La présidence de la République et les milieux du tandem chiite se sont employés ces dernières 48 heures à assurer que les sanctions américaines infligées mardi à Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil, respectivement ex-ministres des Travaux publics et des Finances, n’auront pas de retombées négatives sur la formation du nouveau gouvernement.
En réalité, la situation serait bien plus compliquée. La décision américaine semble en effet avoir envenimé les tractations en cours à la faveur de l’initiative française parrainée par le président Emmanuel Macron. C’est donc en quête d’une certaine souplesse à même de faciliter la mise sur pied du cabinet que le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, s’est rendu à Paris hier. Deux jours après l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions américaines, le général Ibrahim aurait rencontré les personnalités françaises concernées par le dossier libanais, notamment Bernard Emié, chef de la Direction générale de la sécurité extérieure (service des renseignements extérieurs français). Une source informée contactée par L’Orient-Le Jour croit savoir que le général Ibrahim a naturellement évoqué la formation du prochain gouvernement, plaidant pour « une certaine souplesse » française sur ce plan.
À l’instar du Premier ministre désigné, Moustapha Adib, la France serait attachée à la mise en place d’un cabinet restreint regroupant des spécialistes indépendants des protagonistes politiques. Une position à laquelle s’opposent le tandem Amal-Hezbollah mais aussi la présidence de la République. Dans ces milieux, on préfère que la future équipe soit techno-politique, c’est-à-dire mêlant spécialistes et politiques. C’est d’ailleurs cette position que traduit la bataille acharnée que mène le mouvement Amal pour conserver le ministère des Finances, contre la volonté de M. Adib. Ce dernier prône le principe de la rotation des portefeuilles entre les communautés religieuses. Une façon pour lui de faire barrage aux tentatives de certains partis de garder entre leurs mains des portefeuilles juteux.
La source précitée confie qu’au vu de la stagnation du processus gouvernemental, le directeur de la Sûreté générale aurait plaidé pour un éventuel élargissement du gouvernement. Il comprendrait ainsi vingt ministres au lieu de quatorze pour satisfaire les demandes du Hezbollah et Amal, souligne-t-elle, sans donner de détails sur les débats portant sur la rotation, à laquelle s’oppose le tandem chiite.
Baabda attend Adib
Le déplacement de Abbas Ibrahim à Paris intervient à l’heure où le binôme chiite évite d’émettre des signes négatifs en direction de la communauté internationale, notamment la France qui insiste pour impliquer l’aile politique du Hezbollah dans le processus de redressement du pays. Selon notre correspondant politique Mounir Rabih, le déplacement de M. Ibrahim à Paris serait motivé par la volonté du Hezbollah de s’enquérir d’une éventuelle coordination franco-américaine concernant les sanctions. D’autant qu’une source proche de l’Élysée, citée en soirée par la chaîne panarabe al-Hadath, n’a pas exclu la possibilité pour Paris d’imposer des sanctions contre des personnalités politiques libanaises, notamment dans les rangs des alliés du Hezbollah. Celui-ci pourrait donc, selon les résultats de la visite de M. Ibrahim, faciliter la tâche à Moustapha Adib ou, au contraire, la lui compliquer, indique Mounir Rabih. Selon lui, si les Français n’œuvrent pas en coordination avec Washington concernant les sanctions, ils devraient faciliter la formation du cabinet et donc accepter la demande du tandem chiite de garder le portefeuille des Finances.
L’attachement à ce portefeuille, les milieux de Aïn el-Tiné le confirment, tout en confiant que c’est à partir d’aujourd’hui que les résultats de la visite de M. Ibrahim – émissaire du chef de l’État, selon une source du mouvement Amal – devraient se faire sentir sur la scène locale. De son côté, Baabda dément les informations selon lesquelles le président Aoun a dépêché M. Ibrahim à Paris. Un proche de la présidence indique, en outre, que ce dernier a tenu le chef de l’État informé de sa visite.
Concernant le cabinet, le palais présidentiel attend toujours la visite de Moustapha Adib qui devrait être muni d’une première mouture de son équipe avant la fin de la semaine. Selon notre correspondante Hoda Chédid, le Premier ministre désigné menace sérieusement de jeter l’éponge s’il ne parvient pas à former son cabinet avant l’expiration, mardi, du délai fixé par Emmanuel Macron, laissant entendre que ce délai pourrait être prolongé sous pression française pour permettre à M. Adib d’entrer en contact avec les protagonistes politiques en vue de former son équipe. Des informations que Baabda ne confirme pas, excluant tout retrait de M. Adib.
commentaires (13)
Potence ou guillotine, laissons-leur le choix... Mais assurément se débarrasser de tous ceux et celles qui ont mené le Liban à sa ruine... Le perchoir cité dans un commentaire précédent, me fait penser à La fable de La Fontaine... le fromage tarde à tomber, tant le corbeau le tient ferme... vivement le renard!!!
Christian Samman
18 h 09, le 11 septembre 2020