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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

En Irak, la terreur pour museler les voix dissidentes

Depuis le déclenchement du soulèvement populaire en octobre dernier, la violence contre la presse indépendante et les contestataires est montée d’un cran.

En Irak, la terreur pour museler les voix dissidentes

Place Tahrir, à Bagdad le 27 juillet, des Irakiens participent aux funérailles d’un contestataire tué dans la nuit de dimanche à lundi au cours d’une manifestation contre la déliquescence des services publics. Thaier al-Sudani/Reuters

Dans une voiture blanche dont la portière droite est criblée de balles, le corps d’un homme gît, inerte, sur le siège passager. Son visage est ensanglanté, un coup de feu l’a visé à la tête. Le journaliste irakien Ahmad Abdel Samad vient de se faire assassiner. Son collègue, le caméraman Safaa Ghali, a reçu trois coups de feu dans la poitrine et succombera quelques heures plus tard à ses blessures, à l’hôpital général de Bassora. C’est aux alentours de 18 heures, alors que les deux hommes se trouvaient dans leur voiture près du club assyrien de la ville, qu’ils ont été attaqués, après avoir couvert, au cours de la même journée, des manifestations et un sit-in organisé en face des quartiers généraux de la police à la suite de l’arrestation de plusieurs activistes.

Le timing de ce double assassinat est lourd de sens. Nous sommes le 10 janvier 2020. Soit une semaine après l’élimination par un raid américain de Kassem Soleimani, ancien commandant en chef de la brigade al-Qods au sein des gardiens de la révolution iranienne, et d’Abou Mahdi al-Mouhandis, chef de facto de la coalition paramilitaire d’al-Hachd al-Chaabi. La galaxie pro-Iran est en ébullition. Les milices à la solde de Téhéran accusent les « agents de l’étranger » d’avoir aidé les États-Unis, à commencer par le chef des renseignements de l’époque qui n’est autre que Mustafa al-Kadhimi, l’actuel Premier ministre.

La chape de plomb qui pèse sur le travail des journalistes indépendants et des voix dissidentes ne cesse de se consolider. Les factions pro-iraniennes font régner un climat de peur dans le pays et multiplient les intimidations et les violences contre toute prise de parole critique. Le 6 juillet, le meurtre du chercheur irakien Hicham al-Hachémi devient le symbole de cette détérioration. Malgré ses connections politiques et sa proximité avec le nouveau Premier ministre, M. Hachémi n’a pas échappé à la vindicte de ses assassins. « Sa mort dans l’obscurité de la nuit marque un nouveau palier et délivre un message : dans ce combat de l’ombre, désormais, même les plus hautes personnalités seront ciblées », résume dans un article pour l’AFP son ami, le journaliste Ammar Karim.

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Comme M. Abdel Samad, Hicham al-Hachémi se savait en danger. Avant même le déclenchement du soulèvement d’octobre 2019, il avait été menacé de mort avec d’autres personnalités irakiennes par des groupes en ligne proches de Téhéran les accusant d’être des « collaborateurs », des « traîtres à la patrie », « pro-Israël » et « pro-Américains ». « Hicham al-Hachémi me disait toujours, mot pour mot, “Ahmad, fais attention à toi et reste vigilant dans la rue lorsque tu rentres chez toi parce que beaucoup de gens pourraient chercher à nous viser” », se souvient Ahmad al-Rekabi, journaliste irakien indépendant. « Il était conscient de cela. Nous étions tous conscients de cela. Plus de 5 personnes ont été tuées récemment par un camp politique bien défini. Hachémi, Ghali, Abdel Samad, on se retrouvait souvent et on se disait qu’il fallait peser chaque mot écrit ou prononcé... Nous ne voulons pas que ce sang ait été versé pour rien », ajoute-t-il.

« Signaler la corruption est risqué »

Depuis le 1er octobre 2019, l’Irak vit au rythme d’une mobilisation populaire inédite avec, en ligne de mire, le système confessionnel, la corruption et la mainmise iranienne sur le pays. Un mouvement d’une ampleur considérable, mais doublement ralenti par le regain de tensions sur le territoire national entre les États-Unis et l’Iran, suite à la mort de Kassem Soleimani et de Abou Mahdi al-Mouhandis, puis par la pandémie liée au coronavirus. « Il y a eu une escalade de la violence contre les journalistes et les activistes avec le déclenchement du soulèvement populaire et la mise en avant de slogans qui attaquaient directement les autorités et les milices qui leur sont affiliées. C’est à ce moment que les opérations ciblées ont été les plus sévères. On compte des tentatives d’assassinat, des arrestations, des menaces directes ou encore des actes de torture. À cause de cela, beaucoup de journalistes ont quitté les places de la contestation et sont restés chez eux ou ont déménagé dans d’autres villes, comme dans la région du Kurdistan », raconte Saman Noah, directeur du réseau des reporters irakiens pour le journalisme d’investigation, Nirij.

