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Nos Lecteurs ont la Parole - par Général Antoine EL-DAHDAH

Quid de la pollution... et du coronavirus au Liban ?

C’est une tâche ingrate, parfois, de devoir contrarier une croyance bien ancrée dans l’opinion publique au risque de passer pour un ignare ou un trublion ; il s’agit bien sûr du problème de la pollution sur un territoire pas plus grand qu’un mouchoir de poche à l’échelle internationale (10 452 km2). Ce problème a été, depuis quelques années, tellement négligé, étudié, pesé, soupesé, mené, malmené, que les spécialistes du pays, diplômés des plus prestigieuses universités, appuyés par des consultations suédoise, allemande, française etc... ont pratiqué une analyse profonde de la dégradation de l’atmosphère au Liban pour en arriver à la conclusion suivante : « En nous faisant cadeau de l’Éden, Dieu a laissé tomber une peau de banane. »

L’opinion publique, alimentée par les connaisseurs en écologie, est fermement convaincue que le Liban est devenu un dépotoir où toutes sortes de déchets, saletés, débris, immondices, ordures ménagères... viennent s’épanouir dans un climat que Dieu a créé aussi pur que celui du paradis terrestre de la Genèse. Ce mouvement d’opinion condamne, dans la vie des citoyens, toutes sortes d’institutions qui pourraient doter le pays de projets utiles et d’industries productives, admis dans les autres pays du monde ; l’opinion publique est hostile, sans peur et sans reproche, à tout ce qui peut produire fumée, vapeur, poussière, pollens, parasites, odeurs, fragrances et autres éléments plus légers que l’air. Quiconque prend le risque de relancer un problème de notre vie domestique et de proposer des solutions nouvelles se voit traité de brebis galeuse par ceux-là mêmes qui s’y sont frottés avant lui.

L’auteur de ces lignes, citoyen condamné à assister aux querelles télévisées, n’a encore trouvé personne pour répondre à des questions qui suscitent son embarras. Sa carrière militaire lui a offert la chance de fréquenter de grandes écoles spécialisées dans lesquelles il a acquis des enseignements sur la science de la météorologie : Royal School of Artillery en Angleterre, où les conditions atmosphériques ont un impact direct sur les trajectoires balistiques ; École navale en France où la connaissance du ciel, des mouvements des vents et des nuages, est indispensable sinon vitale à la navigation ; Command and General Staff College aux États-Unis, où la prévision du temps peut causer le succès ou l’échec de grandes batailles. Deux souvenirs, en particulier, lui reviennent pour lui inspirer des questions troublantes :

1- À l’École navale, Brest, 1962, un éminent professeur de météorologie venait une fois la semaine par avion de Paris pour donner son cours magistral et son savoir. Très respecté par le corps professoral, il apprend en classe qu’un élève venait du Liban et s’adresse à lui : Ah ! le Liban est une région privilégiée ; il règne sur votre pays un vent de mer sud-ouest permanent de 2 nœuds (4km/h) qui balaie toute forme de pollution en quelques heures, car ce pays n’a qu’une soixantaine de km de large ; quelques jours par an, le vent s’arrête et crée un vide où brouillard et pollution remplissent l’atmosphère. Quant à vos côtes, elles demeurent toujours propres car tout ce qui flotte librement est porté vers le nord à 2 nœuds similaires. C’est un courant marin continu qui va du delta du Nil jusqu’au golfe d’Alexandrette.

2- À l’École d’état-major, Leavenworth, 1967, l’auteur de ces lignes se réveille un matin avec une douloureuse pression dans la région nasale ; à l’hôpital militaire, il se trouve dans le cabinet d’un oto-rhino célèbre qui détecte une sinusite et la soigne en conséquence ; en fin de traitement il lui décare : « Vous êtes guéri et ce qui vous est arrivé est dû au fait que vous venez du Liban, pays le plus sain du monde, au Kansas, l’État le plus malsain d’Amérique. »

Voilà pourquoi l’auteur de ces lignes a toutes les raisons de croire que parmi les pays à grande densité démographique sur des données annuelles couvrant tout le territoire, le Liban est le moins pollué de ce monde, dame nature l’ayant doté de privilèges inexistants dans les autres pays. Il aimerait cependant faire appel à ceux qui viennent exposer leurs talents scientifiques sur des solutions qui n’ont jamais été appliquées :

1- Ce vent de mer permanent de 2 nœuds en sud-ouest et ce courant marin continu de 2 nœuds en sud-nord existent-ils toujours ?

2- Les mesures faites dans les centres d’information sont-elles circonscrites au lieu où elles sont prélevées ou sont-elles généralisées à tout le pays ?

3- Combien de jours sur 365 la pollution est-elle nocive 24 heures sur 24 sur toute l’étendue du territoire, et en quelles périodes de l’année la pollution devient-elle nuisible à la santé ?

4- Est-il vraiment dangereux de nager dans les eaux de notre rivage lorsque la mer, visiblement, paraît accueillante ?

5- Les hautes cheminées de Deir Aamâr, Chekka, Jounieh, Jiyyé, ainsi que des brûleurs de déchets, etc. sont-ils vraiment nocifs quand ils sont dotés de filtres adéquats ? L’auteur de ces lignes attend, dans le colonnes de ce journal, la réponse d’une âme bien née dont la valeur est soutenue par la science et non point par le nombre des années.

Post-scriptum

Après la rédaction de cet article, s’est posé au Liban le problème du coronavirus, suite à une épidémie mondiale qui persiste à dévaster la planète. Pour être conséquent avec le raisonnement développé ci-dessus, un commentaire optimiste pourrait s’imposer et calmer les esprits de ceux qui envisagent l’avenir avec appréhension, mais toujours dans un souci de vulgarisation et non pas de spécialisation. Les grandes épidémies de ce monde se sont toujours développées à partir d’un virus ou d’un autre agent nocif qui ont trouvé dans un lieu donné les conditions et le climat propices à leur prolifération en plus d’une pollution nuisante destinée à infester toute l’atmosphère. Si l’on avance le fait que le climat du Liban est le plus sain du monde, on peut émettre une hypothèse selon laquelle notre cigale vorace n’y trouvera qu’une atmosphère malsaine où elle ne pourra avaler ni mouche ni vermisseau. Pour cette raison, l’épidémie au Liban pourrait devenir la calamité la plus lente du monde, car dans ce pays, béni des dieux, un vent de mer permanent du sud-ouest, pur et salubre, balaie toute forme de pollution en quelques heures. Même les sauterelles ont toujours été plus faciles à combattre sur la zone côtière que dans les plaines de la Békaa ; ici, il suffit de taper sur les casseroles, là il faut actionner de puissants pulvérisateurs. Prions quand même, chacun dans sa foi, pour que les humains en péril fassent preuve de grande qualification pour couper l’appétit de ces parasites dévastateurs.

Général Antoine EL-DAHDAH

Ambassadeur

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

C’est une tâche ingrate, parfois, de devoir contrarier une croyance bien ancrée dans l’opinion publique au risque de passer pour un ignare ou un trublion ; il s’agit bien sûr du problème de la pollution sur un territoire pas plus grand qu’un mouchoir de poche à l’échelle internationale (10 452 km2). Ce problème a été, depuis quelques années, tellement négligé, étudié,...

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