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Politique - Décryptage

Lorsque la grogne populaire coïncide avec le mécontentement diplomatique...

Samedi soir, le président du Conseil Hassane Diab avait à peine achevé son discours télévisé au ton ferme que le centre-ville et d’autres régions du pays devenaient le théâtre de manifestations doublées d’actes de vandalisme.

Pour la première fois depuis sa désignation en décembre 2019, M. Diab avait ouvertement évoqué des tentatives de coup d’État contre son gouvernement en essayant d’exploiter la colère populaire, à la suite de la hausse du cours du dollar par rapport à la livre libanaise. Dans son allocution, le Premier ministre s’est gardé de donner des précisions, mais les interprétations ont immédiatement fusé. Pour les opposants, il s’agissait d’une manœuvre de la part du chef du gouvernement pour détourner l’attention générale des dernières nominations financières annoncées mercredi dernier. Pour les loyalistes, ce serait justement la finalisation des nominations qui aurait poussé ses opposants à réagir dans la rue en exploitant le malaise social et économique. Depuis la décision de Hassane Diab de reporter ces nominations le 2 avril, dans un mouvement de refus du principe de partage des parts confessionnelles et politiques, celles-ci semblaient lointaines. Elles étaient pourtant réclamées par les instances internationales qui les considéraient comme un développement positif, si réalisées selon les critères appropriés, destiné à consolider la position du Liban dans ses négociations avec le FMI. Toutefois, la tendance générale était de considérer que ces nominations étaient vouées à être repoussées aux calendes grecques et que ce report était utilisé par les détracteurs du gouvernement qui l’accusaient de former des commissions et de perdre son temps dans les discussions, au lieu d’agir concrètement. Ces accusations ont d’ailleurs constitué un motif de plus pour le président du Conseil d’aller de l’avant dans ces nominations, quitte à faire des concessions sur le principe de partage des parts. Il s’est ainsi résigné à discuter avec les différentes parties politiques participant au gouvernement, notamment le président de la Chambre, le chef du CPL et les Marada. Cette dernière formation avait fini par charger Nabih Berry de discuter à sa place. Dans la forme, plusieurs noms assortis de leurs CV ont été distribués aux ministres, mais un accord préalable avait été pratiquement conclu qui, tout en respectant les équilibres confessionnels, donnait au Premier ministre le choix pour proposer les noms sunnites, au chef du CPL de suggérer les noms chrétiens, avec toutefois un candidat laissé aux Marada, et au président de la Chambre de s’occuper du reste, c’est-à-dire les candidats chiites et druzes en accord avec le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et le chef du Parti démocratique libanais Talal Arslane.

Le chef du gouvernement avait toutefois insisté sur son refus de maintenir en fonction les personnes dont le mandat était terminé. Ce qui signifiait qu’il fallait remercier les vice-gouverneurs de la Banque du Liban en place, dont un en particulier qui bénéficiait de l’appui à peine dissimulé de l’administration américaine et de son ambassade au Liban. Celle-ci avait d’ailleurs publié un communiqué dans lequel elle reconnaissait qu’elle était satisfaite de la coopération de certaines personnalités ayant des responsabilités dans ce secteur avec les autorités américaines. Il faut préciser que dans le secteur bancaire et monétaire, surtout dans un pays à l’économie aussi « dollarisée » que le Liban, il est important d’établir des relations de confiance avec les parties concernées aux États-Unis. Face au refus du Premier ministre de faire une exception dans les nominations, le président de la Chambre, qui menait principalement les négociations, avait suggéré de prendre la part du Hezbollah chez les chiites et de choisir ainsi des personnalités acceptables pour toutes les parties, en contrepartie du départ du vice-gouverneur sunnite accepté par les Américains. Toutefois, selon des sources proches du dossier, la formule n’a pas convaincu les autorités américaines concernées, qui ont estimé que le gouvernement avait sciemment changé un des vice-gouverneurs parce qu’il bénéficiait de leur confiance, sous prétexte de refuser toute prorogation.

Coïncidence ou pas, les manifestations ont d’ailleurs immédiatement envahi les rues du centre-ville de Beyrouth et d’autres villes. Il s’agissait en principe de protester contre les nominations effectuées sur la base du principe de partage des parts confessionnelles et politiques.

Dans ce contexte explosif, du point de vue populaire, mais aussi politique et diplomatique, le gouvernement ne pouvait plus limoger le gouverneur de la Banque du Liban, pour ne pas accentuer davantage la grogne contre lui et surtout pour ne pas provoquer ainsi indirectement une nouvelle envolée du cours du dollar. D’autant que selon Hassane Diab, des parties lançaient sciemment de fausses informations sur une hausse vertigineuse du dollar, dans le but de provoquer la colère des Libanais. C’est dans ce cadre qu’il a parlé de tentative de coup d’État, les opposants du gouvernement cherchant à profiter d’un « momentum » précis, où la grogne populaire coïnciderait avec un mécontentement diplomatique clair.

