Après la rencontre entre Hussein Khalil, l’adjoint du secrétaire général du Hezbollah, avec l’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui, bien qu’ayant fait l’objet d’un démenti, semble avoir eu lieu, la visite du chef du PSP, Walid Joumblatt, lundi à Baabda a montré la difficulté de former un véritable front d’opposition au gouvernement de Hassane Diab.
Pourtant, depuis le retour de M. Hariri à Beyrouth et ses positions en flèche contre le gouvernement, qui ont coïncidé avec la reprise des manifestations populaires dans une version plus violente que celle des précédentes, des médias avaient évoqué l’existence d’un plan appuyé par l’étranger pour faire chuter le gouvernement actuel dans les plus brefs délais. D’ailleurs, les tentatives immédiates du chef du courant du Futur de renouer avec le chef du PSP, lequel avait aussitôt envoyé des émissaires à Meerab pour tâter le terrain auprès du leader des Forces libanaises Samir Geagea, ont été interprétées comme ayant pour objectif ce fameux plan. De nombreux médias ont aussitôt commencé à prédire que le gouvernement Diab ferait long feu et ils ont misé sur sa chute avant l’été.
Aujourd’hui, cette hypothèse ne peut plus être retenue. D’abord, le gouvernement Diab a mis au point un plan de redressement économique et financier, le premier du genre dans l’histoire du Liban moderne. En dépit des failles possibles (le plan devrait être discuté aujourd’hui à Baabda et, dans une étape ultérieure, au Parlement), ce plan a été plutôt favorablement accueilli par les parties diplomatiques occidentales sondées. Ce qui semble assurer au gouvernement une période de répit, surtout après les critiques sur la question des violences au cours des manifestations.
Il est aussi clair qu’en dépit de leur opposition au gouvernement, les trois parties sollicitées pour former un front ne semblent pas très enthousiasmées par cette idée. Le chef du courant du Futur semble le plus favorable au projet de faire chuter le gouvernement Diab, mais, selon des informations précises, les contacts qu’il a entrepris au cours des dernières semaines avec des parties régionales et internationales n’ont pas montré un grand intérêt pour son éventuel retour à la présidence du Conseil. Sur le plan interne, ses partenaires supposés ne semblent pas non plus prêts à se lancer dans une nouvelle aventure de ce genre, dont le succès n’est pas garanti. D’autant que ses relations avec les autres composantes politiques ne sont pas encore totalement assainies. C’est le cas notamment avec les Forces libanaises avec lesquelles le conflit remonte à la période de sa démission forcée en novembre 2017. Échaudé par l’expérience de ce qu’on a appelé le compromis présidentiel entre Michel Aoun et Saad Hariri, le chef des FL n’est pas disposé à se lancer dans un tel projet sans qu’il ne fasse partie d’un plan global, dans lequel les rôles de chacun et les objectifs seront clairement définis. De son côté, le chef du PSP a clairement montré que dans les circonstances actuelles, il n’a pas l’intention de couper totalement les ponts avec le gouvernement et ce qu’il appelle le pouvoir. Il les a certes violemment critiqués dans de récentes déclarations, mais il se réserve la possibilité de maintenir les contacts ouverts. Sa visite lundi au palais de Babada, préparée par le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, et le député Farid Boustany, entre autres, a montré qu’il n’a pas encore choisi de tourner définitivement le dos au pouvoir et au gouvernement, préférant fixer sa position selon les dossiers.
Ces éléments montrent donc que « le front d’opposition » annoncé par des médias n’est pas sur le point de voir le jour et que le gouvernement Diab dispose d’une chance réelle de travailler, surtout après l’annonce de son plan de redressement. Selon les contacts diplomatiques entrepris par le ministre des Affaires étrangères Nassif Hitti, les réactions internationales à l’annonce de ce plan sont positives, les diplomates, et même des responsables européens, assurant que l’essentiel est d’entamer le processus et de commencer l’exécution pour convaincre les parties soucieuses d’aider le Liban du sérieux de l’action du gouvernement.
Toutefois, selon des sources proches du Hezbollah, ce climat positif autour du gouvernement ne signifie pas que l’administration américaine a mis un bémol à son projet d’affaiblir l’Iran et ses alliés, en tête le Hezbollah. Ce parti aurait reçu récemment des informations sur un plan américain consistant à travailler directement sur son environnement chiite pour le déstabiliser. Selon ces mêmes sources, le projet prévoirait de relancer les protestations populaires, mais de les concentrer cette fois dans les régions à majorité chiite, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth, et en particulier dans les quartiers qui abritent des habitants originaires de la Békaa considérés comme le maillon faible de la communauté chiite. Toujours selon le projet, il faudrait donc tout d’abord accorder une attention particulière aux mouvements de protestation regroupant des figures chiites qui luttent contre la corruption et la cherté de vie, mais qui pourraient, au fil de cette action, éroder l’influence du Hezbollah sur la communauté. Ensuite, il s’agirait de semer la discorde entre les deux principales formations chiites, Amal et le Hezbollah, en utilisant leurs approches différentes à l’égard du gouvernement actuel. Pour éviter justement que les divergences sur des dossiers internes ne se transforment en conflit, le chef du mouvement Amal et président de la Chambre, Nabih Berry, et le secrétaire général du Hezbollah ont axé leurs dernières déclarations sur l’entente entre eux et sur la solidarité entre leurs partisans. De même, des efforts sont déployés pour fermer les brèches par lesquelles les divisions pourraient s’infiltrer entre ceux qui sont en principe dans un même camp. C’est ainsi que le président du Conseil s’est rendu à Aïn el-Tiné, suivi hier par le chef du CPL, Gebran Bassil.
Toutes ces démarches ne peuvent toutefois pas faire oublier aux Libanais la gravité de la situation économique et financière...
commentaires (5)
"...des parties régionales et internationales n'ont pas montré grand intérêt pour son éventuel retour à la présidence du Conseil..." Il est évident que notre petit Saad ne veut pas, ou ne peut pas comprendre cela... Cherchons d'urgence personne ou société charitable pour lui fournir une occupation selon ses capacités, si possible très loin du Liban, avant que de nouveaux problèmes s'ajoutent à ceux qui nous gâchent déjà la vie ! Irène Saïd
Irene Said
11 h 12, le 07 mai 2020