Par leurs réactions comme, parfois, par leur silence embarrassé ou prudent, les forces politiques libanaises, plus particulièrement celles du 8 Mars, ont montré hier l’étendue de l’impact sur la scène libanaise des sanctions américaines, annoncées la veille, contre deux anciens ministres, Ali Hassan Khalil, du mouvement Amal, et Youssef Fenianos, des Marada, accusés par Washington d’avoir aidé le Hezbollah, une organisation considérée comme « terroriste » par les États-Unis. Autant le mouvement Amal, dirigé par le président de la Chambre Nabih Berry, que le courant des Marada, dirigé par Sleiman Frangié, ont dénoncé les sanctions décidées par le Trésor américain. Et, sur un plan officiel, le président de la République Michel Aoun a demandé hier au ministre des Affaires étrangères d’effectuer des contacts nécessaires avec l’ambassade des États-Unis à Beyrouth et l’ambassade du Liban à Washington afin de s’informer des circonstances qui sous-tendent la décision du Trésor américain. La réaction la plus virulente a été formulée par le mouvement Amal, à l’issue d’une réunion urgente tenue en matinée. Les sanctions contre Ali Hassan Khalil « ne visent pas seulement une personne qui a travaillé de manière temporaire comme ministre, a affirmé le parti de Nabih Berry à l’issue de cette réunion. Il s’agit en réalité d’une façon de cibler le Liban et sa souveraineté ». Le mouvement Amal a estimé être également visé par ces sanctions, alors qu’il représente une « ligne de défense du Liban, de son unité et de son arabité ».
Le mouvement a toutefois souligné que cette décision américaine « n’impactera absolument pas ses convictions ni ses valeurs nationales ». La formation chiite a encore critiqué « le timing » choisi pour ces sanctions, alors que les responsables sont en pleines tractations pour former un gouvernement. « Vous vous trompez de cible, de timing et de lieu. Mais nous avons reçu le message », ajoute le texte.
Amal évoque par ailleurs dans son communiqué la question de la délimitation des frontières terrestres et maritimes avec Israël, sur fond de litige autour de l’exploitation de ressources en hydrocarbures. « Nous réclamons l’intégralité de nos droits et nos frontières terrestres et maritimes et nous ne ferons aucun compromis, malgré toutes les sanctions et les pressions, d’où qu’elles viennent. Et par souci de vérité, l’accord sur la délimitation de la frontière maritime au Liban-Sud a été achevé avec les États-Unis, qui l’ont validé en date du 9 juillet 2020, mais qui refusent jusqu’à présent de le dévoiler, sans aucune excuse valable », conclut le communiqué.
Une décision « politique »
« La décision prise par le Trésor américain contre (l’ancien) ministre Youssef Fenianos est politique et vise à punir ce dernier pour ses prises de position et ses convictions », a de son côté affirmé M. Frangié, leader chrétien de Zghorta, dans un communiqué publié hier dans l’après-midi. « En tant que mouvement Marada, nous n’avons jamais eu honte de nos prises de position, au contraire, nous en sommes fiers car nous croyons en notre terre, notre souveraineté et notre identité. C’est pourquoi nous considérons la décision américaine comme étant politique, ce qui nous renforce dans notre voie », a conclu Sleiman Frangié.
Pour sa part, le Hezbollah a considéré que « cette décision injuste est une médaille d’honneur pour les deux chers amis et pour tous ceux que l’administration américaine accuse d’être des résistants ou de soutenir la résistance ». Dans un communiqué, le parti chiite assure que « cette politique de sanctions américaines ne pourra pas atteindre ses objectifs au Liban et ne pourra contraindre les Libanais à renoncer à leurs droits nationaux souverains ». « Au contraire, elle augmentera leur attachement à leur libre décision, à leur dignité nationale et à leur pleine souveraineté », conclut le Hezbollah.
Et la cohésion nationale ?
Selon l’ancien ministre Ghassan Atallah (Courant patriotique libre), « c’est à ce genre de pressions qu’il faut s’attendre à l’encontre de tous ceux qui sont proches de l’axe (de la résistance) ou qui refusent de négocier avec les États-Unis ». Interrogé sur ce point par L’OLJ, il relie ces sanctions également à l’élection présidentielle américaine prochaine, et au besoin du président Donald Trump « de réalisations dans la région, à l’instar de l’accord de paix entre les Émirats arabes unis et Israël, ou encore le dossier de la délimitation des frontières maritimes avec le Liban ». Or ce dossier se trouve justement entre les mains de M. Berry… « Effectivement, tout le monde sait quelle est la signification de viser Ali Hassan Khalil spécifiquement », dit M. Atallah.
Comment a-t-on accueilli la nouvelle au sein du CPL, sachant que des informations qui circulent dans la presse faisaient état de la possibilité de sanctions à l’encontre de personnalités de ce parti ? « À mon avis, ces sanctions vont actuellement vers une direction, celle de la délimitation des frontières maritimes avec Israël, d’où le fait que le président du Parlement ait été particulièrement visé, répond l’ancien ministre. Mais il n’empêche que toute personnalité considérée comme faisant partie de l’axe (de la résistance) pourrait être visée à tout moment. »
M. Atallah déplore, à ce niveau, le manque de cohésion nationale, et souligne que « de telles ingérences dans les affaires internes sont dans tous les cas inacceptables d’un point de vue de la souveraineté libanaise ». Il s’est dit désolé que « certains se réjouissent des sanctions imposées à des personnalités libanaises », soulignant « la nécessité que le gouvernement, même démissionnaire, prenne une position claire là-dessus ».
De l’autre côté du spectre politique, les Forces libanaises, selon une source de ce parti, considèrent que ces sanctions « font partie d’un processus continu, qui n’est pas nouveau, même s’il progresse clairement en visant de nouvelles figures ». Le parti de Samir Geagea estime que « les États-Unis cultivent une différence entre les sanctions visant des personnes et leurs relations avec le Liban en tant qu’État », notant quand même « un durcissement dans la position US ».
commentaires (6)
DEBOUSSOLES CA POUR SUR . MAIS LE PIRE EST ENCORE A VENIR TRES BIENTOT.
Gaby SIOUFI
15 h 24, le 10 septembre 2020