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Moyen-Orient - Société

Le Soudan criminalise les mutilations génitales féminines

Le gouvernement de transition vote une loi historique en faveur des droits des femmes et des filles.

Des femmes scandent des slogans appelant à l’abrogation de la loi sur la famille au Soudan, à l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes à Khartoum, le 8 mars 2020. Ashraf Shazly/AFP

C’est une avancée considérable pour les droits des femmes au Soudan. Le gouvernement de transition, en place depuis la chute du dictateur Omar Hassan al-Bachir, a approuvé le 22 avril dernier un amendement au code pénal qui criminalise les mutilations génitales féminines (MGF). « C’est un immense bond en avant pour les femmes au Soudan et cela démontre que la démocratie est la clé pour atteindre l’égalité. Le Soudan a choisi de mettre les droits des femmes et des filles au cœur de ce nouveau chapitre », commente pour L’Orient-Le Jour Nimco Ali, présidente de l’organisation The Five Foundation visant à abolir les MGF.

Selon les Nations unies, près de 87 % des femmes et des filles soudanaises entre 14 ans et 49 ans ont subi cette pratique sous des formes diverses. En général, les filles y sont contraintes entre l’âge de 5 et 14 ans. Près de 200 millions de femmes et de filles y ont été confrontées dans le monde. Un quart d’entre elles vivent au Moyen Orient et en Afrique du Nord.

Dans le monde arabe, la pratique est extrêmement courante en Égypte où près de 92 % des femmes entre 17 et 42 ans l’ont subie, bien que le Parlement égyptien ait approuvé en juin 2008 la criminalisation de ces mutilations dans le code pénal, en établissant une peine de privation de liberté allant de trois mois à deux ans ou une peine alternative sous la forme d’une amende allant de 1 000 à 5 000 livres égyptiennes. La peine a ensuite été revue à la hausse en 2015 et prévoit, en théorie, entre 3 et 15 ans de prison pour les auteurs. Mais la loi n’a eu que très peu d’impact et très peu de personnes ont été, dans les faits, condamnées. Au Soudan, c’est d’ailleurs actuellement l’une des inquiétudes formulées par certaines activistes et spécialistes de la question qui considèrent que l’application de la loi contre la pratique des MGF va se heurter à son enracinement culturel et aux croyances religieuses qui la sous-tendent. Omar al-Bachir avait déjà tenté d’introduire une nouvelle loi abrogant les MGF mais il avait eu affaire à une levée de boucliers des conservateurs religieux.

« Pureté et virginité »

L’Unicef a salué une « décision historique » du gouvernement de transition soudanais tout en rappelant que l’abolition n’est pas qu’une affaire de loi mais qu’elle requiert un travail de sensibilisation sur le terrain. Les mutilations génitales féminines font partie d’un cadre plus vaste discriminant les femmes au Soudan. « Les mutilations génitales sont surtout pratiquées par des femmes sur d’autres femmes. C’est une pratique qui est perçue comme une affaire de femmes et les hommes s’en lavent les mains, comme si cela ne les concernait pas. Or ces mutilations s’inscrivent à 100 % dans un agenda patriarcal. Il s’agit de contrôler toujours plus le corps des femmes », explique Hala al-Karib, activiste soudanaise pour les droits des femmes et directrice régionale de l’Initiative stratégique pour les femmes dans la Corne africaine (SIHA). « Dans les sociétés fermées comme au Soudan, les MGF sont aussi liées à la volonté de promouvoir des notions de pureté et de virginité. Beaucoup de femmes qui effectuent des mutilations le font parce qu’elles essaient de protéger leurs filles. Elles savent très bien que la société peut être très brutale avec celles qui ont une vie sexuelle », ajoute-t-elle. Pour l’activiste, la prudence doit être de mise car la criminalisation des MGF concerne avant tout les femmes issues de milieux ruraux et marginalisées de surcroît. « Nous pensons bien sûr que la pratique doit être abolie mais nous sommes très réticentes à la criminalisation de normes sociales et à la diabolisation de femmes qui n’ont pas d’accès à différentes formes de ressources. Nous craignons qu’elles aient à subir la double peine », dit-elle. « Les MGF ne sont que le symptôme d’un système qui est vraiment discriminant et c’est cela qui doit être abordé. »

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Après trente années de dictature, le Soudan a vécu au rythme d’une révolution qui a mené à la chute de Omar al-Bachir et à la mise en place d’un Conseil souverain de transition, fruit d’un compromis entre les protestataires et les militaires. Les femmes ont été à l’avant-poste du soulèvement populaire, en composant entre 60 % et 70 % des manifestants. Pendant longtemps, les femmes soudanaises ont dû respecter les lois dites de « moralité » qui restreignent sévèrement leur liberté de mouvement, d’association, de se vêtir comme elles le souhaitent et d’étudier. Mises en œuvre sous le règne de Omar al-Bachir, elles permettaient à la police d’arrêter les femmes et les filles pour des comportements ou des vêtements jugés indécents, pouvant mener à la flagellation. Mais en novembre 2019, le gouvernement soudanais de transition a non seulement dissout l’ancien parti dirigeant, mais aussi approuvé un projet de loi mettant en grande partie fin aux législations sur la morale et l’ordre public. La lutte est toutefois loin d’être terminée. Comme dans de nombreux pays, les femmes soudanaises sont tributaires d’un code des statuts personnels qui perpétue les inégalités entre les hommes et les femmes. Avec l’accord du juge, les filles peuvent être mariées dès qu’elles atteignent les premières années de puberté, parfois à l’âge de 10 ans. « Il ne suffit pas de voter une loi contre les MGF pour que l’abolition s’ensuive dans la pratique. Le Soudan doit s’engager pour les droits des femmes et des filles, signer et ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), lever le système de tutelle du code des statuts personnels. Il faut en somme préparer le terrain pour que les femmes gagnent en autonomisation et aient voix au chapitre, et petit à petit, les mutilations seront effectivement abolies », conclut Hala al-Khatib.

C’est une avancée considérable pour les droits des femmes au Soudan. Le gouvernement de transition, en place depuis la chute du dictateur Omar Hassan al-Bachir, a approuvé le 22 avril dernier un amendement au code pénal qui criminalise les mutilations génitales féminines (MGF). « C’est un immense bond en avant pour les femmes au Soudan et cela démontre que la démocratie est la...

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