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Moyen-Orient - Disparition

Moubarak, le raïs jugé par son peuple

Décédé hier, le raïs égyptien a été balayé par le printemps arabe en 2011.

Hosni Moubarak le 1er juin 2004 à Munich. Photo AFP

Il en va du pouvoir comme des relations amoureuses : on s’y accroche, le plus souvent, jusqu’à ce que la situation pourrisse. Le bilan de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, décédé hier à 91 ans dans un hôpital militaire au Caire, n’aurait-il pas été en effet plus flatteur si son règne n’avait pas semblé si interminable? L’ancien pilote de chasse aux lunettes noires a passé 30 ans à la tête de l’Égypte, plus que Nasser et Sadate réunis, ces deux pharaons modernes qui lui ont toujours fait ombrage.

Il n’avait ni le charisme et la voix du premier ni l’audace et la ruse du second. Moubarak était le continuateur terne, sans visions et sans relief, de ces deux prédécesseurs. Plus le temps a passé, plus cette image de raïs inamovible et immobile, en décalage total avec un pays qui a profondément évolué durant son règne, lui a collé à la peau jusqu’à incarner malgré lui le déclin inexorable de l’Égypte.

Le président égyptien sera balayé par le printemps arabe, lâché par l’appareil sécuritaire qu’il avait nourri pendant des décennies. Le 1er février 2011, alors que la rue est en ébullition, Moubarak n’en démord pas et déclare : « Ce pays, j’y ai vécu, j’ai fait la guerre pour lui et l’histoire me jugera. » Dix jours plus tard, son vice-président Omar Soleiman annonce la démission du raïs qui aurait été, selon la presse égyptienne, incapable de le faire lui-même. Se termine ainsi une longue période de transition entre deux moments d’accélération de l’histoire durant laquelle beaucoup de choses se sont passées sans pour autant qu’on parvienne à en retenir, à l’exception des derniers jours, des souvenirs vraiment marquants.

À défaut de l’histoire, c’est le peuple égyptien puis la justice qui ont pour l’instant jugé le bilan de celui qui était surnommé « la vache qui rit ». Une image restera dans tous les esprits : celle du raïs allongé sur un lit et enfermé comme dans une cage lors de son procès qui débute en 2011. Une fin qu’il était loin d’imaginer, lui, que beaucoup considéraient comme le dernier pharaon.

Rien ne le prédestinait pourtant à le devenir. Moubarak est né le 4 mai 1928 dans une famille de la petite bourgeoisie rurale du delta du Nil. Héros de la guerre de 1973 – une défaite militaire transformée en victoire politique qui vient redorer le blason de l’Égypte après la débâcle de 1967 –, il est nommé vice-président en 1975 pour amadouer l’armée. Il assiste depuis les premières loges à l’assassinat de Sadate par des extrémistes religieux et échappe ainsi une première fois à la mort. Il sera la cible de multiples attentats par la suite. C’est sa « baraka » qui lui permet d’endosser le costume présidentiel dans un contexte compliqué, marqué par l’hostilité des islamistes et surtout par l’isolement de l’Égypte dans le monde arabe après la conclusion d’une paix séparée avec Israël.


(Lire aussi : Moubarak, l'autocrate déchu à l'image corrompue)


Stabilité, sécurité
On peut attribuer à Hosni Moubarak, qui n’a jamais remis en question le virage opéré par Anouar Sadate, d’autant plus qu’il lui a permis de profiter d’une aide américaine d’environ deux milliards de dollars par an, le mérite d’avoir su ramener l’Égypte au sein de la famille arabe. Compte tenu du poids historique de l’Égypte dans le monde arabe et du contexte de l’époque, la tâche n’était pas toutefois herculéenne. La fin de la guerre froide marque le début de la domination sans partage des États-Unis au Moyen-Orient et celui des grandes tractations sur la paix israélo-arabe. Assumant parfaitement son rôle d’allié stratégique de Washington, Moubarak facilitera les négociations en vue de parvenir à la paix. Fait suffisamment rare pour être souligné, le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont tous deux rendu hommage hier à un homme qui a œuvré pour la paix. C’est l’époque où les grands sommets étaient suivis avec espoir et attention, et où l’on pouvait fermer les yeux sur tout ce qui se passait à l’intérieur des pays que l’on disait modérés.

