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Un nom au long cours tel son capitaine...

Intransigeante, le verbe haut, un accent exquis conjugué à toutes les langues qu’elle pratiquait, cette femme de tête mettait constamment son cœur à l’épreuve : empêcher la destruction d’une vieille demeure, la défiguration d’un site...

N’aimait-elle pas à répéter que « les longs souvenirs font les grands peuples » ? Elle a lutté en vain contre l’oblitération de notre mémoire, de notre héritage matériel intemporel.

Yvonne était dans la force de l’âge quand elle fonda l’Apsad (Association pour la protection des sites et anciennes demeures) en 1960, doyenne des ONG attachées à la défense du patrimoine en péril.

Son entregent, son intégrité intellectuelle, ses convictions inébranlables, son statut de « grande dame » avaient mobilisé des cofondateurs qui brûlaient d’une même flamme sacrée. Des noms aussi prestigieux que Camille Aboussouan, Assem Salam, Raymond Ghosn et bien d’autres s’étaient joints à son combat.

Elle a croisé le fer avec les mercantis qui peuplaient des pans entiers de la « bonne » société beyrouthine. Alors que les prédateurs descendaient les belles demeures à coups de pioche, elle mena une lutte acharnée pour tâcher de prévenir le massacre. L’une de ses œuvres inachevées, qu’elle emporte outre-tombe, est une loi qu’elle avait longtemps appelée de ses vœux pour la sauvegarde du patrimoine bâti et que les Parlements successifs se sont bien gardés d’entériner.

Yvonne avait instinctivement compris que la véritable richesse résidait dans l’exaltation du beau et non dans son instrumentalisation – elle était l’une des rares personnes à avoir prêché par l’exemple– ; sa demeure iconique était le symbole vivant de sa lutte. Le 4 août, jour maudit, a vu sa destruction partielle. Elle fut blessée irrémédiablement au point de vouloir partir. Elle était bardée contre la forfaiture des hommes, pas contre leurs crimes inexpugnables.

À tantôt chère Yvonne, repose en paix et intercède pour que ceux qui sont restés puissent dépasser leurs malheurs et faire leur deuil de cette indicible tragédie.

Constantin DOUMANI

Pour la grande famille de l’Apsad

Intransigeante, le verbe haut, un accent exquis conjugué à toutes les langues qu’elle pratiquait, cette femme de tête mettait constamment son cœur à l’épreuve : empêcher la destruction d’une vieille demeure, la défiguration d’un site...N’aimait-elle pas à répéter que « les longs souvenirs font les grands peuples » ? Elle a lutté en vain contre...