Rechercher
Rechercher

Politique - Israël-Hezbollah

Quel impact de l’escalade israélienne en Syrie sur le Liban ?

L’intensification des frappes de l’État hébreu contre la présence militaire iranienne dans le pays voisin s’accompagne d’une fébrilité accrue dans l’espace aérien libanais. Toutefois, l’éventualité d’une guerre ouverte, quoique possible, reste limitée, selon des analystes.

Une zone frontalière calme... pour l’instant, au Liban-Sud. Joseph Eid/archives AFP

Le couvre-feu imposé dans le cadre de la lutte contre le coronavirus aidant, il est difficile de ne pas entendre, dans le silence des nuits, le vrombissement fréquent de drones et d’avions israéliens, qu’ils survolent simplement le territoire libanais ou qu’ils utilisent son espace aérien pour mener des frappes en Syrie contre des cibles liées à l’Iran et à ses supplétifs, notamment le Hezbollah.Pas plus tard que mercredi dernier, un drone de reconnaissance israélien a survolé le Liban-Sud et l’Anti-Liban, une opération loin d’être orpheline : tirs de fusées éclairantes, incursions en territoire libanais, survols massifs d’avions de chasse et de drones israéliens, notamment au-dessus de Beyrouth, sont monnaie courante ces dernières semaines. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, l’a relevé mercredi soir dans le cadre de sa présentation sur le Liban devant le Conseil de sécurité. Que signifie ce regain d’activité ? L’État hébreu prépare-t-il quelque chose au Liban-Sud ? Cherche-t-il à modifier le statu quo à son profit dans cette région, à un moment où l’on parle de réduire les effectifs de la Force intérimaire de l’ONU (Finul), en raison de la crise mondiale, ou bien s’efforce-t-il simplement de tester les intentions du Hezbollah parallèlement à l’escalade à laquelle il recourt en Syrie ? De fait, les frappes israéliennes se sont multipliées dans le pays voisin – pas moins de cinq en deux semaines – visant à accentuer la pression sur l’Iran. Outre la fréquence des raids, on assiste à un élargissement du rayon géographique des hostilités, visant désormais des provinces éloignées, comme Alep et Deir ez-Zor. Les attaques sont menées contre des bases militaires, mais aussi contre des convois qui, selon les Israéliens, transportent des armes. Le 15 avril dernier, un véhicule civil appartenant à des combattants du Hezb a été détruit au poste syrien de Jdeidet Yabous, à la frontière avec le Liban, par un drone : ses passagers en ont réchappé de justesse.

Rôle « grandissant » du Hezbollah

Mohanad Hage Ali, chercheur au Carnegie Middle East Center, lie les tensions au Liban-Sud, la question du renouvellement de la Finul et les frappes israéliennes en Syrie au « rôle grandissant du Hezbollah en Syrie et dans la région, notamment en Irak ». Le chercheur estime que ce regain trouve son origine dans l’assassinat en janvier du général Kassem Soleimani, homme fort de l’Iran dans la région, lors d’une opération américaine, et au fait que son successeur à la tête de la brigade al-Qods des gardiens de la révolution, Esmaïl Qaani, est davantage un connaisseur de l’Afghanistan que du Moyen-Orient.

« Cette succession qui s’est faite dans l’urgence a conféré au Hezbollah, plus impliqué dans la région que le nouveau responsable iranien, un rôle grandissant, dit-il. Dès après les funérailles de Soleimani, le secrétaire général adjoint du parti, Naïm Kassem, a déclaré que le Hezbollah se trouve désormais face à de nouvelles responsabilités. Et ce changement s’est fait sentir en Syrie : la présence du parti s’est clairement étendue. On a vu (les combattants du Hezbollah) s’impliquer dans la bataille d’Idleb, ce qui se serait heurté, auparavant, à un refus iranien. »

Selon Mohanad Hage Ali, le Hezbollah chercherait aujourd’hui à « instaurer une présence durable et continue en Syrie par la construction d’infrastructures stables, et les Israéliens, de par leurs attaques aériennes, tentent de l’en empêcher ».

Israël « joue à un jeu bien rodé » avec le Hezbollah, mais il a ses limites, affirme de son côté Mohammad Obeid, analyste proche des vues du parti chiite. « Je pense qu’Israël craint la puissance militaire stratégique du Hezbollah, d’Iran et du régime en Syrie. » Selon lui, « le régime, qui a vaincu les groupes terroristes avec l’aide de ses alliés, garde en tête l’option stratégique de la libération du Golan et, pour ce faire, a réussi à constituer cette force militaire centrale qui inquiète les Israéliens ».

