Une nouvelle formation politique sunnite doit prochainement voir le jour, avec pour mission principale d’« œuvrer pour rétablir, au niveau national, un équilibre rompu par la double hégémonie du Hezbollah et du Courant patriotique libre (CPL) sur l’État ».
L’annonce a été faite hier par Radwan el-Sayyed, intellectuel et analyste politique proche de l’Arabie saoudite, et un des fondateurs, avec l’ancien député Farès Souhaid et un groupe d’activistes politiques, du mouvement de l’Initiative nationale, lancé en mars 2020. Les objectifs de la nouvelle formation sunnite, baptisée le Rassemblement national, convergent avec ceux de l’Initiative nationale, dans la mesure où elle se propose de militer pour le respect de l’accord de Taëf et de la Constitution et de lutter contre les dérives qui ont dénaturé le système libanais et débouché sur l’effondrement du pays.
Radwan el-Sayyed a été très dur à ce niveau, en pointant du doigt « la responsabilité combinée du Hezbollah, avec ses armes, et du CPL » dans les dérives qui ont fait perdre au Liban tous ses repères constitutionnels et structurels. Dans la conférence de presse qu’il a tenue hier à midi au siège du Lebanese Center for Research and Studies (LCRS) à Achrafieh, en présence des membres de l’Initiative nationale, il a vivement dénoncé un « double radicalisme, chiite et chrétien ». « Le radicalisme chiite conduit par le Hezbollah a atteint son apogée au cours des dernières années avec une hégémonie totale sur les présidences de la République, du Parlement et du Conseil. En 2006, il a scellé une alliance avec le radicalisme chrétien conduit par le général Michel Aoun et le CPL, et devenu depuis 2014 à la tête du nouveau commandement politique des chrétiens du Liban », a critiqué Radwan el-Sayyed avant d’accuser les deux d’avoir « opéré des changements au niveau du système libanais ». « Ils ont commencé par la Constitution, le concept de coexistence et les relations du pays avec les deux mondes arabe et occidental et ont fini par altérer les systèmes économique et financier et le règne de la loi », a-t-il dit, en allusion au blocage au niveau des nominations judiciaires.
Selon les explications de Radwan el-Sayyed, qui a été l’un des conseillers de l’ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri, la mise en place d’un Rassemblement national sunnite se justifie par « le malaise qui prévaut au sein de cette communauté du fait de la dissolution de la notion d’État au profit de ce double radicalisme. Ce sont les sunnites qui se plaignent le plus de la perte de l’État et du système » politique. Il ne s’agit pas d’y opposer un radicalisme sunnite mais d’établir, à l’échelle du pays, des structures qui mèneront une série d’activités politiques et sociales allant toutes dans le sens d’une promotion de la citoyenneté et de l’État de droit, a-t-il encore expliqué en substance.
Vue sous cet angle, l’initiative de M. Sayyed tend donc à essayer de rassembler de nouveau la communauté sunnite, autour des principes fédérateurs de citoyenneté et d’édification d’un État de droit, qu’elle défendait depuis la révolution du Cèdre en même temps que d’autres formations chrétiennes. Le compromis présidentiel dans lequel le chef du courant du Futur, Saad Hariri, s’était engagé et qui avait permis de hisser le fondateur du CPL, le général Michel Aoun, à la tête de la République, avait été mal vécu au sein de cette communauté, d’autant que l’alliance Hezbollah-CPL a donné lieu à une hégémonie qui s’est faite au détriment du courant du Futur et donc de la communauté sunnite. « Les sunnites – autant le public que l’élite – sont les plus attachés au document d’entente nationale, à la Constitution et aux exigences de la coexistence et les plus hostiles aux armes illégales et à l’hégémonie bassilienne (en référence au chef du CPL, Gebran Bassil) sur les structures de l’État, même dans leurs régions », a martelé M. Sayyed, avant de souligner la volonté du Rassemblement national de collaborer avec d’autres formations attachées, comme lui, « aux trois légalités fondamentales : la légalité nationale constitutionnelle et démocratique, la légalité arabe et la légalité occidentale sur lesquelles le Liban a été fondé et que les radicaux essaient aujourd’hui d’annihiler tantôt en appelant à modifier le système libanais, tantôt en plaidant pour le fédéralisme ».
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Je rêve d'un Liban où la religion disparaît de nos cartes d'identité... Je rêve d'un Liban où des hommes politiques lancent un mouvement basé sur un programme économique, social et éducatif et non un projet communautaire. Tant que le concept communautariste occupe le cerveau de nos hommes politiques, on continuera notre descente vers les abîmes sans aucun espoir pour les générations futures.
mokpo
23 h 14, le 03 juin 2020