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Culture - Rencontre

Plongée jubilatoire dans un Moyen-Orient décloisonné

Le 20 août paraîtra aux éditions l’Antilope le nouveau roman de Sabyl Ghoussoub, « Beyrouth entre parenthèses », au cours duquel il relate le cheminement géographique et personnel de son personnage, qui décide d’entériner son éloignement avec ses racines libanaises, en faisant un voyage en Israël.

Plongée jubilatoire dans un Moyen-Orient décloisonné

Pour Sabyl Ghoussoub, la littérature permet de « redessiner la réalité pour se sentir mieux ». Photo Olivier Roller

« À force d’entendre parler d’Israël depuis que je suis petit, haïr cet État à tout-va, le voir condamner de tous les maux de la planète, je n’ai eu qu’une seule envie, m’y rendre », explique celui qui pensait, lorsqu’il était adolescent, qu’« acheter un simple falafel certifié Beth Din finançait directement Tsahal et faisait de (lui) un collabo. » La crédulité parfois outrée de ce Candide oriental est un puissant ressort comique du récit de Sabyl Ghoussoub, qui se compose de deux grandes parties. « Kess emek » relate l’interrogatoire burlesque et loufoque que doit subit le personnage français d’origine libanaise, face à une administration israélienne bornée à souhait, qui ne parvient pas à saisir l’identité du voyageur qui revendique le fait de ne pas avoir de nom.

« – Où habitez-vous ?

– À Paris.

– Mais encore ?

– À Beyrouth.

– Je ne comprends pas.

– Moi non plus, madame. »

La deuxième partie s’intitule « Fairouz Café » et fait référence à un café arabe, à Tel-Aviv, qui incarne l’inéluctabilité d’une appartenance libanaise qui s’impose de plus en plus au cours du périple du héros.

Sabyl Ghoussoub admet que la genèse de son autofiction, Beyrouth entre parenthèses, qui sort fin août aux éditions de l’Antilope, a été bouleversée par la révolution d’octobre. « Après mon voyage au Liban pour participer aux soulèvements de la rue, j’ai dit à mes éditeurs que je ne souhaitais plus publier ce roman, qui me semblait dénué de sens étant donné le contexte dans lequel se trouvait le pays. Et finalement, en revenant à Paris, j’ai pris un peu de distance avec l’actualité libanaise, et j’ai réécrit mon livre, en essayant de mettre de côté le fait que raconter mon voyage en Israël était un affront qui sonnait peut-être encore plus fort que d’habitude. En fin de compte, ce récit est une déclaration d’amour au Liban, et je n’ai jamais autant vu mon pays que quand j’étais là-bas, c’est paradoxal, et c’est parfaitement un voyage d’écrivain. »


La couverture de « Beyrouth entre parenthèses », dernier opus de Sabyl Ghoussoub, publié aux éditions l’Antilope. Photo DR


« Il faut détruire les familles... »

Comme Aleph dans Le Nez juif (l’Antilope, 2018), le personnage principal de Beyrouth entre parenthèses semble étouffer dans le carcan identitaire et communautaire où il a grandi, qu’il qualifie de « maronite ascendant communiste ». Dans une tirade tragi-comique, sous le regard médusé d’une soldate qui n’est qu’une pâle réplique de ses fantasmes érotiques, il déclame : « Il a fallu que mon père me jette au cœur de cette famille, de ce passé, de cette descendance. Une prison en plein air que lui-même a cherché à fuir toute sa vie, et que tout homme devrait quitter aussitôt arrivé. (…) Il faut détruire les familles, les dynasties de toreros, il faut détruire le concept même qui fait descendre le neveu, le fils dans l’arène pour que son père soit fier de lui. »

Dans cette fuite paroxystique des origines, le héros se demande pourquoi il ne parvient pas à se contenter de considérer Israël comme un pays ennemi. « On est arrivés à une impasse de la haine, et à travers ce voyage, et cette démarche complètement atypique, mon personnage essaye de passer entre les lignes. Étant né à Paris, j’ai régulièrement rencontré des gens qui vont là-bas, et qui ne sont pas tous des fous sanguinaires. La réalité est beaucoup plus complexe que ce qu’on a bien voulu nous raconter », explique le romancier, pour qui Beyrouth entre parenthèses est une sorte de zoom à l’intérieur de la narration du Nez juif, qui s’étale sur plus de 20 ans.

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D’un point de vue formel, on retrouve des chapitres courts, mais une écriture plus dense et plus contenue. « J’ai voulu que chaque chapitre, chaque phrase, soient comme un petit coup de poing, surtout au début du récit, pour montrer à quel point ce voyage est impossible », précise l’auteur.

