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Lifestyle - Pendant ce temps, ailleurs...

Sur la Riviera italienne, le « royaume enchanté » de Seborga

Ce coquet village de Ligurie n’est pas la seule micronation non reconnue au monde.

Sur la Riviera italienne, le « royaume enchanté » de Seborga

Le village de Seborga, accroché à la montagne en pleine Ligurie italienne près de Vintimille et de la frontière française, revendique le statut de micronation et fait valoir des documents du XVIIIe siècle attestant que l’endroit n’a jamais été légalement intégré à l’Italie. Marco Bertorello/AFP

Selon la légende locale, les Templiers y auraient caché le Saint-Graal. Un millénaire plus tard, le royaume autoproclamé de Seborga, coquet village surplombant la Riviera italienne, suscite toutes les convoitises, entre folklore médiéval, prétentions au trône et soupçons d’escroquerie.

« C’est comme un conte de fées », disait, avant l’épidémie de coronavirus, Nina Menegatto, élue en novembre 2019 première princesse dans la longue histoire du village. Cette femme d’affaires allemande de 41 ans, yeux bleus et cheveux tirés en arrière – à la manière de Caroline de Monaco –, rend visite à ses sujets, bébé contre la poitrine, déambulant dans les ruelles pavées de ce hameau de montagne de 300 âmes. « Jamais je n’aurais pu imaginer devenir une princesse un jour », confie cette gestionnaire d’une société immobilière à Monaco, dont l’ex-mari Marcello fut neuf ans prince titulaire de Seborga. Marcello a abdiqué l’an passé et, tout naturellement, Nina s’est présentée à sa succession, élue par une poignée de Séborgiens face à une unique challenger. Pour les gens du pays ou les touristes de passage, sa clinquante couronne est exposée à l’office de tourisme, qui sert aussi de boutique à souvenirs kitsch et autres babioles royales.

Et pourtant, on ne badine apparemment pas avec la monarchie à Seborga. Les monarques de ce territoire de quelques km2, accroché à la montagne en pleine Ligurie italienne près de Vintimille et de la frontière française, revendiquent le statut de micronation et font valoir des documents du XVIIIe siècle attestant, selon eux, que l’endroit n’a jamais été légalement intégré à l’Italie. Leur combat est aussi économique : stimuler le tourisme, attirer de nouveaux habitants et éviter le dépeuplement qui a vidé les centres historiques de nombreuses localités transalpines. La princesse Nina souhaite ainsi réintroduire une monnaie locale, le luigino, construire un hôtel de luxe sur une colline voisine qui proposerait une vue sur quatre pays : la France, Monaco, l’Italie et... la principauté de Seborga, ou encore un téléphérique pour relier le village à la côte.

Seborga n’est pas la seule micronation non reconnue au monde : de la principauté de Hutt River en Australie occidentale à la République du Saugeais dans l’est de la France, plusieurs pays souverains autoproclamés frappent monnaie et font flotter au vent leurs propres couleurs. Mais les Séborgiens l’affirment : le statut spécial de leur principauté repose sur des faits et non sur du vent, et ils sont déterminés à ce que le gouvernement de Rome le reconnaisse.

En 954, le village est devenu propriété de moines bénédictins, et ses habitants racontent qu’en 1079, leur abbé a été fait prince du Saint-Empire romain. La puissante dynastie royale de Savoie l’a ensuite acheté en 1697, mais la transaction n’a jamais été officiellement enregistrée. Pour les Séborgiens, cette erreur a rendu la vente caduque et indiquerait même qu’elle n’a jamais eu lieu, alors que les historiens conviennent que l’acte original n’a jamais été retrouvé. Des années de négociations avec le duc de Savoie Victor-Amédée II, futur roi de Sardaigne, pour faire ratifier la vente n’ont jamais abouti. Pour les habitants, cela signifie donc que la principauté a été exclue de l’acte d’unification de l’Italie en 1861 et de la formation de la République italienne en 1946.

« Asseyez-vous à l’ombre »

Y a-t-il donc lieu de considérer ce pittoresque hameau de retraités, qui ne compte qu’une rue principale, comme un État indépendant ? Matthew Vester, professeur d’histoire à l’Université de Virginie occidentale, estime que non, en vertu de « documents montrant que des agents du roi de Sardaigne ont effectivement pris possession de Seborga en 1729, avec le consentement et le soutien des habitants locaux ». Le gouvernement italien ignore, lui, ce qu’il considère comme des élucubrations. La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a déjà rejeté une requête des villageois. Mais Nina Menegatto reste déterminée à poursuivre son combat pour son « royaume enchanté », avec une nouvelle équipe d’avocats.

Pour Paolo Calcagno, professeur associé d’histoire à l’Université de Gênes, l’idée repose en fait sur un mythe car les abbés qui dirigeaient Seborga « n’étaient pas des princes, le titre n’apparaissant jamais dans les documents médiévaux ». Ce qui n’empêcha pas un cultivateur de mimosa, Giorgio Carbone, de relancer dans les années 1960 l’idée de la principauté de Seborga. Et, devenu prince, de rédiger une Constitution, créer un hymne, un blason royal et même une devise : Sub umbra sede (« Asseyez-vous à l’ombre »), comme le raconte Gustavo Ottolenghi, retraité autochtone de 88 ans. Le prince Giorgio leva aussi une armée, qui ne compte aujourd’hui qu’un seul homme, Secondo Messali (64 ans), qui fut aussi ministre de l’Intérieur, des Finances et ancien Premier ministre.

Si, en hiver, seules quelques poignées de randonneurs français viennent sillonner les ruelles tranquilles de la bourgade, la population monte en été à 2 000 personnes, lorsque les bus remplis de touristes viennent pour des excursions d’une journée. Persuadé de détenir le « grand secret » du Saint-Graal, le village n’a pas hésité à en faire la publicité en décorant ses anciennes maisons de pierre avec des images de Chevaliers du Temple ou d’orienter les touristes vers une petite place pittoresque où les pavés forment la croix de l’ordre. Même si la théorie selon laquelle le Graal y serait caché est un « mythe moderne », selon Elena Bellomo, experte des ordres templiers à l’Université de Cardiff. Il n’y a même « aucune preuve de la présence des Templiers dans la région de Seborga au Moyen Âge », dit-elle.

Source : AFP

Selon la légende locale, les Templiers y auraient caché le Saint-Graal. Un millénaire plus tard, le royaume autoproclamé de Seborga, coquet village surplombant la Riviera italienne, suscite toutes les convoitises, entre folklore médiéval, prétentions au trône et soupçons d’escroquerie.« C’est comme un conte de fées », disait, avant l’épidémie de coronavirus, Nina...

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