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Lifestyle - Un peu plus

Bienvenue dans la jungle libanaise

Bienvenue dans la jungle libanaise

Photo bigstock

Deux jeunes femmes se sont fait agresser sexuellement à Mar Mikhaël. Un homme les a suivies puis frappées, après s’être masturbé devant elles. Plusieurs femmes se sont fait voler leurs sacs dans les rues de Beyrouth. Des voitures sont dérobées, des appartements cambriolés, des vols armés ont lieu. Bienvenue dans la jungle libanaise. Et ce n’est que le début d’une longue série d’effractions à venir. Et pas seulement parce que les gens ont faim ou manquent d’argent. Ce genre d’événements et faits divers ont lieu de plus en plus parce que nous sommes définitivement le pays des hors-la loi.

Depuis toujours, dans n’importe quel endroit du monde, certaines personnes se considèrent comme au-dessus des lois. Le pouvoir et l’argent pervertissent la plupart des êtres humains. Mais ici, au pays de tous les (im)possibles, tout est permis. Et comment voulez-vous que ce ne le soit pas, puisque ceux qui sont censés représenter la loi, censés donner le bon exemple, sont eux-mêmes les plus grosses crapules qu’ait connu le Liban. Comment voulez-vous que le citoyen lambda respecte les règles lorsque des députés, des ministres, des zaïms, des procureurs, des fonctionnaires ou des flics ne le font pas ? Comment ? Pourquoi un homme se priverait-il de harceler ou d’agresser une femme lorsqu’une ordure, contre qui une multitude de femmes ont porté plainte et qui lors d’un passage à la télé se fait accuser par le propriétaire d’un club, se promène toujours dans la nature ? Pourquoi un conducteur respecterait-il le code de la route quand un darak arrive à contresens sur sa mobylette, sans casque, son téléphone collé à l’oreille ? Pourquoi ne jetterait-il pas des Kleenex par la fenêtre quand les déchets jonchent les rues ? Pourquoi s’arrêterait-il à un croisement quand des hommes politiques interrompent la circulation, orchestrant au passage un immense embouteillage, pour aller déjeuner avec leurs enfants ? Pourquoi ne pas voler dans les caisses quand beaucoup de monde le font ? Quand un minable fonctionnaire de l’État vous demande un pot-de-vin pour vous permettre d’effectuer une formalité ? Quand un PDG, ersatz d’Harvey Weinstein, impose la promotion canapé dans son entreprise ?

Nous n’avons plus le moindre sens civique ni l’once d’une décence. Une chaîne de télé a fait un reportage déplacé sur l’ouverture d’un restaurant de sushis à Faqra alors que plus de la moitié de la population libanaise crève de faim. Ils ont envoyé leur journaliste dans ce La La Land du Kesrouan où tout est permis. Où tout le monde vit dans un déni aussi absurde que total. À des années-lumière de la situation du pays. Et là, pour couronner le tout, un adolescent pré-pubère s’est permis de brandir un billet de 20 dollars devant les caméras et ses friqués de parents (au lieu de l’engueuler) ont tenté d’intimider les gens qui en ont parlé sur les réseaux sociaux, alors qu’il s’amusait à provoquer et insulter ceux qui n’ont plus d’argent.

Nous ne portons plus de masque, ni gardons une distanciation sociale parce que certains lieux publics ne nous l’imposent plus, alors que certains passagers venant de l’étranger sont porteurs du virus. Mais ces dits passagers ont été rapatriés grâce à leurs pistons. Nul besoin, une fois de plus, de respecter les règles.

Alors, pourquoi sortirions-nous de ce bordel qui convient à tout le monde ? Aux petits comme (et surtout) aux grands. Pourquoi nous emmerderions-nous à essayer de quitter cette anarchie dans laquelle nous vivons ? Pourquoi le ferions-nous ? Parce qu’à un moment ou à un autre, cette bulle crasseuse dans laquelle nous vivons nous éclatera à la figure. Parce que tous, mais alors nous tous, allons en payer le prix. Parce que nous ne pouvons pas continuer à nous voiler la face et vivre avec des œillères, quand le monde entier nous regarde. Et parce que si nous ne le faisons pas tout de suite en demandant un système judiciaire indépendant pour enfin voir les lois s’appliquer à tous, nous aurons tout perdu. À commencer par nous-mêmes.

Deux jeunes femmes se sont fait agresser sexuellement à Mar Mikhaël. Un homme les a suivies puis frappées, après s’être masturbé devant elles. Plusieurs femmes se sont fait voler leurs sacs dans les rues de Beyrouth. Des voitures sont dérobées, des appartements cambriolés, des vols armés ont lieu. Bienvenue dans la jungle libanaise. Et ce n’est que le début d’une longue série...

commentaires (4)

Et on appelle ça la joie de vivre à la libanaise...!

LeRougeEtLeNoir

10 h 54, le 18 juillet 2020

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Commentaires (4)

  • Et on appelle ça la joie de vivre à la libanaise...!

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 54, le 18 juillet 2020

  • magistralement decrit l'homo sapiens libanais, qui par ailleurs se prend pour le nombril du monde, a l'image des honorables "gerants" de notre nation.

    Gaby SIOUFI

    10 h 54, le 17 juillet 2020

  • Excellent! Merci Medea de nous livrer ces objets de réflexions concernent notre jungle éthique, sociale et legale.

    tamara inja jaber

    08 h 35, le 17 juillet 2020

  • Tout à fait vrai. Dès que le libanais a un peu de sous ou un peu de pouvoir, il se croit tout permis, il se considère issu de la cuisse de Jupiter, ne respecte plus personne ni aucune loi. Le pays sombre, il est en plein naufrage, mais quelques nantis, certainement de ceux qui ont pillé le pays, continuent de mener une vie de nabab, en narguant le reste du monde. Quelle indécence! Quelle vergogne!

    Georges Airut

    02 h 33, le 17 juillet 2020

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