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Agenda - Tribune

Bras de fer pour l’indépendance de la justice

L’actuel projet de mutations judiciaires, c’est-à-dire l’affectation d’un juge à un poste déterminé, a été finalisé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), notifié au ministre de la Justice qui l’a retourné avec des observations objectives. À cette étape, la Constitution et la loi sont respectées et le principe de la séparation des pouvoirs aussi.

Cependant, le gouvernement doit relever le défi de dissiper par des actes concrets la suspicion légitime de l’opinion publique nationale et internationale concernant l’indépendance de la justice. Cette suspicion est causée par les pratiques du pouvoir politique durant les deux dernières décennies.

Le politique a par le passé détourné la nécessité, légale, d’un décret, pour influencer le fonctionnement du service public de la justice. Le gouvernement actuel, s’il est sincère dans sa volonté déclarée de respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire, se doit de rompre avec les pratiques antérieures.

Le mécanisme légal

La loi, conforme au principe constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire, affirme que l’affectation d’un juge à un poste déterminé revient exclusivement au CSM, une structure constituée de dix juges, dont deux élus et huit nommés par le pouvoir exécutif (DL 150 du 16/9/1983).

Le projet des mutations des magistrats est décidé par le CSM et envoyé pour avis au ministre de la Justice qui peut formuler ses observations. Si le CSM maintient sa décision par une majorité de sept membres, les mutations deviennent alors exécutoires.

Ce mécanisme, s’il est appliqué par l’exécutif de bonne foi et conformément à l’esprit et la finalité de la loi, assure l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’affectation des magistrats.

Le détournement politique

Fort de la nécessité légale d’un décret du pouvoir exécutif devant être revêtu de la signature du président de la République, du Premier ministre et des ministres de la Justice, des Finances et de la Défense, et compte tenu de l’absence dans l’accord de Taëf d’un délai fixé aux ministres pour signer les décrets et du fait de la conjoncture politique due aux gouvernements « d’union nationale », chacun des ministres dont la signature est requise sur le décret d’exécution des décisions du CSM peut bloquer les décisions du CSM en posant l’affectation d’un juge à un poste déterminé comme condition pour apposer sa signature. À défaut, le décret d’exécution ne sera pas promulgué et les mutations décidées par le CSM ne deviendront jamais exécutoires. Cette pratique a constitué par le passé le moyen utilisé par le pouvoir politique pour imposer au CSM la nomination ou le maintien de certains juges à certains postes. Pour mémoire, durant les deux dernières années du mandat du président Lahoud, les mutations des juges ont été bloquées par les pressions politiques.

Le remède

Le pouvoir exécutif a déclaré vouloir un pouvoir judiciaire souverain et indépendant. S’il est sincère, il devra traduire dans la loi sa volonté d’affranchir le CSM des pressions du gouvernement, simplement en supprimant la stipulation par l’article 5b du DL 150/1983 de la nécessité de promulguer les mutations par décret. En définitive, le projet de mutation de juges décidé par le CSM constitue une opportunité unique pour le pouvoir exécutif de rompre avec les pratiques passées et donner à l’opinion publique le gage de la sincérité d’effectuer les réformes requises. À cet effet, il devra sans délai promulguer le décret rendant exécutoire la décision du CSM devenue en tout cas exécutoire de par la loi.

Il peut même aller plus loin pour libérer les mutations futures des pressions politiques : à cet effet, il devra proposer un amendement à la loi pour exempter les résolutions du CSM relatives à la mutation de la nécessité d’un décret du pouvoir exécutif.

La rapidité de la publication du décret d’exécution des mutations judiciaires sera une indication de la volonté effective de l’exécutif de respecter l’indépendance de la justice.

Observons.

L’actuel projet de mutations judiciaires, c’est-à-dire l’affectation d’un juge à un poste déterminé, a été finalisé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), notifié au ministre de la Justice qui l’a retourné avec des observations objectives. À cette étape, la Constitution et la loi sont respectées et le principe de la séparation des pouvoirs aussi.Cependant, le...