En dépit donc d’un débat animé au sein du Conseil des ministres vendredi dernier, la décision de maintenir en place le gouverneur de la BDL a été prise, pour ne pas aggraver encore plus la situation générale du pays et créer ainsi de nouveaux problèmes au lieu de chercher à résoudre ceux qui existent déjà.

Cette décision n’a certes pas calmé les manifestants ni résolu la crise économique, mais selon des sources ministérielles, elle a permis de gagner un léger répit pour essayer de prendre des mesures aussi efficaces que possible. Pour tenter de rassurer les mécontents, le président de la Chambre s’est exprimé depuis le palais de Baabda pour déclarer, en réponse à une question sur un éventuel limogeage du gouverneur de la BDL : « Nous avons besoin actuellement de toutes les capacités. » Le fait de laisser le président de la Chambre s’exprimer depuis le palais présidentiel était d’ailleurs un message clair aux opposants, notamment le courant du Futur et les Forces libanaises, et dans une moindre mesure le PSP, pour leur dire que l’heure n’est pas encore venue de faire tomber ce cabinet...

Samedi soir, le président du Conseil Hassane Diab avait à peine achevé son discours télévisé au ton ferme que le centre-ville et d’autres régions du pays devenaient le théâtre de manifestations doublées d’actes de vandalisme.Pour la première fois depuis sa désignation en décembre 2019, M. Diab avait ouvertement évoqué des tentatives de coup d’État contre son gouvernement en...

commentaires (3)

Le seul éclairage qu'apporte cet écrit c'est la confirmation que ce gouvernement n'est nullement indépendant et technocrate et que le Hezbollah le dirige et décide de ses actes. Il ne pourra rien faire et rien décider surtout après le discours de HN lui intimant d'abandonner la politique libérale du Liban, de le sortir du système monétaire et financier mondial et de le soumettre au ... ... Fakih! Mme, ce qui se passe actuellement au Liban est la formule exacte pour le conduire vers la guerre et l’éclatement car le Hezbollah ne laisse aucun autre choix au peuple quelque soit sa religion, rite ou conviction politique. Marquez donc mes mots, avant fin 2021 le Hezbollah ne sera plus!

Pierre Hadjigeorgiou

09 h 51, le 17 juin 2020

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Commentaires (3)

  • Le seul éclairage qu'apporte cet écrit c'est la confirmation que ce gouvernement n'est nullement indépendant et technocrate et que le Hezbollah le dirige et décide de ses actes. Il ne pourra rien faire et rien décider surtout après le discours de HN lui intimant d'abandonner la politique libérale du Liban, de le sortir du système monétaire et financier mondial et de le soumettre au ... ... Fakih! Mme, ce qui se passe actuellement au Liban est la formule exacte pour le conduire vers la guerre et l’éclatement car le Hezbollah ne laisse aucun autre choix au peuple quelque soit sa religion, rite ou conviction politique. Marquez donc mes mots, avant fin 2021 le Hezbollah ne sera plus!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 51, le 17 juin 2020

  • Malgré des allusions à peine voilées-et non étayées-à des ingérences étrangères dans les manif, ce papier est précieux par la somme de scoops qu'il contient. SH nous montre le dessous des cartes ce qui éclaire pas mal de développements récents.

    Marionet

    05 h 41, le 17 juin 2020

  • Dans la forme, plusieurs noms assortis de leurs CV ont été distribués aux ministres, mais un accord préalable avait été pratiquement conclu VOUS ETES CLAIRE CETTE FOIS CI : ON SE MET D'ACCORD MAIS POUR QUE LA LOI SOIT RESPECTEE ON MET 2 AUTRES NOMS BIDONS A CHAQUE POSTE DIAB A VITE APRIS QUI GOUVERNE ET QUI EMPECHE LE PREMIER MINISTRE D'AGIR COMME LA LOI LE REQUIERE ON AVANCE UN CONSEIL DE MINISTRES POUR NOMMER UNE PERSONNE PRECISE, ON AUTORISE DIAB DE NOMMER LES SUNNITES ET ON NOMME LE PRESIDENT D'UNE MOHAFAZA QUI N'EST MEME PAS ENCORE CREE DANS LE JOURNAL OFFICIEL tout cela au nom du principe d'un gouvernement operant ouvertement avec clarte la formule n’a pas convaincu les autorités américaines concernées, VOUS AVEZ RAISON EN CE MOMENT LE SEUL PROBLEME QUI OCCUPE LE PRESIDENT TRUMP C'EST LE LIBAN IL NE DOIT PAS EN DORMIR DE LA NUIT BRAVO MADAME CAR POUR UNE FOIS VOUS ANALYSEZ SANS UNE SOURCE PROCHE MAIS PAR VOTRE PROPRE ETUDE DES REALITES SUR LE TERRAIN

    LA VERITE

    01 h 17, le 17 juin 2020

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