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Moyen-Orient - Commentaire

Covid-19 : la revanche de l’État

La place vide hier devant le palais impérial à Vienne. Reuters/Leonhard Foeger

L’épidémie du coronavirus est une crise plurielle qui appelle à une réflexion à de multiples niveaux, tant sur le plan individuel que sociétal. D’un point de vue métaphysique, elle nous interpelle sur notre rapport à la vie et à la mort. D’un point de vue philosophique, elle nous pousse à redéfinir ce qui est le plus essentiel. D’un point de vue économique, elle remet en question, le temps d’un moment, toutes les doxas établies. Mais c’est certainement sur le plan politique que la crise du coronavirus est pour l’instant la plus riche en enseignements. Personne ne peut aujourd’hui affirmer avec certitude combien de temps va durer la pandémie du Covid-19 et à quel point elle est susceptible, une fois terminée, de provoquer des bouleversements dans nos modes de vie. Mais l’on peut d’ores et déjà considérer qu’elle a remis l’État au centre du village. C’est paradoxal : la crise a beau être mondiale, on la regarde avec des œillères nationales. On a observé ce qui se passait en Chine comme si cela ne pouvait pas nous arriver. Comme si les États étaient des forteresses avec des frontières imperméables qui nous protègent de tout ce qui se passe à l’extérieur. Il y avait quelque chose de rassurant, le temps d’un moment, dans le fait de croire à cette illusion. La réalité de la mondialisation a beau nous avoir très vite rattrapés, c’est bien vers l’État que l’on se tourne à nouveau dans ces temps de crise pour demander protection. C’est de la capacité d’un État à comprendre les enjeux de la propagation d’un tel virus, à prendre des décisions rapides et à mettre en œuvre une stratégie claire et cohérente pour l’endiguer que dépend la vie de milliers, voire de centaines de milliers de ses citoyens. L’enjeu n’est pas de savoir si un pays va être touché ou non par cette pandémie, mais plutôt si l’État en question est capable de la gérer. L’épidémie du coronavirus classe les États en différentes catégories : les autoritaires efficaces, comme la Chine (du moins à partir du moment où Pékin a admis l’ampleur de l’épidémie), qui se moquent des droits de l’homme mais ont l’avantage de pouvoir confiner des populations entières sans provoquer de tollé général ; les démocraties efficaces, comme la Corée du Sud, qui ont pris ou prennent des décisions devant permettre d’endiguer la crise et de limiter le nombre de morts ; les démocraties fragiles, à l’instar de l’Italie, qui ont fait de mauvais choix politiques ou qui semblent ne pas avoir les moyens d’encaisser un tel choc ; et les pires, les autoritaires faillis, comme l’Iran, qui n’ont ni la légitimité démocratique ni les moyens techniques permettant de surmonter pareil défi.

Combien de vies auraient pu être en effet sauvées si le régime iranien avait été transparent dès le début de la propagation du virus et qu’il avait pris alors les dispositions adéquates, alors que le bilan officiel est aujourd’hui de plus de 700 morts ?

L’État est central, essentiel même, en ce qu’il est le dernier refuge en cas de tempête, le seul acteur capable de faire appliquer une politique nationale en temps de crise. C’est là sa plus grande force et en même temps sa principale faiblesse. L’État est indispensable mais il ne peut pas tout. La pandémie du Covid-19 le rappelle de façon brutale : l’efficacité d’un État, qui plus est d’une démocratie, dépend avant tout de l’adhésion générale des citoyens à sa politique, cela est aussi vrai aujourd’hui pour les consignes de confinement qu’en général pour la protection de l’environnement ou encore la sauvegarde de l’État-providence.

Il est ensuite confronté aux limites de la territorialisation de sa politique face à des enjeux le plus souvent globaux.

On peut souhaiter que l’épidémie actuelle entraîne une réflexion saine sur la question des frontières ou sur un processus de démondialisation. Mais cela ne changerait pas fondamentalement la donne. Les États peuvent reprendre une partie du contrôle qui leur échappe et qui est en partie à l’origine du succès des mouvements populistes, mais le retour à un passé mythifié où ils seraient les seuls maîtres à bord paraît utopique.

D’une part, il paraît impossible que les frontières soient totalement fermées, cela supposerait de ne plus du tout se déplacer et de passer ainsi d’un extrême à l’autre. D’autre part, les grands enjeux du XXIe siècle, la question écologique et celle de l’intelligence artificielle en tête, se fichent bien des frontières et ne peuvent être appréhendés d’un point de vue national. La lutte contre la propagation du virus est là encore un parfait exemple : un État peut limiter sa diffusion dans son territoire mais il ne peut empêcher, à moins de fermer complètement et définitivement ses frontières, que celui-ci revienne de l’extérieur. La bataille se gagne à l’échelle nationale mais la guerre se joue au niveau mondial.

La revanche de l’État, d’autant plus si l’on parle d’État-providence, est une nouvelle dont on ne peut que se réjouir. Mais celle-ci n’a véritablement de sens qu’à condition que les États renforcent leur coopération à l’échelle internationale et comprennent que, malgré la compétition qui les anime, leurs destins sont plus que jamais liés.

L’épidémie du coronavirus est une crise plurielle qui appelle à une réflexion à de multiples niveaux, tant sur le plan individuel que sociétal. D’un point de vue métaphysique, elle nous interpelle sur notre rapport à la vie et à la mort. D’un point de vue philosophique, elle nous pousse à redéfinir ce qui est le plus essentiel. D’un point de vue économique, elle remet en...

commentaires (6)

La France n'a rien à foutre avec l'Iran et pourtant , la journée d'hier à elle seule a enregistré 900 cas qui rejoignent les 5000 cas déjà contaminés .

Hitti arlette

15 h 20, le 16 mars 2020

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Commentaires (6)

  • La France n'a rien à foutre avec l'Iran et pourtant , la journée d'hier à elle seule a enregistré 900 cas qui rejoignent les 5000 cas déjà contaminés .

    Hitti arlette

    15 h 20, le 16 mars 2020

  • Halte à la mondialisation et à la globalisation ! C'est cela qu'il faudrait combattre en premier lieu !

    Chucri Abboud

    13 h 50, le 16 mars 2020

  • D'autant plus que dans une interview sur le Média Paul Jorian répond à une question de Théophile Kouamouo en lui disant que le pays le plus en danger en ce moment c'est les usa du clown pantin. Rien n'est dit sur ce pays par cet article complètement à côté de la plaque .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 29, le 16 mars 2020

  • Qu'importe cette classification entre état failli ou autoritaire ou démocratie fragile , si ce n'est que pour instrumentaliser des états dits fragiles ou autoritaires. Les sous entendus n'empêchent pas des démocraties occidentales d'être aujourd'hui exposées au virus qui y fait un plus grand nombre de morts qu'on cherche honteusement et de mauvaise foi à occulter . L'Iran par rapport à l'Italie en terme de morts et d'infectés est un paradis actuellement . La Chine par rapport aux USA a mangé son pain noir et les usa continuent à mentir et à cacher l'ampleur de leurs pertes en vie humaines . Dans une situation de pandémie, il est idiot de se mettre à vouloir faire des comparaisons rien parce qu'on a été toute sa vie quelqu'un de subjugué par une philosophie ou disons le une idéologie, quelqu'elle soit .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 45, le 16 mars 2020

  • de quel état parlez vous ,Monsieur? J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 46, le 16 mars 2020

  • A coté des Etats autoritaires faillis (Iran) et des démocraties fragiles (Italie), il y a les démocraties faillies : Liban

    Tabet Ibrahim

    08 h 57, le 16 mars 2020

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