Comme Ahmad Abdel Samad, Hicham el-Hachémi avait pris fait et cause pour l’intifada irakienne. Mais la dénonciation des milices affidées à l’Iran au sein du soulèvement ravive les velléités hégémoniques de ces dernières. Fortes de leur participation à la victoire contre l’État islamique, elles règnent, depuis 2017, en maîtres sur le territoire national. Alors que ces factions ont été, officiellement, intégrées aux forces de sécurité, elles bénéficient, dans les faits, d’une grande autonomie. Entre octobre 2019 et mars 2020, près de 600 contestataires irakiens ont été tués et près de 24 000 blessés dans des violences qui leur sont majoritairement imputées.

Avant l’arrivée au pouvoir en mai dernier de Mustafa al-Kadhimi, perçu comme favorable aux aspirations à la souveraineté des Irakiens, les atteintes à la liberté d’expression, et a fortiori de la presse, étaient protégées par les autorités en place et bénéficiaient d’un cadre juridique largement complaisant. En témoigne ainsi la permanence d’un code pénal qui remonte à 1969 qui criminalise les « insultes à la communauté arabe » ou contre tout officiel du gouvernement, quelle que soit la véracité des propos tenus. L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch rappelle que même si peu de personnes font l’objet d’une peine de prison pour « diffamation », le « processus pénal en lui-même est une punition ». « Signaler les abus commis par les forces de sécurité ou la corruption est particulièrement risqué », note-t-elle. En juillet 2019, le journaliste Hassan Sabah fait ainsi l’objet d’une perquisition après des révélations sur une affaire de corruption impliquant un juge à Bassora. Au début du mois de septembre, la chaîne de télévision al-Hurra est mise à l’arrêt pour un reportage traitant de la corruption au sein des institutions religieuses du pays. Plus récemment, au cours du mois d’avril, Haïtham Sulaiman, l’un des organisateurs du soulèvement populaire de 2019, a été arrêté, battu et forcé de signer un document affirmant que les États-Unis ont financé la contestation à cause d’un post publié sur Facebook le 6 avril appelant le gouverneur de la province d’al-Muthanna, dans le sud-ouest du pays, à mener l’enquête sur des allégations de corruption touchant le département de la Santé et liées à l’achat de masques dans le cadre de la lutte contre le coronavirus.

Parcours du combattant

La guerre contre l’EI a également servi d’alibi pour museler les voix dissidentes. En 2014, la commission des Communications et des Médias, qualifiée d’institution « indépendante », mais en réalité liée au Parlement, a publié des lignes directrices contraignantes régulant l’activité des médias, avant d’être mises à jour en 2019. « Il y a près de deux semaines, elle a fermé 22 médias locaux, sous le prétexte qu’elles n’avaient pas d’autorisation financière », rapporte Mustafa Nasser, président de l’Association de plaidoyer pour la liberté de la presse en Irak (Press Freedom Advocacy Association in Iraq).

La pandémie de coronavirus a permis à la commission de resserrer un peu plus l’étau autour des journalistes. L’agence de presse Reuters en a ainsi fait les frais, suspendue pour un article dans lequel des médecins révélaient, sous couvert d’anonymat, avoir été sommés par les autorités de ne pas communiquer avec les médias au sujet de la crise sanitaire. Dans ce contexte, se pose la question de la marge de manœuvre du nouveau gouvernement irakien : sera-t-il en mesure d’agir en faveur de la liberté d’expression dans le pays ? Sa tâche relève du parcours du combattant tant les milices affiliées à Téhéran ont intégré toutes les strates politiques et sécuritaires du pays, le temps imparti pour la nouvelle administration est limité et les chantiers immenses.

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« Le Premier ministre est considéré comme une personnalité libérale, indépendant des partis politiques et qui croit en la liberté de la presse et du journalisme. Mais son gouvernement est perçu comme transitoire et ne devrait pas durer plus d’un an », commente Mustafa Nasser. « Malheureusement, la protection de la liberté d’expression et du journalisme ne fait pas partie des priorités de Kadhimi. Pour lui, il faut d’abord se concentrer sur les questions sécuritaires et créer les conditions favorables pour que des élections anticipées aient lieu avant la fin de l’année 2021 », ajoute-t-il.