Disant se baser sur des informations et non sur de simples analyses, M. Obeid affirme que les trois alliés ont réussi, en grande partie, à mettre leurs installations à l’abri des frappes israéliennes. « Les bombardements visent souvent des convois considérés comme transportant des armes au profit du régime syrien, dit-il. Mais le Hezbollah connaît bien la tactique israélienne et les bombardements n’atteignent que 10 % de leurs objectifs dans le meilleur des cas. Les avions ciblent souvent aussi les bases militaires et les centres, mais les Israéliens affirment souvent qu’il s’agit d’usines pour la production de missiles de précision, ce qui n’est pas le cas. De toutes les manières, le succès israélien dans l’affaiblissement de la force militaire syrienne et alliée reste limité. »

Attaquer ou laisser faire ?

Mais peut-on craindre que le front du Liban-Sud ne s’embrase à nouveau ? « Telle est la grande question, répond Mohanad Hage Ali. Il faut retenir un certain nombre d’indicateurs. D’une part, il y a cette escalade en Syrie. D’autre part, on ne peut occulter les développements à l’intérieur d’Israël. Après de longues tractations, nous assistons à la formation d’un gouvernement d’union nationale suite à une entente entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ex-adversaire politique Benny Gantz. » Or, selon le chercheur, l’histoire a montré que les gouvernements d’union nationale en Israël sont plus enclins à se lancer dans des guerres, peut-être en raison du fait que le consensus est plus facile à obtenir dans ce cas, trouvant que la configuration ressemble à celle qui avait précédé l’attaque de juillet 2006.

Toutefois, rappelle M. Hage Ali, « un indicateur n’est en aucun cas une preuve formelle ». « Il existe un autre scénario, tout aussi plausible, poursuit-il. Les Israéliens peuvent ne pas passer à l’offensive et regarder tranquillement le Liban se désagréger. Ce pays, après tout, se débat dans des crises multiples : économique, financière, sociale, du fait de la contestation populaire, sanitaire avec le coronavirus… Il y a quelques années, un analyste israélien écrivait, parlant des pays arabes, qu’il fallait les “laisser se suicider”. Cette option pourrait paraître d’autant plus séduisante aux yeux du nouveau gouvernement israélien que sa priorité est le redressement économique interne, notamment en vue de juguler les conséquences de la pandémie. »

Il se demande cependant si la tentation de l’aventure guerrière ne se manifesterait pas du côté libanais, en d’autres termes si le Hezbollah lui-même ne provoquerait pas de conflit, pour sortir d’une impasse interne. « Cette option serait cependant très risquée pour le Hezb, souligne-t-il. On lui reprocherait de précipiter un pays en crise dans une guerre, et il devrait alors assumer intégralement le poids de l’effondrement qui s’ensuivrait. »

L’expert pense donc que le risque d’une escalade au Liban-Sud existe, mais qu’il reste limité pour le moment. « On remarque notamment que les frappes israéliennes en Syrie se concentrent jusqu’ici sur la destruction d’infrastructures construites par le Hezbollah, plutôt que de cibler des combattants, ce qui aurait pu l’obliger à riposter, explique-t-il. C’est comme si l’objectif de ces frappes est d’empêcher qu’il ne s’installe durablement dans ce pays, plutôt qu’autre chose. D’ailleurs, comme le remarquait récemment James Jeffrey, représentant spécial des États-Unis pour l’engagement en Syrie, l’Iran et ses alliés sont moins puissants en Syrie qu’au Liban et en Irak, peut-être en raison de l’influence russe ou encore de la nature du régime syrien qui possède les outils pour limiter l’ingérence dans ses affaires internes. Ou encore compte tenu du fait que le milieu chiite est moins présent en Syrie que dans les deux autres pays. »

Brèches ouvertes sur la frontière

De son côté, et malgré l’intensification des frappes, Mohammad Obeid estime qu’il n’y a rien de vraiment nouveau dans le conflit entre les deux parties, notant cependant « l’instabilité politique sur la scène interne israélienne ». « Netanyahu profite du temps perdu et de la diversion créée par la crise mondiale du coronavirus pour mener ses opérations », poursuit-il.

