Pour certains, l’opération pourrait avoir eu pour but de semer la discorde

Une certaine tension a régné, ce week-end, dans le caza du Koura, au Liban-Nord, à la suite du meurtre, dans la nuit de vendredi à samedi, de trois hommes du village de Kaftoun, deux policiers municipaux et le fils du président du conseil municipal du village. Cette triple tuerie survient alors que des incidents sécuritaires ont été signalés récemment à Taalabaya, dans la Békaa, et à Loubié, au Liban-Sud.Dans les faits, les trois hommes assuraient la surveillance dans le village dans le cadre des mesures prises pour lutter contre les cambriolages, mais aussi contre la propagation du coronavirus, notamment le couvre-feu instauré sur l’ensemble du territoire entre 18h et 6h. Ils se trouvaient à l’entrée du village lorsqu’une voiture suspecte, sans plaque d’immatriculation, a refusé de s’arrêter. Les occupants du véhicule – ils seraient quatre – ont ouvert le feu, faisant donc trois victimes.

Aussitôt, des informations ont circulé, selon lesquelles l’opération visait initialement Nadim Gemayel, qui se trouvait à dîner dans le village limitrophe de Kferhata. Contacté par L’OLJ, le député démissionnaire a déclaré que « rien ne confirme ces rumeurs, mais rien ne les réfute non plus ». « J’ignore si j’étais visé, ajoute-t-il. Je préfère attendre les résultats de l’enquête. » Pour lui, cet incident aurait pour objectif une « déstabilisation politique ». « Nous craignons que l’objectif ne soit que de semer la discorde, d’autant que le véhicule était chargé d’une grande quantité d’armes, confie à L’Orient-Le Jour Fady Karam, député du Koura. Cela laisse penser que les assaillants ne comptaient pas se contenter de simples vols, mais voulaient mener une opération de plus grande envergure, d’autant que, selon les informations qui circulent, d’autres véhicules allaient les rejoindre. Nous craignons que certaines parties ne cherchent à semer le chaos pour camoufler leur échec dans la gestion du pays. »

Un cinquième suspect

Selon des sources de sécurité citées par la chaîne LBCI, Bahjat T., le dernier propriétaire du véhicule, une Honda, qui a été utilisé dans l’opération, a été arrêté. Il a confié, lors de son interrogatoire, que c’était son frère Khaled qui utilisait la voiture. D’après ces sources également, les empreintes de Youssef K., un récidiviste, ont également été relevées, alors que Ahmad C., lui aussi un récidiviste, et Ihab C. étaient à bord du véhicule.

Se basant sur ces informations, une patrouille des forces spéciales a perquisitionné hier à l’aube la maison d’Ihab à Beddaoui qui, armé de grenades et d’une mitraillette, a blessé l’un des militaires. Ce n’est que suite à l’intervention de sa famille et des agents des forces conjointes palestiniennes dans le camp qu’il a accepté de se rendre. Dans les mêmes milieux, on explique que Ihab était un récidiviste et qu’il avait déjà été détenu pour avoir poignardé un homme dans le camp de Beddaoui.

Toujours d’après ces sources, les enquêteurs suspectent l’implication dans ce crime d’une cinquième personne, qui se trouvait à bord d’une seconde voiture chargée de couvrir les quatre suspects.

Samedi matin, les forces de l’ordre ont retrouvé la voiture, avec à son bord des armes abandonnées par les assaillants.

Appels à sanctionner les criminels

Les réactions au meurtre des trois hommes, dont les funérailles se sont déroulées hier sur la place publique du village, ne se sont pas fait attendre. Le député du Koura, Fayez Ghosn, a déclaré qu’il n’aura « de répit que lorsque les criminels seront remis à la justice ». Même son de cloche auprès du Parti syrien national social (PSNS), qui a affirmé que la mort des trois hommes « ne sera pas vaine, quelles que soient les causes, les circonstances et les données ». Ce crime est « une atteinte à la sécurité et la stabilité du pays », souligne un communiqué.

La Jamaa islamiya à Tripoli et au Liban-Nord a, elle aussi, appelé à sanctionner les coupables, alors que la direction du Liban-Nord du Parti communiste a fait assumer « au gouvernement la responsabilité de ce crime ».

L’évêque maronite de Batroun, Mounir Khairallah, et l’évêque grec-orthodoxe de Jbeil et Batroun, Salwan Moussi, ont eux aussi appelé les autorités concernées à « retrouver les coupables » et à les « remettre à la justice ».

Dans un communiqué, les Forces libanaises ont démenti toute implication dans ce « crime honteux », alors que des informations avaient circulé à ce propos sur les réseaux sociaux.

Lors d’une conférence de presse, le président du conseil municipal de Kaftoun, Nakhlé Farès, qui est par ailleurs le père de l’une des victimes, a indiqué que les trois hommes n’avaient pas été tués en raison de leur appartenance au PSNS. Enfin, le président de la Fédération des municipalités du Koura, Karim Bou Karim, a demandé aux ministères de l’Intérieur et de la Défense d’installer des barrages dans la région.