux… Tous ces événements, les bons et les moins bons, ont façonné mon histoire. Et ce matin, en me réveillant à Beyrouth, j’ai pensé : je ne changerais pas un iota. Vous ne pouvez pas revenir en arrière et dire : OK, je change ça, je garde ça, etc. L’histoire est un tout indissociable, chaque événement aide à la façonner. J’ai dû faire amende honorable, essayer de me réconcilier avec les gens, avec la société, reconstruire mes relations, mais ça ne change pas l’histoire, mon histoire. Ça aurait pu être différent, j’aurais pu me réveiller ce matin au Texas, dans la ville où j’ai grandi, en homme brisé, anéanti, mais au lieu de cela, je me suis réveillé ici, à Beyrouth. Et je ne changerai cela pour rien au monde. C’est pour tout ça que la réponse à votre question est compliquée.

Tom Barrack (à gauche) et Lance Armstrong (au centre) répondant aux questions de « L’Orient-Le Jour ». Photo Michel Sayegh

Auriez-vous un message à passer aux jeunes générations de sportifs ?

Je pense qu’en des temps comme ceux que nous traversons depuis ces deux derniers mois et même avant, les 10 à 100 ou 500 dernières années, plus je découvre ce beau pays qu’est le Liban, moi en tant que personne et athlète, et vous les Libanais, plus j’estime que nous sommes constamment éprouvés par la vie. Votre histoire est une série de tests. Personnellement, je ne peux imaginer la vie sans être éprouvé. La question importante est comment se sortir au mieux de ce test. Pour revenir sur ma propre expérience, en retournant huit ans en arrière, j’avais deux choix : me recroqueviller sur moi-même ou rebondir et aller de l’avant. Et, pour moi, me renfermer n’a jamais été une option. Je savais que je devais jouer profil bas, que je serais mis au ban, mais j’ai toujours su qu’un jour je reviendrais et que je m’intégrerais à nouveau, que ce soit en faisant du business, en promouvant des œuvres charitables ou même en faisant un come-back dans le sport.

Ce que je vais dire n’a pas de lien direct avec votre question, mais j’ai cinq enfants d’âges divers. Ils m’ont observé après ma déchéance, se disant : voyons comment il va réagir. Et j’étais conscient qu’ils m’observaient. En tant que père, je ne pouvais pas les décevoir en baissant les bras. Je n’ai jamais été un homme qui baisse les bras. Ma mère m’a eu alors qu’elle n’avait que 17 ans, je n’ai jamais connu mon père. Aussi, j’étais un battant dès le premier jour. Toutefois, le combat, qui semble être une excellente idée à la base, vous pouvez l’emmener un peu trop loin, plus loin que raisonnable. Ce que j’ai également fait.

Néanmoins, notre tournée de ce matin dans Beyrouth dévasté et demain, l’événement « Bike for Beirut »… je me souviendrai de tout cela. Il y a dix ans, quand j’étais de manière controversée un des plus grands athlètes du monde, je ne m’en serai pas souvenu. Car la vie allait trop vite, elle était trop grande. Mais finalement, tout cela a été un merveilleux cadeau pour moi. Je suis passé par la controverse et la mise au ban, mais au moins je me souviendrai de tout.

À l’initiative de l’homme d’affaires américain d’origine libanaise Tom Barrack et en collaboration avec les Libanais Ziad Ghandour et Maxime Chaya – ce dernier n’étant plus à présenter –, le célèbre cycliste américain Lance Armstrong était pendant le week-end écoulé à Beyrouth afin de lever des fonds pour aider à la reconstruction et à la réhabilitation de la capitale...

commentaires (1)

C'est un bon interview car au moins on demande la question evidente en concernant le dopage.

Stes David

20 h 41, le 05 octobre 2020

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Commentaires (1)

  • C'est un bon interview car au moins on demande la question evidente en concernant le dopage.

    Stes David

    20 h 41, le 05 octobre 2020

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