Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, présidant un Conseil des ministres au Sérail, à Beyrouth, le 14 mai 2020. Photo Dalati et Nohra
Le gouvernement libanais a approuvé jeudi le texte des contrats de coopération qui pourraient être signés entre l'Etat et les sociétés internationales intéressées par les projets de construction de nouvelles centrales électriques au Liban, alors que le secteur de l'électricité est en crise depuis des dizaines d'années et constitue un des principaux postes du déficit budgétaire du pays.
"Nous nous sommes mis d'accord sur le texte de l'accord de coopération, avec quelques amendements concernant des détails et des conditions de réciprocité" entre les parties, a annoncé le ministre de l'Energie, Raymond Ghajar, à l'issue du Conseil des ministres tenu au Sérail. Il a souligné que les textes établis pour les différentes entreprises et présentés au gouvernement par le ministère de l'Energie avaient été unifiés. M. Ghajar a encore affirmé que les sociétés concernées sont "prêtes à coopérer" et que Pékin avait notamment exprimé son intérêt dans un financement des projets de construction. "Nous avons préparé un cahier des charges, qui comprend notamment les usines de production de Deir Ammar, Selaata et Zahrani", a-t-il affirmé.
De son côté, la ministre de l'Information, Manal Abdel Samad, a annoncé que le gouvernement avait approuvé la demande de M. Ghajar de négocier avec les sociétés intéressées par de tels projets, sur base de la version de l'accord de coopération présentée par le ministre et amendée lors du Conseil. M. Ghajar devra présenter au gouvernement un rapport sur ces négociations, a-t-elle ajouté, soulignant que tout plan approuvé par les différentes parties devrait commencer par des travaux au niveau de Zahrani, au Liban-Sud.
Début avril, le ministre Ghajar avait mené, à la demande du gouvernement, des négociations avec quatre sociétés différentes : l’Allemande Siemens, l’Américaine General Electric, la Japonaise Mitsubishi et l’Italienne Ansaldo. Fin avril, des représentants de Siemens et de General Electric avaient assisté à une réunion de la commission parlementaire de l'Energie, à l'issue de laquelle le président de la commission, Nazih Najm, avait déclaré que le Liban pourrait produire de l'électricité 24 heures sur 24 "d'ici 20 mois".
Le fait que le gouvernement ait choisi de mener des négociations bilatérales avec les compagnies intéressées va toutefois à l’encontre des normes de passation de marchés publics et de transparence convenues lors de la conférence CEDRE, qui a eu lieu à Paris il y a deux ans. La communauté internationale s’y était engagée à accorder près de onze milliards de prêts concessionnels au Liban pour le financement de projets de modernisation des infrastructures, à condition que le gouvernement mette en place une série de réformes structurelles et sectorielles. La réforme du secteur de l’électricité est l’un des principaux axes du processus CEDRE. Le plan approuvé par le gouvernement Hariri quelques mois après la conférence de Paris, et qui a été repris par le gouvernement de Hassane Diab dans sa déclaration de politique générale, prévoit une hausse des tarifs de l’électricité, parallèlement à une hausse de la production à travers le déploiement – à la suite d'un appel d’offres – de centrales temporaires puis durables à Zahrani et à Selaata (Liban-Nord) ainsi que des travaux d’extension et de modernisation du réseau de distribution. La création d’une autorité de régulation du secteur de l’électricité et la nomination d’un conseil d’administration à Électricité du Liban font aussi partie des prérequis convenus lors de la CEDRE avant l’octroi de tout financement.
Ces négociations interviennent alors que le secteur de l'électricité et plusieurs responsables, notamment au sein du ministère de l'Energie et de d'Electricité du Liban, se retrouvent mêlés à un scandale concernant l'approvisionnement des centrales électriques du pays en fuel défectueux.
Contrebande
Le gouvernement a par ailleurs décidé de confisquer tous les camions, camions-citernes et autres véhicules utilisés lors d'opérations de contrebande de mazout et de farine vers la Syrie, a annoncé la ministre de l'Information. Tous les chargements confisqués seront transférés à l'armée libanaise et aux forces de sécurité, a-t-elle précisé. Cette décision fait l'objet d'un décret et ne nécessite donc pas d'amendement législatif devant être avalisé par le Parlement.
Le scandale de la contrebande transfrontalière est revenu sur le devant de la scène ces derniers jours et a fait l'objet d'un Conseil supérieur de la défense mercredi au palais de Baabda. Les responsables présents à cette réunion avaient décidé de renforcer la lutte contre le trafic de marchandises à destination de la Syrie via des points de passage illégaux.
"Des négociations sont en cours avec le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, afin d'injecter des dollars dans le marché libanais", a par ailleurs annoncé Mme Abdel Samad. Depuis l'été, le marché doit faire face à une limitation de la circulation des devises, dans le cadre d'une grave crise économique et financière.
Négociations "délicates" avec le FMI
Au début de la séance, le Premier ministre, Hassane Diab, a commenté la question des négociations avec le Fonds monétaire international, qui ont démarré par visioconférence mercredi. Selon des propos rapportés par la ministre de l'Information, M. Diab a exprimé l'espoir que ces négociations "ne prendront pas trop de temps". "Le gouvernement va veiller à ce que tout engagement vis-à-vis du programme du Fonds n'impose pas davantage de pressions sur les Libanais. Les négociations seront donc délicates et nous étudierons toutes les mesures proposées avec grand soin", a-t-il ajouté. "Nous accueillons favorablement toute aide octroyée au Liban", a-t-il ajouté. M. Diab a encore souligné qu'il "n'acceptera pas que les dossiers de la chute du taux de la livre libanaise et du fuel défectueux soient détournés" à des fins politiques. "Nous n'intervenons pas dans les enquêtes sur ces différents dossiers, mais les Libanais ont le droit de savoir pourquoi la livre chute et qui manipule les taux", a ajouté M. Diab, cité par la ministre Abdel Samad. "Il faut dévoiler les noms de toutes les personnes impliquées" dans ces deux dossiers, a-t-il lancé.
En outre, selon des informations de la chaîne locale d'informations LBCI, le Premier ministre a décidé de ne pas renouveler ni prolonger le mandat d'aucun responsable actuellement en poste dans l'administration et les institutions étatiques. Cette décision intervient alors que plusieurs dossiers de nominations font polémique sur la scène politique, notamment en ce qui concerne le mohafez de Beyrouth, Ziad Chebib, et plusieurs postes, comme ceux des vice-gouverneurs et du commissaire du gouvernement au sein de la Banque du Liban.
commentaires (11)
Comment croire dans ces gens et leurs leaders lorsque pour une simple signature d’un projet imaginaire ils qualifient l’événement d’un jour historique comme s’ils avaient foulé la planète Mars alors que les gouvernements des autres pays prennent des décisions autrement plus conséquentes en se réunissant et votant en quelques minutes pour des projets hautement plus significatifs et constructifs pour leurs citoyens et pour leur pays? Chez nous les moments de signatures sont qualifiés d’historique et les décisions rejoignent les piles de dossiers signés quand ils ne sont pas détruits pour la gloire de certains vendus.
Sissi zayyat
12 h 53, le 17 mai 2020