Stabilité, sécurité : telle était la rengaine de Hosni Moubarak, à l’instar de la plupart des dictateurs de la région, dont il était certainement l’un des « moins pires ». Malgré tous ses défauts, le raïs était loin d’avoir le vice de Hafez el-Assad, la cruauté de Saddam Hussein ou la mégalomanie de Mouammar Kadhafi. Son attitude débonnaire ne doit pas toutefois faire oublier qu’il a instauré l’état d’urgence permanent dans son pays, profitant de cela pour mater l’opposition à la fois libérale et islamiste.

Dans les années 90, les attentats vont se multiplier, le plus marquant étant celui du 17 novembre 1997 à Louxor, dans lequel 62 personnes vont perdre la vie. Le raïs va mener une guerre sanglante contre les islamistes que l’Égypte ne parviendra toutefois jamais véritablement à gagner. Avec les Frères musulmans, Moubarak utilisera avec alternance la carotte et le bâton, interdisant officiellement leur existence, mais leur laissant dans les faits prendre de l’ampleur au sein de la société, là où l’État n’a plus les moyens d’assumer ses fonctions. Pour les concurrencer, il va également s’appuyer sur les salafistes qui vont contribuer à durcir les mœurs au sein de la société égyptienne.

Le règne de Moubarak est marqué par le doublement de la population égyptienne, passant de 40 millions dans les années 80 à 80 millions au début des années 2010. À défaut de se transformer, l’Égypte s’est appauvrie tout en perdant son statut de leader du monde arabe au profit des riches pétromonarchies du Golfe. La jeunesse égyptienne ne pouvait se satisfaire de ce cocktail de paupérisation et d’absence de liberté dans un régime qui ne propose aucun avenir. Si le raïs n’est pas connu pour avoir l’esprit de lucre, il va laisser tout un réseau de proches s’enrichir et, faute ultime, préparer son fils, Gamal, à la succession.

Depuis 2011, la mort de Hosni Moubarak aura été annoncée à de nombreuses reprises. Il aura tout de même tenu presque 10 ans dans un état de santé très précaire et dans des conditions, dans un premier temps, plutôt difficiles. Le temps de se voir acquitté en mars 2017 dans le procès pour la mort de manifestants. Le temps aussi de voir ses successeurs, Mohammad Morsi et surtout Abdel Fattah al-Sissi, réussir à raviver auprès de certains Égyptiens la nostalgie d’une époque où rien ou presque n’allait, mais tout ou presque semblait mieux qu’aujourd’hui.


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Il en va du pouvoir comme des relations amoureuses : on s’y accroche, le plus souvent, jusqu’à ce que la situation pourrisse. Le bilan de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, décédé hier à 91 ans dans un hôpital militaire au Caire, n’aurait-il pas été en effet plus flatteur si son règne n’avait pas semblé si interminable? L’ancien pilote de chasse aux lunettes...

commentaires (7)

...suite Faut-il préciser que le Président Moubarak était le héros désigné par le Président Sadate en personne de la guerre d’octobre 1973 ? Pendant ses mandats de Présidence 30 ans quand même il a fait surement des erreurs, mais a libéré l’économie, a institué la libre entreprise, n’a jamais mis en prison ou écarté de journalistes. Sa plus grosse erreur a été de refuser de nommer un vice-président comme le réclamait l’armée et ses opposants. Espérant ainsi nommer son fils afin qu’il prenne sa place en tant que Président … On dit que c’était le printemps arabe !!! Foutaise ! c’était un coup d’Etat militaire déguisé de l’armée Egyptienne, qui a manipulé la pseudo révolution et les frères musulmans, et a enfumé tout le monde en abatant ses cartes et en écartant l’illustre inconnu président Morsi qui a servi de bouc émissaire à l’armée ? La preuve : l’armée ne lâche jamais l’un des siens, elle a gardé Le Président Moubarak au chaud l’a soigné etc… puis jugé et rejugé pour en fin de compte lui donner un non-lieu pour toutes les accusations qui lui ont été reprochées. Et le hasard du calendrier a voulu que les enfants Moubarak aient été blanchis par le tribunal pour leur dernier procès quelques jours avant le décès de leur Père . Il est mort en tant qu’Egyptien qui a refusé de quitter son pays en prenant la fuite comme les lâches Tunisien , Lybien , Algérien et bien d’autres hommes politiques … que Dieu ait pitié de son Âme .

Le Point du Jour.

