L'ancien Premier ministre et chef du courant du Futur, Saad Hariri, qui se trouvait à Paris depuis le début de la pandémie du coronavirus, est rentré vendredi à Beyrouth avec l’intention de resserrer les rangs de l’opposition au gouvernement de Hassane Diab, selon des sources politiques. M. Hariri, rentré à bord d’un avion privé, a été soumis à son arrivée à Beyrouth au test de dépistage du coronavirus qui s’est avéré négatif. Immédiatement après son retour, il a décoché des flèches contre l’un des symboles de l’ère syrienne, le député Jamil Sayyed, dont il a réclamé la levée de l'immunité parlementaire. Selon ses détracteurs, M. Sayyed a joué un rôle influent dans la formation du gouvernement Diab et est l’une des éminences grises du cabinet.
Le retour de M. Hariri intervient alors que le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt a intensifié sa campagne contre le gouvernement Diab, de même que le dirigeant des Forces libanaises Samir Geagea. Selon des sources politiques, MM. Hariri, Joumblatt et Geagea œuvreraient à resserrer leurs rangs pour tenter de constituer un front unifié contre le pouvoir. M. Hariri, qui s’était abstenu de critiquer violemment le gouvernement Diab dans un premier temps, avait laissé entendre il y a quelques jours que la « période de grâce » qu’il avait accordée au cabinet était terminée, l’accusant de vouloir établir un « un plan de suicide économique basé sur la confiscation de l’argent des Libanais déposé dans les banques ». De son côté, M. Joumblatt a nettement intensifié ses attaques contre le cabinet depuis une semaine, allant jusqu’à accuser vendredi Hassane Diab de vouloir mener un « putsch politico-financier », alors qu'une ponction sur certains dépôts bancaires est envisagée par le gouvernement dans le cadre de son plan de réformes économiques à l’étude. M. Geagea, lui aussi, n’a pas ménagé ses critiques à l’égard du gouvernement, estimant que « tant que le sinistre trio contrôle le pouvoir au Liban, il n'y a aucun espoir de réformes ou de plan de sauvetage véritable », dans une allusion au Courant patriotique libre et au tandem chiite (Hezbollah-Amal).
Rencontre PSP-FL
C’est dans la perspective de la constitution d’une opposition plus homogène qu’il faudrait interpréter la rencontre, vendredi, entre deux émissaires de M. Joumblatt, les députés du bloc de la Rencontre démocratique Akram Chehayeb et Nehmé Tohmé, et Samir Geagea. Selon une source des FL, « la rencontre s’inscrit dans le cadre de la coordination entre les deux parties ». « Chaque partie a présenté sa lecture des crises sanitaire et financière, de la situation politique et de la prestation du gouvernement, et il y avait une convergence des points de vue », ajoute cette source. Les FL et le PSP ont décidé d’intensifier leur coordination, selon cette source qui souligne cependant que pour le moment, une redynamisation de l’alliance du 14 mars n’est pas envisagée. Selon des sources politiques, une rencontre devrait se tenir prochainement entre Walid Joumblatt et Saad Hariri.
Jamil Sayyed et le TSL
Dès son arrivée à Beyrouth, le chef du courant du Futur a tenu à adresser un message de fermeté à l’égard du député Jamil Sayyed. Selon un communiqué de son bureau de presse, M. Hariri a demandé au représentant légal des victimes auprès du Tribunal Spécial pour le Liban d'informer le tribunal d’un tweet du député prosyrien datant du 11 avril et dans lequel ce dernier « reconnaît d’une façon détournée avoir reçu la somme de 27 millions de dollars américains pour l’assassinat » de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. « En conséquence, le bloc parlementaire du Futur étudie une demande d'une levée de l'immunité parlementaire de Jamil Sayyed en vue de sa poursuite devant la justice compétente », ajoute le communiqué. A quoi Jamil Sayyed s’est dépêché de répondre, dans un tweet, accusant M. Hariri de mentir et affirmant qu’il avait devancé l’ancien Premier ministre en préparant, lui aussi, un dossier au TSL l’accusant d’avoir forgé de faux documents. « Je vais lever mon immunité parlementaire, fais de même et retrouve-moi à La Haye », siège du TSL, a-t-il lancé à M. Hariri.
Cet échange d’accusations intervient alors que le TSL devrait prononcer vers la mi-mai son jugement dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien chef de gouvernement Rafic Hariri, tué en février 2005 dans un attentat au camion piégé.
M. Sayyed et trois autres anciens responsables des services de renseignement et de sécurité avaient été arrêtés en 2005 dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat mais avaient été libérés quatre ans plus tard, faute de preuve. Les principaux accusés dans cette affaire, que le TSL examine depuis 2009, sont cinq membres présumés du Hezbollah.
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commentaires (12)
Que l'armée prenne le pouvoir sans interférence dû Hezbollah et de la Syrie ( criminel )
Eleni Caridopoulou
18 h 01, le 18 avril 2020