Il ajoute cependant que « la seule nouveauté en l’occurrence est celle de l’action du Hezbollah qui a suivi le ciblage du véhicule de ses militants en Syrie le 15 avril dernier. Les médias ont relevé que le Hezbollah a ouvert une brèche sur la ligne frontalière, mais en vérité, il en a ouvert trois, assure-t-il. Cette action est, d’une part, un message à l’ennemi, qui montre que le Hezbollah peut changer les règles du jeu à n’importe quel moment, et, d’autre part, que le parti a clairement lié le front syrien au Liban-Sud ».

N’est-ce pas mettre le Liban en danger d’un embrasement du front méridional ? « Je ne pense pas qu’une guerre, ni même une bataille limitée soient une option, répond M. Obeid. Israël ne peut se lancer dans une aventure que ni les États-Unis ni personne ne peuvent couvrir dans les circonstances actuelles. D’autant plus que le Hezbollah a tout à fait les moyens de riposter. »

Le couvre-feu imposé dans le cadre de la lutte contre le coronavirus aidant, il est difficile de ne pas entendre, dans le silence des nuits, le vrombissement fréquent de drones et d’avions israéliens, qu’ils survolent simplement le territoire libanais ou qu’ils utilisent son espace aérien pour mener des frappes en Syrie contre des cibles liées à l’Iran et à ses supplétifs,...

commentaires (12)

Ils sont rusés et fourbi comme on dit en Italien les sionistes laissent les pays arabes à se déchirer et ils reussîssent , les gagnants sont les sionistes

Eleni Caridopoulou

21 h 04, le 17 mai 2020

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Ils sont rusés et fourbi comme on dit en Italien les sionistes laissent les pays arabes à se déchirer et ils reussîssent , les gagnants sont les sionistes

    Eleni Caridopoulou

    21 h 04, le 17 mai 2020

  • Le suicide forcé du Liban s’opère avec la bénédiction de notre président tellement coopérant et docile avec les suicidaires qui veulent emporter le pays avec eux. Ce Liban dont il n’en ont rien à cirer se retrouve coincé entre une organisation terroriste qui fait la pluie et le beau temps, qui décide de la guerre comme de la trêve sous le nez et la barbe de nos dirigeants pour sauver soit disant le Golan ou les droits palestiniens alors que notre pays se meure. Comment croire un seul instant qu’ils sont libanais et qu’ils sont là pour résister à une quelconque invasion lorsque ce sont eux qui ont envahi le pays pour mieux le piller et le détruire pour le bien des autres pays et pour leur ego. Lorsqu’un chef de parti vendu annonce l’incapacité de l’armée à contrôler les frontières, personne ne trouve à redire. Où sont donc les hauts placés de notre armée pour lui clouer le bec? Où est notre président pour contrer les complots en prenant possession de nos frontières et chasser tous ces parasites qui rongent notre pays? En qualité de quoi un chef de parti déclare incompétente l’armée libanaise à protéger notre pays? A croire que dignité et patriotisme ne font plus recette dans les rangs des gouvernants, ils ont été remplacés par intérêt personnel et comptes en banque.

    Sissi zayyat

    13 h 43, le 15 mai 2020

  • Tout le monde sait que le Hezbollah et Israël ont établi un armistice tacite depuis bien longtemps avec des lignes rouges bien définies, qu’ils sont l’un pour l’autre des chiens qui aboient et ne mordront JAMAIS.

    Citoyen libanais

    11 h 39, le 15 mai 2020

  • L’impact de la guerre en Syrie ? Mais pas un mot sur l’attitude de la Russie poutinienne, gardienne du temple bassiste, mais jusqu’à quand ? De l’impact, et dans tous les domaines, qu’on met de côté, éducation, immobilier, logement, etc, etc, et surtout la question des réfugiés syriens dans un Liban pays de réfugiés. Il ne faut pas fermer les yeux, c’est le Hezbollah qui nous relie à ce conflit, et le rôle de quelques pro-syriens (quand ils n’ont pas changé de peau pour devenir des opposants) n’est pas à comparer avec son action en Syrie… C’est par ce biais là que la guerre sera de retour. Quand je lis : ""……drones et d’avions israéliens, qu’ils survolent simplement le territoire libanais ou qu’ils utilisent son espace aérien…"", mais c’est bien connu, notre pays n’est pas souverain, son espace aérien est une passoire, et ses frontières terrestres sont tellement poreuses qu’on se livre à toutes sortes de trafic au nom de la fraternité avec les voisins syriens…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    11 h 12, le 15 mai 2020

  • LA PARISIENNE: Bien vu ce commentaire diplomatique!

