
Plusieurs ONG, comme WWF et RAN, contestent les critères environnementaux retenus par les organisateurs des Jeux olympiques de Tokyo 2020. Philip Fong/AFP
La pandémie de coronavirus, qui a entraîné le report d’un an des JO de Tokyo, incite les organisateurs à envisager de réduire la voilure de l’événement, mais sans remettre en cause certains de ses critères environnementaux contestés par des organisations non gouvernementales (ONG).
Plusieurs organisations de défense de l’environnement comme le World Wild Fund (WWF) et Rainforest Action Network (RAN) estiment ainsi, depuis des années, que la qualité de certifications retenues par les organisateurs de Tokyo 2020 pour certains matériaux et produits laisse à désirer. Les critères d’approvisionnement en produits de la pêche, bois, papier et huile de palme « ont de nombreuses failles », déclare Masako Konishi, experte de WWF siégeant dans un comité chargé de conseiller Tokyo 2020 sur son programme environnemental. WWF a tenté de saisir l’opportunité du report des Jeux à l’été 2021 pour demander aux organisateurs de revoir leur copie, mais « ils n’ont rien changé », regrette-t-elle. « Il n’y a pas de changement », a confirmé l’organisation de Tokyo 2020. « Presque tous les contrats pour la nourriture et les boissons pendant les Jeux ont déjà été conclus » et il aurait été par conséquent « difficile » de revoir les critères d’approvisionnement, ont justifié les organisateurs dans un rapport. Ils ont privilégié les intérêts des industriels, qui « voulaient vraiment éviter des critères exigeants », selon Mme Konishi.
Le Japon part de loin
« Il aurait été mieux de fixer la barre plus haut (...), ce qui aurait pu créer une émulation » parmi les entreprises japonaises. « C’est un peu décevant », estime aussi Hidemi Tomita, un consultant en responsabilité sociale et environnementale. Mais le Japon part de « tellement loin » en matière de développement durable que ces nouvelles exigences environnementales, aussi faibles soient-elles par rapport à d’autres pays, « sont un progrès », selon M. Tomita.
Concernant le bois, Tokyo 2020 met en avant ses nouveaux sites olympiques faisant la part belle à ce matériau, provenant de forêts japonaises bien gérées et devant, dans certains cas, être réutilisé après les Jeux olympiques. Les organisateurs ont cependant dû reconnaître que du bois employé sur divers chantiers olympiques provenait aussi de Malaisie et d’Indonésie, des pays accusés de déforestation massive. L’organisation de Tokyo 2020 assure que ces achats ont été légaux, mais les ONG dénoncent le manque de traçabilité de ces produits, l’absence de certification indépendante et des exigences non contraignantes pour les acheteurs.
Les soupçons d’écoblanchiment (greenwashing) sont encore plus forts concernant les certifications durables retenues pour les produits issus de la pêche au menu des repas olympiques. Deux labels acceptés par Tokyo 2020 ont été conçus par l’industrie nippone de la pêche et les contrôles réels sont inexistants, affirme Isao Sakaguchi, professeur de droit à l’université Gakushuin de Tokyo et spécialiste du développement durable en matière de pêche et d’aquaculture. Les pêcheurs japonais redoutaient de voir le marché olympique leur échapper si les mêmes standards qu’à Londres 2012 et Rio 2016 étaient appliqués, selon cet expert. « Les pêcheurs ont fait pression sur les politiciens, qui ont fait pression sur les organisateurs des Jeux (...). C’est une affaire de politique et d’argent », s’indigne M. Sakaguchi.
Empreinte carbone
Les organisateurs de Tokyo 2020 se défendent en jouant la carte du réalisme et de la politique des petits pas. « Cela ferait bonne impression d’introduire uniquement des standards environnementaux internationaux pour les JO. Mais est-ce que les petites et moyennes entreprises japonaises pourraient continuer à les respecter après les Jeux ? Peut-être pas », avait justifié Yuki Arata, la responsable du programme environnemental de Tokyo 2020, interrogée en début d’année. « L’approvisionnement durable est une initiative encore neuve au Japon » et « les progrès ne se feront pas en une seule fois », confirme Tokyo 2020 dans son dernier rapport environnemental, publié fin avril.
La simplification attendue des Jeux olympiques pourrait indirectement les rendre plus verts : si le nombre réel de spectateurs devait être réduit par rapport aux prévisions initiales en raison de la pandémie, cela diminuerait aussi les émissions de CO2 associées à l’événement. Or, les spectateurs représentaient 31 % du total de l’empreinte carbone attendue des JO, notamment du fait des émissions liées au transport aérien, selon le dernier rapport environnemental de Tokyo 2020.
Étienne BALMER/AFP