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Économie - Entretien

Jesús Seade Kuri : Le Liban n’a pas été créé pour rester isolé

Candidat à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont la première étape du processus de désignation doit démarrer ce lundi, le Mexicain d’origine libanaise affirme que le pays du Cèdre a les capacités pour devenir concurrentiel sur la scène internationale.


Jesús Seade Kuri : Le Liban n’a pas été créé pour rester isolé

Candidat mexicain à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce, Jesús Seade Kuri est d’origine libanaise. Photo DR

À 73 ans, vous êtes actuellement sous-secrétaire pour l’Amérique du Nord au ministère des Affaires étrangères du Mexique, vous faites partie des huit finalistes en lice pour le poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Quel est votre parcours ?

Représentant le Mexique à la fin des années 80 lors des négociations internationales pour la création de l’OMC, j’ai été nommé au début des années 90 à la direction des mêmes négociations pour trouver une solution à la formation de cette organisation, alors que ces discussions n’aboutissaient pas. En 1993, six mois seulement après la reprise des négociations, au sein desquelles j’ai joué un rôle important en tant qu’ambassadeur du Mexique, les parties internationales trouvaient un accord et l’OMC était fondée en 1995. Grâce à cette reprise en main des négociations, j’ai été nommé directeur adjoint de l’organisation, où je suis resté quatre ans. Par la suite, j’ai travaillé en tant que conseiller principal au Fonds monétaire international (FMI) et j’ai également été vice-président de l’université Lingnan à Hong Kong. Je viens aussi de terminer, au bout de deux ans, les négociations de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (Aceum), instauré en juin dernier, qui est une refonte de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et donc l’un des plus grands accords commerciaux au monde.

Suivant quel processus le nouveau directeur général de l’OMC sera-t-il choisi ?

Roberto Azevêdo (Brésilien) a présenté sa démission en mai et le président du Conseil a alors annoncé un processus en trois étapes pour désigner son successeur. La première étape était celle des nominations, qui s’est déroulée du 8 juin au 8 juillet, et a permis de nommer huit candidats venus d’Afrique, d’Europe, d’Amérique, d’Asie et du Moyen-Orient. Je m’inclus parmi les candidats nord et latino-américains, mais aussi parmi ceux dits « arabes » car je suis autant libanais que mexicain. Du 8 juillet au 8 septembre se déroule la deuxième étape lors de laquelle les candidats se font connaître. Ainsi, les 15, 16 et 17 juillet dernier, chacun a eu l’occasion de se présenter auprès du conseil général de l’OMC et de la presse internationale. Enfin, la dernière étape commencera le 7 septembre et se terminera, théoriquement, le 7 novembre au plus tard. C’est évidemment la période de décision lors de laquelle la troïka, c’est-à-dire trois ambassadeurs du conseil général de l’OMC, choisiront dans un premier temps cinq des candidats en lice et puis deux, desquels ils éliront le (ou la) meilleur(e) candidat(e) au poste de directeur général de l’OMC.

Quels sont les raisons et les intérêts portés pour votre candidature ?

J’ai constaté que l’OMC, que j’ai donc aidé à créer, était dans une situation tout à fait épouvantable. Je dirais même qu’elle se trouvait au sein d’une crise presque terminale, sans plus aucun résultat probant et de plus en plus de frictions internationales dues à la pandémie du Covid-19 et aux tensions entre les États-Unis et la Chine. Le monde commercial est dans une situation extrêmement grave. Or l’OMC a été créée pour justement résoudre ces problèmes. J’ai donc posé ma candidature car j’ai participé à deux des plus grandes négociations mondiales qu’ont été la création de l’OMC elle-même et le nouvel Alena. Pour diriger l’OMC, il faut deux atouts considérables : un capital négociateur et une connaissance approfondie de l’organisation. Au vu de mon parcours à l’OMC et de mon expérience en négociations internationales, je suis convaincu, de même que le gouvernement mexicain, que j’ai tout ce qu’il faut pour aider l’OMC à sortir de la crise dans laquelle elle se trouve. Je serai fier de diriger cette organisation au nom du Mexique, bien sûr, mais aussi au nom du monde arabe, des pays en voie de développement et, surtout, de l’humain.