La force du texte réside dans sa puissance tonale, qui allie l’écriture d’une émotion à vif et un profond détachement, et qui nous propulse dans une réalité considérée selon des prismes de pensée novateurs. « C’est le temps qui m’a amené à l’humour ; au premier abord, tout me désole. À force de relire et de corriger mes textes, je prends du recul sur l’histoire, et c’est ce décalage qui me permet d’aller ailleurs. C’est aussi parce que je me sens en décalage en général que j’écris. Je ne me sens pas forcément bien au moment où je devrais, et je finis par pallier ce manque par l’écriture ou par un autre canal, pour remplir l’espace entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas », commente l’écrivain.

« Redessiner la réalité pour se sentir mieux »
Lorsque le personnage est interrogé par un soldat qui se targue d’avoir appris l’arabe au Liban, un sentiment d’appartenance et de protection semble se réveiller. « À sa place, j’aurais honte de parler arabe. Le mien n’est pas fou, il a l’odeur de l’enfant de l’exilé mais il tient encore la route. Le sien a l’odeur du colon, de celui qui s’approprie les choses sans connaître leur saveur, leur beauté, leur profondeur. Son arabe me viole. L’entendre parler me donne envie de vomir. » Le roman met le doigt sur « une souffrance ineffaçable de notre passé avec Israël », que le romancier considère impossible à dépasser. « Cet héritage en nous est très fort, et pour eux aussi : ils partagent cette même peur. Notre travail en tant qu’artistes, et au Moyen-Orient en particulier, est de garder du lien entre nous. C’est le seul endroit où l’on arrive à dépasser les héritages politiques de haine, et les interdits. C’est un espace où on s’autorise plus à dépasser les frontières habituelles. Mais c’est un peu vain, et je ne crois pas du tout au pouvoir de l’art pour changer une situation. On peut juste partager un peu d’espoir et de désespoir. Chacun son rôle : quand on est artiste, on ne fait pas de politique, et mêler les deux me semble dangereux. Un artiste est quelqu’un qui doit tout s’autoriser, et c’est assez effrayant dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir. »

Au fil du roman, le narrateur enlève les parenthèses de son titre, et l’impossible voyage se transforme en impossible rupture. « J’ai voulu raconter dans ce livre mon désir de m’affranchir d’une appartenance figée, et j’ai l’impression qu’elle finit toujours par nous rattraper. On y revient, mais d’une autre manière, et c’est ce qui est intéressant. Mon lien avec le Liban a évolué avec ce roman, il m’a permis de m’y attacher peut-être un peu plus profondément, de manière moins puérile et plus personnelle », souligne l’écrivain.

Le roman se termine à Metoula, à la frontière libanaise, en face de Kfar Kila. « Je réalise que, moi aussi, je retrouve la vie en franchissant cette frontière infranchissable. (...) Je vois le mur et les fils barbelés qui séparent les territoires occupés du Liban. Je les avais pris en photo pour mieux les supprimer sur Photoshop. »

Pour le romancier, la littérature permet de « redessiner la réalité pour se sentir mieux ». Loin de toute visée passéiste ou nostalgique, Beyrouth entre parenthèses nous propose une plongée futuriste et jubilatoire dans un Moyen-Orient décloisonné...

« À force d’entendre parler d’Israël depuis que je suis petit, haïr cet État à tout-va, le voir condamner de tous les maux de la planète, je n’ai eu qu’une seule envie, m’y rendre », explique celui qui pensait, lorsqu’il était adolescent, qu’« acheter un simple falafel certifié Beth Din finançait directement Tsahal et faisait de (lui) un collabo. »...

commentaires (2)

IL N,Y A DE PLUS FACILE EXCUSE ET CRIMINELLE MANIPULATION DES MASSES ILLETREES QUE DE CHARGER TOUT AVIS SANS EXCEPTION QUI NE NOUS PLAIT PAS SUR LE DOS DU SIONISME AMERICANO ISRAELIEN ET CERISE SUR LE GATEAU SAOUDIEN. CA NE PAIE PLUS. LES GENS REVEILLES N,Y GOBENT PLUS. ILS SAVENT QUE LE PROBLEME DU PAYS D,OU LUI VIENNENT TOUS SES MALHEURS C,EST LE HEZBOLLAH, LA SYRIE ET L,IRAN.

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 43, le 27 juillet 2020

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Commentaires (2)

  • IL N,Y A DE PLUS FACILE EXCUSE ET CRIMINELLE MANIPULATION DES MASSES ILLETREES QUE DE CHARGER TOUT AVIS SANS EXCEPTION QUI NE NOUS PLAIT PAS SUR LE DOS DU SIONISME AMERICANO ISRAELIEN ET CERISE SUR LE GATEAU SAOUDIEN. CA NE PAIE PLUS. LES GENS REVEILLES N,Y GOBENT PLUS. ILS SAVENT QUE LE PROBLEME DU PAYS D,OU LUI VIENNENT TOUS SES MALHEURS C,EST LE HEZBOLLAH, LA SYRIE ET L,IRAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 43, le 27 juillet 2020

  • comment ne pas s 'engager quand on est artiste? J.P

    Petmezakis Jacqueline

    06 h 36, le 27 juillet 2020

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