Nassif Hitti a beaucoup réfléchi avant de prendre la décision de démissionner du poste de ministre des Affaires étrangères. Depuis quelque temps déjà, il sentait qu’il n’avait plus vraiment sa place dans le gouvernement présidé par Hassane Diab. Non pas qu’il intervenait beaucoup dans les débats en Conseil des ministres, mais il se sentait de plus en plus proche du désenchantement général des Libanais qui avaient le sentiment que ce gouvernement avait déçu et qu’il s’enferrait dans ses contradictions, passant son temps dans des discussions sans fin, sans pouvoir ouvrir une brèche dans le mur de l’encerclement imposé actuellement au pays. En près de sept mois, Nassif Hitti a vite fait le tour des possibilités, comprenant, en raison de ses multiples relations internationales, construites au fil d’une longue carrière dans la diplomatie arabe et internationale, que le pays traversait une période particulièrement difficile. Au cœur d’un conflit sans merci entre d’un côté l’administration américaine actuelle et de l’autre l’Iran, la marge de manœuvre du Liban s’est singulièrement rétrécie et le petit pays s’est retrouvé au cœur d’une lutte d’influence qui le dépasse.
À ce contexte régional et international tendu à l’extrême, il faut ajouter un certain cafouillage au sein du Conseil des ministres, peut-être par manque d’expérience des rouages administratifs et politiques de la part de certains ministres, qui a donné le sentiment d’une grande lenteur dans la prise de décisions ainsi que d’une incapacité à procéder aux réformes structurelles requises. Toutes ces constatations ont donné à Nassif Hitti la certitude qu’il ne pourra pas effectuer une percée dans l’intérêt de ce pays qui lui tient à cœur, en tant que ministre des Affaires étrangères. Si l’affaire dite « Le Drian » a constitué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, Hitti se garde bien de le dire. Il faut rappeler que lors de la visite du ministre français des Affaires étrangères à Beyrouth, son entretien avec le président du Conseil s’est déroulé, contrairement aux usages protocolaires, en présence d’autres ministres, mais sans le ministre des Affaires étrangères... De plus, après cette visite, des fuites ont circulé dans les médias sur la teneur de l’entretien entre Diab et Le Drian, ainsi que sur les commentaires considérés peu diplomatiques du président du Conseil sur le message transmis aux autorités libanaises par le visiteur français. Tous ces détails ajoutés les uns aux autres ont poussé Nassif Hitti à préférer s’en aller. Selon ses proches, il ne s’agit pas de quitter, comme certains l’ont dit, un navire en train de se noyer, mais plutôt de se retirer car il ne se sent pas vraiment à sa place dans un tel contexte. Sa décision a donc été prise dimanche et il a commencé à en informer son entourage, avant de présenter officiellement sa démission hier au président du Conseil. La réunion entre les deux hommes n’a pas duré plus de dix minutes. Et très vite, il a fallu penser à remplacer Hitti qui tenait un maroquin délicat.
Selon des sources officielles, Nassif Hitti aurait dû présenter sa démission au chef de l’État puisque c’est du palais présidentiel qu’est annoncé le décret de sa nomination au sein du gouvernement. Mais comme il semblait déterminé à en finir au plus vite avec ses responsabilités dans ce cabinet, sa visite au Sérail a été considérée comme suffisante. La lettre de démission en main, le président du Conseil s’est donc aussitôt rendu au palais de Baabda pour des concertations avec le chef de l’État.
Michel Aoun et Hassane Diab étaient d’accord pour trouver le plus rapidement possible un remplaçant à Nassif Hitti, d’une part en raison de l’importance du portefeuille des Affaires étrangères, et d’autre part pour mettre un terme à toute spéculation sur une chute imminente du gouvernement. Il faut préciser dans ce contexte que depuis quelques jours et à la veille de l’annonce de la sentence du TSL dans le procès de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 7 août, des informations avaient circulé sur le départ de l’actuel gouvernement en vue d’assurer le retour au Sérail de Saad Hariri. Aoun et Diab ont donc voulu faire preuve de fermeté et de rapidité pour couper court à toutes ces spéculations, convaincus que la situation actuelle ne supporterait pas une période plus ou moins longue de gestion des affaires courantes. Au lieu donc de laisser partir ce gouvernement, il serait plus utile de dynamiser son action.
Le premier pas dans ce sens était donc de désigner un successeur à Hitti. Le choix s’est porté sur l’ambassadeur Charbel Wehbé, un diplomate de carrière, qui a occupé à la fin de sa carrière au ministère des AE le poste de directeur des affaires politiques, avant de devenir conseiller présidentiel pour les questions diplomatiques. Le message ainsi délivré est clair. Ce gouvernement restera en place tant qu’il n’y a pas de possibilité de rechange et tout ministre qui désire partir peut le faire, un remplaçant lui sera nommé dans les plus brefs délais.
Dans le cadre de la relance de l’action gouvernementale, une réunion devrait avoir lieu aujourd’hui ou au plus tard demain pour adopter une nouvelle approche dans les négociations avec le FMI. Les grandes lignes ont déjà été trouvées. En même temps, les effets de la visite du général Abbas Ibrahim au Koweït, en tant qu’émissaire présidentiel, devraient commencer à se faire sentir. Le Koweït a en effet demandé au gouvernement libanais de présenter une liste de ses besoins en produits pétroliers et il serait prêt à les lui assurer en lui accordant des facilités de paiement. Le ministre de l’Énergie devrait donc préparer la liste dans les plus brefs délais. Enfin, le gouvernement planche actuellement sur d’autres mesures destinées non seulement à relancer son action, mais aussi à alléger les effets de la crise monétaire et économique sur les citoyens. Le mois d’août, considéré à hauts risques, pourrait donc être aussi porteur d’indices positifs.
Je vous assure que dans ces moments catastrophiques que nous vivons à cause soit des armes illégales stockées ou l'ineptie du gouvernement ou les deux, les billets de Mme Haddad sont source d'interlude comique. Madame ne sait peut-être pas que les lecteurs de l'OLJ sont par définition quand même un peu instruits (au moins bilingues) et qu'ils ne risquent pas d'avaler les salades que le peuple libanais "azim" gobe sur la magnificence de l'intellect de Messieurs Bassil et beau-père et de leur capacité à mener cette barque à la dérive qu'est ce pays. Que vont-ils faire après cette catastrophe d'aujourd'hui?
23 h 21, le 04 août 2020