Et si ce n’était pas Ève qui avait croqué la pomme ? Si c’était Adam qui avait succombé, en premier, à la tentation ? Et si Dieu avait décidé que ses prophètes seraient des femmes ? Que la Trinité était « Au nom de la Mère, de la fille et du Saint-Esprit » ? Que Marie-Madeleine n’était pas une pécheresse mais une apôtre, que l’Église de Rome avait été fondée non pas par Pierre mais par Marthe et que les disciples n’avaient pas fait une lecture misogyne des Évangiles, que serait-il advenu de notre société? Que serait-il arrivé si l’ange Gabriel avait parlé à Zeinab et non à Mahomet ? Que serait devenu le monde ?
Bien meilleur probablement. Même si l’histoire a connu des femmes violentes ou des reines plus sanguinaires que les rois, le monde aurait été plus doux. Parce que dès le départ, la femme n’aurait pas été mère de tous les maux et n’aurait pas porté sur ses épaules la culpabilité du monde. Parce qu’elle n’aurait pas été rejetée, persécutée, lapidée, accusée. Parce qu’elle n’aurait pas été une victime ni considérée comme un être humain de seconde zone, une citoyenne de seconde zone. Les femmes auraient changé notre vision de la vie. Plus forte que l’homme, plus solide, plus robuste.
Le monde aurait été différent… surtout pour elles. Elles n’auraient pas eu à subir des mariages forcés. On ne leur aurait pas demandé de se cacher les cheveux dans les trois religions monothéistes. On ne les aurait pas qualifiées d’impures quand elles ont leurs règles, intouchables quand elles sont enceintes. On n’aurait pas redouté leur sexualité et leur désir. On ne les aurait pas répudiées en cas d’adultère, en cas d’erreurs. On ne leur aurait pas rasé la tête parce que Hitler aurait intégré les beaux-arts et on n’aurait jamais entendu parler de lui, puisqu’il aurait été un peintre raté.
On aurait vécu plus tranquillement. Plus sereinement. Et nous aurions peut-être dit les femmes et non pas les hommes. Ou les êtres humains tout simplement.
Malheureusement, ce sont les hommes qui ont pris les rênes de la planète. La détruisant au passage. Ce sont eux qui ont décidé de tout, ne nous donnant des prérogatives que beaucoup trop tard. Et encore, si véritables prérogatives nous avons. Aujourd’hui, il y a encore une Journée internationale de la femme. Comme il y a des journées pour les exclus, les maladies, la protection de l’environnement, l’orgasme. Il y a encore une Journée internationale de la femme, parce que nous ne sommes toujours pas dans l’égalité. Ni parfois dans la légalité. Il y a encore et toujours des femmes battues, des femmes violées à qui on rabâche que c’est de leur faute et qui souvent sont condamnées pour les actes de leurs agresseurs.
On nous dit encore comment nous comporter. Comment agir. Comment nous habiller. De ne pas trop dévoiler nos corps, de ne pas exhiber notre poitrine, notre lingerie. De ne pas être des tentatrices, mais d’être sexy. On nous demande de ne pas grossir, de nous raser les jambes, les aisselles, le bikini. On nous dit encore que les hommes n’aiment pas les femmes fortes, ni les femmes vieilles ni les femmes ayant réussi. On nous dit de ne pas parler trop fort, de croiser les jambes, de ne pas jurer, de ne pas trop boire, de ne pas fumer dans la rue, de ne pas marcher seule le soir. On nous juge si nous ne voulons pas nous marier, si nous ne voulons pas d’enfant, si nous divorçons, si nous couchons le premier soir, si nous enchaînons les amants, si nous sortons avec un homme plus jeune, si nous ne savons pas cuisiner, si nous travaillons trop ou pas assez.
Tu seras une femme ma fille. Une femme qu’on désire mais qu’on respecte. Une femme fidèle et une femme aimante. Tu seras une bonne épouse, une bonne mère, une bonne amante. Tu seras celle que veulent les hommes. Tu te façonneras selon leurs envies, selon leur regard. Tu seras une femme ma fille, celle d’un homme. Un homme pour qui tu troqueras ton nom de famille et endossera le sien. Tu seras Madame suivi de son prénom et de son patronyme. Patronyme, patriarcat, patriarche. Comme ici. Au Liban où on s’extasie et se félicite quand des femmes ont des postes à responsabilité, quand elles siègent au Parlement ou au gouvernement. Comme ici où il ferait bon et mieux vivre si les femmes prenaient le pouvoir.
Je ne sais pas si les femmes à la place des hommes ça serait mieux. On inverserait uniquement les genres, et de femmes humiliées elles deviendraient femmes humiliantes. Le problème est dans la domination de l’un par l’autre, pas de l’un ou de l’autre. La domination se nourri et se renforce elle même. L’antidote? Une société évoluée, avec des règles, des contre pouvoirs, une presse libre...
00 h 09, le 08 mars 2020