Pensez-vous alors que le Liban, au vu de sa conjoncture actuelle, aurait intérêt à adhérer à l’OMC, où il postule depuis 1999 en vain ?

Les Libanais sont l’un des peuples les plus éduqués au monde et descendant des plus grands commerçants, les Phéniciens ! Le Liban est un grand pays sur une petite échelle. Il ne faut pas avoir peur de s’ouvrir à la mondialisation et de trouver les secteurs adéquats qui rétabliront la place du Liban dans le concert des nations. Depuis toujours, le Liban a été un centre financier avec une population éduquée et une économie productive. Le Liban n’a pas été créé pour rester isolé. Qu’il s’agisse d’un accord commercial avec les pays de la région ou d’un accord préférentiel moderne avec l’Europe, le Liban possède les capacités de sa concurrence, il ne peut que réussir en s’ouvrant au monde du commerce et en étant fier de ce qu’il est.

Le Liban traverse la pire crise économique et financière de son histoire. Selon vous, que doit faire le pouvoir libanais pour sortir de l’ornière ?

Il faudrait que le Liban s’enrichisse de mesures décisives pour affronter la situation difficile à laquelle il est confronté, en combinaison avec le soutien de la communauté internationale et des organisations financières internationales. La voie de la coopération internationale permettra au Liban d’attirer les investissements étrangers et d’accéder aux meilleures pratiques pour faire face à la pandémie du Covid-19, par exemple. Avec l’appui de la communauté internationale, l’avenir du Liban réside dans sa capacité à surpasser les défis actuels.

Je suis convaincu que le Liban possède la capacité de sortir de cette crise. C’est une nation avec un peuple solidaire et résilient, qui a démontré à plusieurs reprises qu’il pouvait surmonter les moments difficiles. Avec l’aide de la communauté internationale et l’union du peuple libanais, je ne doute pas que le pays s’en sortira.

À la suite de la double explosion de Beyrouth survenue dans un contexte déjà particulièrement difficile pour le Liban, le gouvernement mexicain et la communauté libanaise au Mexique se sont-ils engagés à aider le Liban ? Comment ?

Le gouvernement mexicain a contribué à hauteur de 100 000 dollars, par l’intermédiaire du Comité international de la Croix-Rouge, afin de soutenir les opérations de secours au lendemain de la tragique explosion de Beyrouth. Notre soutien est conforme à la tradition mexicaine d’aide humanitaire internationale lors des catastrophes de ce type. De plus, les liens d’amitié et de fraternité entre les deux pays ont déclenché la réaction mexicaine. De son côté, la communauté libanaise au Mexique s’est organisée afin d’aider le Liban de diverses manières à la suite du regrettable incident du 4 août, commençant par l’aide financière à partir de la création du fonds de contribution volontaire « Pro Liban », jusqu’à la satisfaction des besoins immédiats des personnes affectées.

Quelle histoire se cache derrière vos origines libanaises ?

Tout d’abord, je tiens à souligner que je considère le Liban comme mon pays, au même titre que le Mexique. Au sein de ma famille, environ 80 personnes sont originaires du Liban et, parmi elles, je suis le seul à avoir effectué les démarches nécessaires pour obtenir le passeport libanais que j’arbore avec fierté ! Mon grand-père paternel a émigré au Mexique dans les années 1880, l’un des premiers, dit-on, et ma grand-mère maternelle vers 1923. Mon nom de famille est une version hispanisée de Saade-Khoury. Seade est le nom de mon père et Kuri, celui de ma mère. Dans les pays hispaniques, on porte les noms du père et de la mère, mais le nom de ma famille au Liban est Farah. Tous deux viennent de villages proches de la vallée de la Qadisha et de la région des Cèdres, aux alentours d’Ehden et de Bécharré.

Au-delà de vos origines, quels sont vos liens avec le Liban ?

