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Culture - Édition

« Contagions », de Paolo Giordano : une pensée... contagieuse ?

L’écrivain italien Paolo Giordano vient de publier un essai écrit depuis Rome en pleine pandémie du coronavirus. À découvrir en accès libre sur le site des éditions du Seuil.

Paolo Giordano a écrit « Contagions » dans un style transparent qui emprunte à la fois à la vulgarisation scientifique et aux romans de gare. Photo DR

Il est certainement davantage profitable en ces longues heures de confinement domestique de s’adonner à la lecture d’un livre plutôt qu’à la paresse.

Il est aussi vrai que cela fait du bien de recevoir une opinion un tant soit peu construite et plus ou moins argumentée plutôt que des ressentiments désarticulés ou des bribes d’idées jetées ici et là, que l’on perçoit un peu trop dans la grégarité qui régente ces réseaux virtuels qui nous obnubilent comme des papillons devant un lampadaire.

Mais justement, à l’heure où l’époque entière ne semble plus penser qu’à travers un prisme unique, celui de l’angoisse de l’expansion d’un énième virus colonisateur sur notre planète, alors que plusieurs continents sont confinés, n’aurait-il pas été plus judicieux de la part d’un écrivain désireux de signer un ouvrage en avant-première de chercher à sortir des lieux communs, déjà mille fois entendus ? Oui, « le seul vaccin dont nous disposons est la prudence ». En effet, le virus nous rappelle « la multiplicité des niveaux qui nous relient les uns aux autres, partout, ainsi que la complexité du monde que nous habitons ».

Certes aussi, « la communauté dans la contagion, c’est la totalité des êtres humains ». Et oui, aussi, « nous sommes l’espèce la plus envahissante d’un fragile et superbe écosystème ». Enfin, « il faut faire attention aux fake news »... Comme l’écrit Paolo Giordano dans son essai Contagions (disponible en accès libre sur le site des éditions du Seuil), nous n’avons qu’à tourner notre regard vers la fenêtre, puisqu’il ne nous reste plus que cela, pour nous en rendre compte. L’information médiatisée et les déclarations des scientifiques ne cessent de nous inquiéter, à raison. Mais voilà, Contagions est un essai, c’est-à-dire un texte littéraire à caractère philosophique dont le genre est justement de faire avancer la pensée, et non pas à la redire.

Un essai grand public

Paolo Giordano, né en 1982, s’est rendu célèbre avec son premier roman, La Solitude des nombres premiers, un best-seller vendu à plus de deux millions d’exemplaires, publié en 2008 aux éditions italiennes Mondadori et par Le Seuil en France. Cet ancien chercheur en physique théorique a annoncé que les droits de Contagions, traduit par Nathalie Bauer, seront versés à la recherche épidémiologique. Né d’un article publié au début de l’épidémie en Italie dans le Corriere della sera en réaction à la complexité et à la confusion des informations, l’essai revient à plusieurs reprises sur cette sensation de l’écrasement devant la quantité d’événements à prendre en considération pour comprendre la situation actuelle du monde.

D’où certainement ce style transparent qui emprunte à la fois à la vulgarisation scientifique et aux romans de gare, avec un souci de clarté et de simplification constant. Tant et si bien qu’on a l’impression, dès les premières pages, de se trouver dans un amphithéâtre universitaire devant un professeur donnant sa leçon, à la manière de ces scènes qu’on trouve dans quelques blockbusters hollywoodiens.

Malgré l’usage d’un procédé quelque peu cliché, il faut reconnaître ici qu’il y a toutefois quelque chose d’assez percutant, efficace, pourrait-on dire, dans cet effort de simplification proposé par Paolo Giordano et qui touchera certainement par ses images de nombreux lecteurs.

Par exemple, la comparaison du phénomène de contagion avec la course effrénée de billes s’entrechoquant mutuellement ; le partage de l’humanité en trois groupes que sont « les susceptibles, c’est-à-dire tous ceux que (le virus) pourrait encore contaminer ; les infectés, c’est-à-dire ceux qu’il a déjà contaminés ; et les rejetés, ceux qu’il ne peut plus contaminer » ; ou encore l’idée selon laquelle la destruction environnementale a privé nombre d’organismes vivants de leur environnement hôte, conduisant les virus à devenir « les réfugiés de la destruction environnementale »...

Si Jean-Paul Sartre avait déjà brillamment formulé dans sa célèbre conférence « L’existentialisme est un humanisme », l’idée selon laquelle les actions de tout individu se répercutent sur l’ensemble de l’humanité, Paolo Giordano a raison de le rappeler. Car le principal intérêt de Contagions, qui s’adresse évidemment à « la masse », réside sans doute dans son aspect éducatif et pédagogique.

Ce petit livre d’une soixantaine de pages constituera sûrement un véritable réconfort pour ceux qui cherchent à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent sans parvenir à trouver les leurs, et infusera probablement en eux un brin d’optimisme et d’espoir. Ce qui est toujours bon à prendre par les temps qui courent…

Il est certainement davantage profitable en ces longues heures de confinement domestique de s’adonner à la lecture d’un livre plutôt qu’à la paresse. Il est aussi vrai que cela fait du bien de recevoir une opinion un tant soit peu construite et plus ou moins argumentée plutôt que des ressentiments désarticulés ou des bribes d’idées jetées ici et là, que l’on...

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