Les débuts de M. Kadhimi au pouvoir illustrent à la fois son souhait de restaurer la souveraineté de l’État et les obstacles considérables auxquels il est confronté. Deux incidents survenus ces derniers jours en sont symptomatiques. La directrice allemande d’un centre culturel à Bagdad, Hella Mewis, a ainsi été libérée vendredi dernier après trois jours de captivité dans une opération d’enlèvement imputée, selon une source sécuritaire citée par l’AFP, à des hommes appartenant à une faction se réclamant d’al-Hachd al-Chaabi. Dans le même temps, deux manifestants irakiens ont été tués dans la nuit de dimanche à lundi à Bagdad par des grenades lacrymogènes tirées par les policiers lors de protestations contre l’absence de services publics. Il s’agit des premiers contestataires décédés sous le nouveau gouvernement. Si M. Kadhimi a bien ordonné une enquête hier sur les circonstances de la mort des deux manifestants, beaucoup de contestataires l’accusent dès à présent de reproduire les violences de son prédécesseur.

Dans une voiture blanche dont la portière droite est criblée de balles, le corps d’un homme gît, inerte, sur le siège passager. Son visage est ensanglanté, un coup de feu l’a visé à la tête. Le journaliste irakien Ahmad Abdel Samad vient de se faire assassiner. Son collègue, le caméraman Safaa Ghali, a reçu trois coups de feu dans la poitrine et succombera quelques heures plus tard...

commentaires (3)

Les mêmes méthodes où qu’ils se trouvent. Ils assassinent les patriotes et les prennent en otages. Musellent les journalistes et le peuple, accusent tous les citoyens patriotes de traîtrise et de collaboration avec l’ennemi puis instaurent une dictature pour mieux terroriser tout le monde tout en rassurant et prêchant le bien fondé de leurs actes dans l’intérêt du peuple et surtout de leur loyauté, Mais tout le monde sait qui sont les traitres au Liban et à qui ils ont prêter allégeance publiquement. Qu’attend la justice pour les juger pour trahison suprême envers leur pays? MAIS OÙ EST LA JUSTICE? POURQUOI PERMETTRE À UNE BANDE DE VENDUS DE S’APPROPRIER NOTRE PAYS SANS QUE DES POURSUITES JUDICIAIRES NE SOIENT ENGAGÉES À LEUR ENCONTRE? C’’EST À DEVENIR FOU...

Sissi zayyat

17 h 24, le 28 juillet 2020

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Commentaires (3)

  • Les mêmes méthodes où qu’ils se trouvent. Ils assassinent les patriotes et les prennent en otages. Musellent les journalistes et le peuple, accusent tous les citoyens patriotes de traîtrise et de collaboration avec l’ennemi puis instaurent une dictature pour mieux terroriser tout le monde tout en rassurant et prêchant le bien fondé de leurs actes dans l’intérêt du peuple et surtout de leur loyauté, Mais tout le monde sait qui sont les traitres au Liban et à qui ils ont prêter allégeance publiquement. Qu’attend la justice pour les juger pour trahison suprême envers leur pays? MAIS OÙ EST LA JUSTICE? POURQUOI PERMETTRE À UNE BANDE DE VENDUS DE S’APPROPRIER NOTRE PAYS SANS QUE DES POURSUITES JUDICIAIRES NE SOIENT ENGAGÉES À LEUR ENCONTRE? C’’EST À DEVENIR FOU...

    Sissi zayyat

    17 h 24, le 28 juillet 2020

  • MOEURS IRANIENNES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 16, le 28 juillet 2020

  • Bizarre... ce terrorisme en irak, qui tue et essaye de museler les voix opposantes... ca parle aux libanais aussi Bizarrement ... tous ces assassinats « oubliés ».. D’ailleurs ? Où en sont les enquêtes ? De pierre gemayel? Walid eido? Gebrane tueni? Y a plus d’enquêtes ? En Irak... ces terreurs... portaient elles des TSHIRTS noirs aussi ? Se déplacent ils en mobylettes ? Bizarre cette démocratie islamiste iranienne qui tue pour garder le pouvoir dans un pays étranger ? Est-ce le projet similaire que CPL et cie ont réservé aux libanais avec leur couverture totale à l’iran et milices ? A terme , Juste pour savoir si l’iran avale le liban en faillite? et impose son idéologie à nous tous , sans exception. ? Pour savoir si nos femmes vont devoir porter le foulard un jour ou mieux le tchador... et les hommes se faire pousser la barbe et porter des chevalières à l’image de certains barbus. Merci chers responsables pour avoir mené le liban à ce stade d’âge de pierre. merci encore

    LE FRANCOPHONE

    00 h 29, le 28 juillet 2020

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