    Saab Edith

    10 h 59, le 15 mai 2020

  • """Quel impact de l’escalade israélienne en Syrie sur le Liban ?"""............................. Autrement dit quel impact de la guerre en Syrie sur notre pays ? S’il faut résumer en un mot, je dirai que quand le pot de fer israélien, touche le pot de terre syrien, c’est le Liban qui paye les pots cassés, et là je n’ai rien dit, parce que l’enjeu de la guerre en Syrie est sa partition en zones confessionnelles, et le Liban constituait l’avant-garde. La guerre en Syrie est la suite de ce qui s’est passé chez nous, quand cette même équipe au pouvoir en Syrie, et elle en a l’expertise, faisait le ""sale boulot"" chez elle, comme elle l’a fait durant des décennies chez nous. C’est plutôt l’impact de la guerre au Liban sur la Syrie, avec le retard qu’on connaît, et les Syriens ne déclaraient pas pendant l’occupation, qu’ils ne voulaient pas d’un ""couloir de conspiration"" (sic) au Liban, comme pour repousser le mauvais sort. Ils savaient depuis longtemps ce qui va leur arriver.......

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 57, le 15 mai 2020

  • Donc, le "parti divin"qui se dit "résistant" n'est en réalité qu'une société guerrière, dirigée par une chef-mercenaire avide de puissance et de reconnaissance...prêt à sacrifier le Liban qui l'héberge, pour réaliser ses projets qui sont tout sauf d'inspiration divine. Lui-même se sait tellement aimé et apprécié par tout le monde...qu'il se cache en permanence à des mêtres sous-terre ! En plus il s'offusque que des pays comme l'Allemagne tentent par tous les moyens de limiter ses actions chez eux. Comme quoi ce parti divin a réussi de se mettre en ôdeur de sainteté partout où il se trouve dans le monde... Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 27, le 15 mai 2020

  • En effet la cible mortelle serait de voir le Liban se désagréger avec ses crises sociales et perdre ainsi son entité.

    Antoine Sabbagha

    08 h 43, le 15 mai 2020

  • Et dire que le Liban pourrait très facilement contribuer à calmer le jeu!! Il lui suffirait de faire réellement ce qu'il prétend: fermer TOUS les points de passage illégaux a frontière libano-syrienne. En empêchant le passage des combattants du Hezbollah, le Liban s'attirerait une reconnaissance internationale qui lui serait bien utile dans les circonstances actuelles.

    Yves Prevost

    07 h 16, le 15 mai 2020

  • FEKHAR I KASSER BA3DOU. NOUS NOUS EN FOUTONS DES DEUX OU DES TROIS PLUTOT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 10, le 15 mai 2020

  • En suivant les infos sur les chaines TV : Sur les chaines israeliennes, ils sont clairs: leur objectif c'est la syrie et les tunnels à l'est syrien où les iraniens planquent leurs armes. Quant aux chaines iraniennes et syriennes: le combat est préféré par ceux là , au liban ( loin de leur pays). ils ne veulent pas de destructions chez eux. MAIS si vous écoutez les chaines TV libanaises? Eh bien vous saurez ce que Haifa wehbé fait et chante durant son confinement... En résumé? Les libanais s'en tapent mais les autres veulent impliquer le liban dans leurs guerres.

    LE FRANCOPHONE

    00 h 47, le 15 mai 2020

  • Tout cela pour nous dire quoi? Qu’une épée de Damoclès nous pend au-dessus de la tête depuis la victoire divine du Hezbollah en 2006? On peut retomber dans une guerre destructrice totale à tout moment: il suffit d’un dérapage stupide et mal calculé d’un côté ou de l’autre... C’est un peu, dans les coulisses, cette tension morbide qui rendait notre pays instable et aurait poussé les investisseurs étrangers à nous abandonner... Seul côté positif, et comme vous le dites, les israéliens préfèrent laisser les pays arabes se suicider eux-mêmes... Et c’est bien ce qui se passe au Liban: on n’a pas besoin de notre ennemi du Sud pour détruire encore plus l’infrastructure économique et sociale du pays: nos politiciens véreux font bien l’affaire!

    Saliba Nouhad

    00 h 40, le 15 mai 2020

Retour en haut