Je me suis rendu au Liban de nombreuses fois, notamment dans le cadre d’une demi-douzaine de visites officielles de diverses agences, y compris une visite au cours de laquelle j’ai eu deux longues et très importantes réunions de travail avec l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, et son ministre des Finances de l’époque, Fouad Siniora. Mon dernier séjour au Liban remonte d’ailleurs à l’année dernière, lors de la réunion annuelle des Libanais de la diaspora, où j’ai été spécialement invité pour prononcer un discours. Au Mexique, la diaspora libanaise est estimée à un demi-million de ressortissants et elle est très engagée aux côtés du Liban. Je m’attelle, en tant que Libanais du Mexique, à assister le Liban dans une recherche continue d’aides et de ressources pour appuyer le pays et sa population.

Les autres candidats en lice pour diriger l’OMC

Pas moins de sept autres candidats sont en lice aux côtés du Libano-Mexicain Jesús Seade Kuri pour reprendre la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une institution en crise et attaquée par Washington en pleine marasme économique mondial.

*Liam Fox, Royaume-Uni : cet Écossais pro-Brexit de 58 ans, ancien médecin de famille, a dirigé le ministère du Commerce extérieur de 2016 à 2019 dans le gouvernement de Theresa May. Il a également été à la tête du ministère de la Défense (2010-2011). Il s’est engagé à ce qu’au moins la moitié des membres de l’équipe de hauts responsables de l’OMC soient des femmes.

*Abdel-Hamid Mamdouh, Égypte : ce diplômé en droit de 68 ans, qui a obtenu la nationalité suisse, est arrivé à Genève en 1985 comme diplomate commercial, avant de rejoindre le GATT (ancêtre de l’OMC) en 1990, en tant que conseiller juridique puis assistant du directeur général adjoint. Il a ensuite passé plus de 20 ans à différents postes à l’OMC et travaille depuis deux ans pour le cabinet d’avocats King & Spalding à Genève.

*Amina Mohamed, Kenya : l’ancienne ministre kényane des Sports (58 ans) est bien connue à Genève : ancienne ambassadrice auprès de l’OMC, elle a présidé les trois organes les plus importants de l’organisation par le passé. Déjà candidate en 2013 face à Roberto Azevêdo, qui quitte son poste lundi, elle a également présidé la ministérielle de l’OMC de 2014.

*Mohammad al-Tuwaijri, Arabie saoudite : cet ancien pilote de l’armée de l’air de 53 ans a effectué de nombreuses missions pendant la guerre du Golfe. Également banquier, il a dirigé les opérations de JPMorgan en Arabie saoudite avant de rejoindre HSBC.

*Tudor Ulianovschi, Moldavie : cet ancien ambassadeur à l’ONU et à l’OMC à Genève, devenu ministre des Affaires étrangères (2018-2019), est le plus jeune des candidats (37 ans). Son projet de candidature est axé sur une « approche en 3 D : accès direct aux ministres, dialogue avec les ambassadeurs et direction efficace de l’OMC ».

*Ngozi Okonjo-Iweala, Nigeria :

première femme de son pays à avoir dirigé les ministères des Finances et des Affaires étrangères, cette économiste de formation de 66 ans a également été directrice des opérations de la Banque mondiale. Elle préside l’Alliance mondiale pour les vaccins et vaccinations (GAVI) et pilote l’un des programmes de l’Organisation mondiale de la santé dans la lutte contre le Covid-19.

Source : AFP


À 73 ans, vous êtes actuellement sous-secrétaire pour l’Amérique du Nord au ministère des Affaires étrangères du Mexique, vous faites partie des huit finalistes en lice pour le poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Quel est votre parcours ? Représentant le Mexique à la fin des années 80 lors des négociations internationales pour la création de...

commentaires (1)

Si au lieu de M. KURI ce sont nos minables politiciens qui avaient emigre vers le Mexique, notre pays se serait porte mille fois mieux.

Goraieb Nada

08 h 20, le 04 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • Si au lieu de M. KURI ce sont nos minables politiciens qui avaient emigre vers le Mexique, notre pays se serait porte mille fois mieux.

    Goraieb Nada

    08 h 20, le 04 septembre 2020

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