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Économie - Scandale financier

Tollé contre les superviseurs face au scandale Wirecard

Tollé contre les superviseurs face au scandale Wirecard

Pour les actionnaires de Wirecard, les pertes sont déjà immenses. Photo d’archives AFP

Le scandale financier qui éclabousse la société allemande de paiements en ligne Wirecard met en lumière les graves lacunes des autorités de supervision, ayant permis au groupe de gonfler son bilan avec des comptes présumés fictifs. Cette affaire, qui ternit la réputation de sérieux de l’économie allemande, est « un désastre complet » et une « honte » pour le pays, a reconnu le patron du superviseur financier allemand Bafin, Felix Hufeld. « De nombreuses institutions privées et publiques, dont la mienne, n’étaient pas suffisamment efficaces pour empêcher que cela se produise », a-t-il reconnu, refusant toutefois de porter seul le chapeau. Alors que l’ex-patron de l’entreprise, Markus Braun, a été inculpé hier pour falsification de comptes mais remis en liberté contre une caution de 5 millions d’euros, les commentaires sur la faillite des organismes de contrôle ne sont guère plus amènes dans la presse allemande.

« Honte »

« Il est clair que l’ensemble du système financier allemand s’est couvert de honte », s’est étranglé hier le quotidien Süddeutsche Zeitung. « Entre le superviseur du secteur (Bafin), les agences de notation, les auditeurs, les banques et les sociétés d’investissement, qui ont brûlé des milliards de fonds confiés par des épargnants privés (...) les contrôleurs ont failli à leur tâche », a-t-il ajouté. Les critiques sont d’autant plus vives que la presse n’a cessé dès 2015 d’émettre des doutes sur le modèle économique du prestataire de paiement en ligne bavarois.

Une enquête du Financial Times début 2019 a mis le doigt sur les soupçons de fraude chez Wirecard en Asie. Mais là encore sans conséquences du côté des superviseurs. Jusqu’ici, le Bafin s’était borné à enquêter sur les affirmations de Wirecard affirmant être la proie de spéculateurs, agissant main dans la main avec des journalistes, et sur des accusations de manipulation de cours. « Investisseurs institutionnels, petits porteurs, superviseurs, qui a vraiment compris ce que Wirecard faisait ? » s’est interrogé le quotidien FAZ. Cette situation fait se demander si l’autorité de surveillance dispose réellement « des compétences nécessaires », a dénoncé hier un petit épargnant cité par le journal.

Les soupçons de l’an dernier semblent se confirmer aujourd’hui et l’Allemagne découvre abasourdie l’ampleur d’une fraude rappelant le scandale du groupe énergétique Enron aux États-Unis au début des années 2000 : il avait dû mettre la clé sous la porte après avoir maquillé ses comptes. Après les affaires du Dieselgate chez Volkswagen et les malversations chez Deutsche Bank, la chute de Wirecard, leader dans le segment en plein boom des paiements électroniques, est un nouveau coup porté à l’image de la première économie européenne.

Wirecard a admis lundi qu’une somme de 1,9 milliard d’euros, inscrite à son bilan et censée se trouver sur des comptes appartenant à des banques aux Philippines, n’existait « très probablement » pas. Non seulement les comptes de l’année 2019 n’ont toujours pas été certifiés, mais ceux du passé vont aussi en souffrir, a prévenu l’entreprise.

Le sort de Wirecard entre les mains des banques

Pour les actionnaires de Wirecard les pertes sont déjà immenses. Le titre a perdu près de 90 % de sa valeur entre jeudi et lundi. Divers cabinets d’avocats, dont certains déjà présents aux côtés d’actionnaires floués de Volkswagen au moment du Dieselgate, se mettent déjà en ordre de bataille judiciaire. Dans leur viseur, la société Wirecard et ses dirigeants, mais aussi les commissaires aux comptes d’EY, qui ont approuvé sans sourciller les états financiers jusqu’à l’année 2018 comprise. Pareille polémique avait déjà dans le passé frappé le réseau mondial Arthur Andersen après la faillite retentissante du groupe d’énergie américain Enron.

L’agence de notation Moody’s s’est quant à elle résolue à supprimer la note de crédit de Wirecard, faute d’informations fiables pour évaluer sa solvabilité. Quant aux banques qui ont accompagné l’ascension fulgurante de Wirecard durant la décennie 2010, la plupart font profil bas. Elles vont devoir décider de couper ou pas le robinet du crédit, ce qui priverait l’entreprise de 2 milliards de financement et précipiterait sa faillite.

Jean-Philippe LACOUR/AFP

Le scandale financier qui éclabousse la société allemande de paiements en ligne Wirecard met en lumière les graves lacunes des autorités de supervision, ayant permis au groupe de gonfler son bilan avec des comptes présumés fictifs. Cette affaire, qui ternit la réputation de sérieux de l’économie allemande, est « un désastre complet » et une « honte » pour le...

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