18 h 55, le 26 février 2020

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Commentaires (7)

  • ...suite Faut-il préciser que le Président Moubarak était le héros désigné par le Président Sadate en personne de la guerre d’octobre 1973 ? Pendant ses mandats de Présidence 30 ans quand même il a fait surement des erreurs, mais a libéré l’économie, a institué la libre entreprise, n’a jamais mis en prison ou écarté de journalistes. Sa plus grosse erreur a été de refuser de nommer un vice-président comme le réclamait l’armée et ses opposants. Espérant ainsi nommer son fils afin qu’il prenne sa place en tant que Président … On dit que c’était le printemps arabe !!! Foutaise ! c’était un coup d’Etat militaire déguisé de l’armée Egyptienne, qui a manipulé la pseudo révolution et les frères musulmans, et a enfumé tout le monde en abatant ses cartes et en écartant l’illustre inconnu président Morsi qui a servi de bouc émissaire à l’armée ? La preuve : l’armée ne lâche jamais l’un des siens, elle a gardé Le Président Moubarak au chaud l’a soigné etc… puis jugé et rejugé pour en fin de compte lui donner un non-lieu pour toutes les accusations qui lui ont été reprochées. Et le hasard du calendrier a voulu que les enfants Moubarak aient été blanchis par le tribunal pour leur dernier procès quelques jours avant le décès de leur Père . Il est mort en tant qu’Egyptien qui a refusé de quitter son pays en prenant la fuite comme les lâches Tunisien , Lybien , Algérien et bien d’autres hommes politiques … que Dieu ait pitié de son Âme .

    Le Point du Jour.

    18 h 55, le 26 février 2020

  • > Drôle de façon de voir la relation amoureuse jusqu’au pourrissement ! Pourquoi occulter le bilan catastrophique de Nasser en tout point de vue. Bilans racistes anti-étrangers et anti-copte, bilan financier en nationalisant toutes l’industrie et entreprises Egyptiennes ainsi que la nationalisation des terres etc.. Sans oublier la débâcle Militaire de 1967 transformées bien sûr en trahison de l’Occident contre l’Egypte. Et qui se termine par le suicide (aidé) du Marechal Abdel Hakim Amer qui refusait de porter le chapeau de la défaite du 5 juin 1967 Quant au Président Anwar El Sadate son œuvre a été inscrite dans l’histoire du moyen- orient comme homme de Paix. En choisissant la Paix avec Israël il prit l’assurance-vie pour la tranquillité du peuple Egyptien contre toute agression extérieure. Il a tout fait pour assurer une paix intérieure et extérieure à son pays , il a d’abord continué à défier les frères musulmans, puis leur a donné une chance pour collaborer avec lui en nommant l’un dès leur comme ministre du culte en Egypte . et la collaboration inattendue des mêmes frères l’ont lâchement assassiné,je n’insiste pas sur la répression contre les Coptes les intellos , journalistes etc … Survoler ses deux premiers points est surement un oubli ? et je ne vois là aucun ombrage de la part de ses deux prédécesseurs. lire la suite merci

    Le Point du Jour.

    16 h 38, le 26 février 2020

  • L,EGYPTE NE SE GOUVERNE QUE PAR DES -MOUBARAK- !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 40, le 26 février 2020

  • Pourvu que les pourris qui gouvernent notre semblant de pays connaissent la meme déchéance: opprobre, procès public et prison à vie.

    Tabet Karim

    09 h 11, le 26 février 2020

  • On espère que nombre de nos dirigeants , et pas des moindres , finiront à Roumieh ainsi...

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 15, le 26 février 2020

  • Joliment écrit Anthony. De quoi rendre ton père fier!

    Onaissi Antoine

    02 h 50, le 26 février 2020

  • RIP M le président. Ses enfants et lui ont eu 1000 fois l'occasion de fuir leur pays et ne pas être arrêtés. Ils ont préféré et ils l'ont dit : Ils resteront dans leur pays, seront jugés, feront la prison et décèderont dans leur pays. Patriotes jusqu'au bout. Son pays a atteint le summum de renommée et succès durant son règne. Les occidentaux ont dénoncé sa soit-disant dictature... Mais comme nous le savons, dans ces contrées, seul le règne de la "botte militaire" calme les ardeurs des intégristes (la secte des EKHOUéNE pour l'égypte) qui profitent de la moindre "liberté" pour tuer, assassiner, faire des révolutions et bruler églises , synagogues (et même mosquées). Il a su manier démocratie et main de fer. RIP M Moubarak

    LE FRANCOPHONE

    00 h 56, le 26 février 2020

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