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Le secteur du livre au Liban face à la crise

Partout dans le monde, l'épidémie du coronavirus a frappé tous les secteurs de l'économie dont celui du livre, provoquant la fermeture momentanée ou définitive de nombreuses imprimeries, maisons d'édition et librairies. Qu'en est-il au Liban ? L'Orient littéraire a interrogé trois acteurs locaux de ce secteur vital.

Maroun Nehmé : « L'importation de livres est en danger. »

Maroun Nehmé, président du syndicat des importateurs de livres, éditeur et libraire, tire la sonnette d'alarme : « La pandémie n’a épargné aucun des métiers du livre dans ce pays : la librairie de détail, l’importation, la distribution et l’édition – sachant que l’édition libanaise produite au Liban a été réduite de moitié et celle produite en Chine ou en Inde pratiquement réduite à zéro. J’ai été surpris au début du confinement par la décision cavalière du gouvernement de limiter les heures d’ouverture des librairies à trois heures en matinée (de 8 heures à 11 heures). Les choses se sont un peu arrangées depuis. La deuxième difficulté majeure est liée évidemment à la crise économique, à la chute de la livre libanaise et à la hausse des prix que les lecteurs n’arrivent plus à suivre, une hausse que les membres du Syndicat des importateurs de livres essaient d’atténuer. De même, nous déplorons un niveau particulièrement élevé des impayés chez les libraires et établissements scolaires. »

Quelles solutions préconise-t-il ? « Pour importer le livre, et plus particulièrement le livre scolaire, et le distribuer à un prix stable en livres libanaises, l’État libanais et la Banque du Liban doivent nous permettre d’acquérir des devises transférables à un taux raisonnable, à l’instar des importateurs de produits de première nécessité. Les autorités assument la responsabilité de toute hausse ou pénurie dans ce domaine. De même, les fournisseurs français ont besoin d’une assurance-crédit pour exporter vers le Liban. Or le Syndicat des importateurs subit de plein fouet les conséquences du retrait de la COFACE du marché libanais, suite au défaut de paiement du Liban en mars dernier. Les tentatives de remplacement de la COFACE par un autre assureur garanti par l’État français n’ont pas abouti à ce jour. Cela compromet gravement l’importation des livres de France et augure d’une pénurie à la prochaine rentrée scolaire.

La bonne nouvelle pourrait venir de l’ambassadeur de France au Liban qui a promis qu’il ne nous laissera pas tomber. Ne serait-il pas scandaleux d’abandonner un pays dont le nombre d’élèves scolarisés dans le système français est au premier rang dans le monde ? »

Malaké Lahoud :« Une baisse de la demande du livre scolaire importé est à craindre. »

Pour Malaké Lahoud, responsable du département français à la Librairie Antoine, les difficultés auxquelles les libraires sont confrontées sont multiples : difficulté de transférer des devises à l’étranger donc difficulté de payer les fournisseurs ; dépréciation de la livre libanaise, d’où une augmentation des prix de vente du livre et une diminution du pouvoir d’achat des clients et par conséquent une baisse du chiffre d’affaires. « La crise du coronavirus a entraîné des fermetures de PDV (dans les centres commerciaux) ou des ouvertures partielles, déplore-t-elle. Les ventes online ont certes progressé d’une manière significative, mais de manière insuffisante pour combler la chute des ventes en librairie. Il est certain que l’importation en général et du livre en particulier pose problème. Toutefois, la Librairie Antoine continue d’importer les nouveautés, mais en quantités révisées à la baisse. »

À quoi faut-il s'attendre concernant le livre scolaire ? « Nous nous attendons à une baisse généralisée de la demande du livre scolaire importé (à cause de la fermeture d’écoles privées, du recours au livre usagé ou à la pratique anarchique et illégale de la photocopie), répond-elle. Ceci est inquiétant pour le maintien de la qualité de l’éducation au Liban et de la francophonie... »

 

Antoine Saad : « Il faut désormais essayer d'atteindre les lecteurs en tant qu'individus et non plus en masse. »

Pour l'éditeur Antoine Saad, patron de Dar Saer al-Mashreq, « l'économie du Liban agonisait déjà avant la survenance du coronavirus qui a porté le coup de grâce à cette industrie qui s'éteignait lentement. Ce virus a coupé les dernières veines qui l'alimentaient encore : les salons du livre locaux et régionaux, les séances de dédicace et les ventes en librairie... Cet arrêt subit et presque complet des ventes a été d'autant plus catastrophique que de nombreuses nouvelles parutions ont été imprimées sans que nous soyons en mesure de les écouler pour couvrir au moins les frais d'impression. »

Les ventes en ligne sont-elles la solution ? « On a mis plus d'efforts pour améliorer les ventes directes via WhatsApp et d'autres réseaux sociaux, affirme-t-il. On a pu ainsi atteindre des lecteurs cherchant à lire en ce temps de confinement. Je crois que les efforts doivent être déployés pour améliorer les moyens d'atteindre les lecteurs en tant qu'individus et non plus en masse... »


Partout dans le monde, l'épidémie du coronavirus a frappé tous les secteurs de l'économie dont celui du livre, provoquant la fermeture momentanée ou définitive de nombreuses imprimeries, maisons d'édition et librairies. Qu'en est-il au Liban ? L'Orient littéraire a interrogé trois acteurs locaux de ce secteur vital.Maroun Nehmé : « L'importation de livres est en danger. »Maroun...

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